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La libre circulation inquiète les syndicats

Le marché suisse s'ouvre aux travailleurs européens le 1er juin. Keystone

La libre circulation des travailleurs pourrait se traduire par une pression à la baisse sur les salaires, avertissent les syndicats.

Dès mardi 1er juin, les citoyens de l’Union européenne (UE) ont librement accès au marché suisse du travail.

En vertu des accords bilatéraux, les Suisses ont le droit, depuis deux ans, de travailler dans la plupart des pays de l’UE. Pour respecter la réciprocité, Berne est maintenant obligée de lever les restrictions imposées aux travailleurs européens.

Le délai obtenu au cours des négociations est désormais échu. Dès mardi, la priorité dont jouissaient automatiquement les Suisses sur le marché national du travail n’existe plus.

L’accord ne s’applique toutefois qu’aux 15 «anciens» pays de l’UE. Les citoyens des dix nouveaux pays entrés dans l’Union le 1er mai devront encore probablement attendre des années avant d’avoir librement accès au marché suisse du travail.

«Les citoyens de ces 15 pays peuvent venir librement en Suisse, avec pour seule restriction le respect d’un quota de 15’000 permis de résident à long terme par an. Et, bien sûr, qu’ils trouvent un travail», confirme à swissinfo Dieter Grossen, responsable de la Division marché du travail et émigration.

Des risques de «dumping»

Cet assouplissement inquiète les syndicats. Selon eux, elle pourrait conduire à des pressions à la baisse sur les salaires, particulièrement dans les zones frontalières.

De plus, les cantons et les entreprises ne sont pas tous préparés à faire face à un éventuel afflux de nouveaux travailleurs, avertissent encore les syndicats.

Le Parlement suisse a pourtant adopté des mesures d’accompagnement pour lutter contre le «dumping» salarial et pour éviter d’affaiblir la protection des travailleurs.

Il s’agit notamment de régler les conditions de travail des employés de firmes étrangères envoyés en Suisse pour un temps limité et de fixer les salaires minimaux et les horaires dans des conventions collectives.

L’application de ces nouvelles dispositions doit être surveillée par des commissions tripartites – une par canton -, formées de représentants des autorités, des employeurs et des employés.

«La Suisse est mal préparée»

Mais, les syndicats estiment que ces mesures ne suffiront pas à assurer aux travailleurs une protection satisfaisante.

«La Suisse est mal préparée à l’ouverture de son marché du travail, parce qu’elle ne connaît pas le salaire minimum et que de nombreux secteurs n’ont pas de convention collective», estime Serge Gaillard, de l’Union syndicale suisse (USS).

Pour le secrétaire syndical, ce manque de protection est particulièrement marqué dans les secteurs de la vente au détail, de l’agriculture et des transports.

A l’Office fédéral de l’immigration, de l’intégration et de l’émigration, on rejette l’objection. «Depuis une année, les cantons sont équipés de la législation nécessaire pour s’organiser», note Dieter Grossen.

«Nous savons que les commissions tripartites ont été créées dans tous les cantons et je suis sûr que cela va fonctionner dès le début juin», ajoute le directeur de l’office.

Depuis deux ans, les risques de dumping salarial et d’arrivée massive de travailleurs étrangers ont animé le débat politique, mais jusqu’ici, ces craintes se sont avérées infondées.

Un question de moyens

A l’USS, on admet que les mesures prévues pourraient être efficace, mais on s’inquiète de la manière dont elles seront appliquées.

«Certains cantons frontaliers comme Genève ou le Tessin sont déjà prêts, explique Regula Rytz, secrétaire à la centrale syndicale. Mais les cantons ont été lents à réagir et nous estimons que, dans nombre d’entre eux, le système ne va pas fonctionner. Il faudra donc que les syndicats s’en mêlent.»

Regula Rytz ajoute que de nombreux cantons n’ont pas eu les moyens de prendre les mesures appropriées et reproche au gouvernement fédéral de ne pas les avoir mieux guidés.

«Ces commissions tripartites sont un bon instrument, admet la secrétaire syndicale. Mais sans les moyens nécessaires, ça ne marchera pas. Le succès de toute l’opération dépendra de l’argent que recevront les commissions pour surveiller efficacement le marché du travail.»

Ainsi, l’USS demande au moins 100 inspecteurs supplémentaires pour s’assurer que les mesures d’accompagnement ne restent pas lettre morte.

swissinfo, Isobel Leybold
(traduction: Marc-André Miserez)

– L’accord bilatéral sur la libre circulation est entré en vigueur en 2002. Les dernières restrictions imposées aux citoyens des 15 «anciens» membres de l’UE qui veulent travailler en Suisse et aux Suisses qui veulent travailler en Europe sont levées dès le 1er juin 2004.

– Le nombre de travailleurs de l’UE admis en Suisses reste limité à 15’000 par année jusqu’en 2007. Aucun quota n’existe par contre dans l’autre sens.

– Jusqu’ici, les craintes de dumping salarial et d’afflux massif de main d’œuvre se sont avérées infondées.

– La libre circulation pour les citoyens des 10 nouveaux pays membres de l’UE n’entrera pas en vigueur avant plusieurs années et devra probablement être soumis au vote populaire.

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