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Plus de Hochdeutsch moins de Schwyzerdütsch

Les écoliers alémaniques devraient entendre plus de Hochdeutsch dans les classes. Keystone

En ce début de nouvelle année scolaire, les enseignants alémaniques sont invités à parler plus l’allemand que le dialecte à l’école.

Il s’agit de l’une des conséquences directes des résultats de l’étude PISA 2000 sur les compétences linguistiques des élèves.

Réalisée au printemps 2000, cette étude concerne tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ainsi que le Liechtenstein, le Brésil, la Russie et la Lettonie,

PISA 2000 (Programme for International Student Assessment) relève des lacunes chez les écoliers de ces 31 pays, y compris chez les petits Suisses donc.

Et les jeunes Alémaniques sont particulièrement concernés, eux qui grandissent avec une langue, le Hochdeutsch, et un dialecte, le Schwyzerdütsch.

Le Schwyzerdütsch, les enfants de Suisse alémanique l’utilisent dans leur vie de tous les jours, mais aussi pour rédiger des e-mails ou des messages SMS.

Quant au Hochdeutsch, ils le lisent et ils l’écrivent. Mais ils le parlent aussi à l’école.

Le dialecte a envahi la pub et la TV

Bref, le petit Alémanique y perd un peu son… allemand. D’autant que, depuis les années 1980, le Schwyzerdütsch a peu à peu envahi le monde de la publicité et la télévision, voire les classes d’école, des domaines jusque-là réservés au Hochdeutsch (allemand).

Un exemple, celui de Zurich. D’après une étude réalisée en hiver 2002 dans les écoles primaires et secondaires de ce canton, le Schwyzerdütsch (dialecte) domine l’enseignement dans une proportion de 30% à 50%. Cela dépend des niveaux.

Toujours selon la même étude, l’allemand est systématiquement abandonné au profit du suisse allemand dans les cours de sport, de musique, de dessin et de travaux manuels.

Il en va d’ailleurs de même dans les travaux de groupe ou lors de discussions plus personnelles et émotionnelles.

Une attitude négative face à l’allemand

Cette pratique semble «problématique». C’est du moins l’avis des auteurs d’une brochure qui a été distribuée à tous les enseignants zurichois peu avant les vacances.

Et de préciser que les élèves vivent une «expérience unilatérale» de l’allemand parlé, qui est réduit en l’occurrence à «une langue intellectuelle associée à des performances scolaires».

Pas étonnant dès lors que les petits Alémaniques développent une attitude négative vis-à-vis du Hochdeutsch, voire carrément une aversion.

Réalisé par la Haute école de pédagogie de Zurich (PHZ) à la demande du Département cantonal de l’instruction publique zurichois, ce document s’intitule «L’allemand comme langue d’enseignement».

Il vise clairement à encourager les enseignants à utiliser de façon conséquente l’allemand dans leurs cours. Et cela dès la première classe primaire.

Trouver bon équilibre entre les deux

«La mesure est plutôt bonne, mais ce serait une catastrophe si l’on imposait l’allemand et uniquement l’allemand», juge Christophe Büchi, correspondant de la NZZ en Suisse romande et auteur d’un livre sur le «Roestigraben».

«Pour moi, ajoute Christophe Büchi, il faut trouver une bonne combinaison entre l’allemand et le dialecte. Car le Mundart (dialecte), doit être culturellement autant respecté que l’allemand.»

«Toutefois, admet le correspondant du quotidien zurichois, il est important de définir les champs d’applications. On écrit en allemand, on parle allemand, mais on doit aussi parler le dialecte afin que les écoliers ne s’y perdent pas.»

Car les temps ont changé. Les jeunes d’aujourd’hui sont en effet culturellement différents.

Un facteur essentiel d’intégration

Plus qu’auparavant, les jeunes alémaniques côtoient davantage d’étrangers. Qui, eux, ont plus de facilité à apprendre l’allemand que le dialecte.

Par ailleurs, ils consomment plus de médias étrangers, notamment les chaînes de télévision allemandes et autrichiennes.

D’ailleurs, à cause de cela, les jeunes Alémaniques parlent peut-être mieux et comprennent mieux le Hochdeutsch qu’avant.

Quoi qu’il en soit, c’est le Schwyzerdütsch qui demeure le plus utilisé par les jeunes d’aujourd’hui.

C’est d’ailleurs «un facteur essentiel d’intégration pour les étrangers», dit Peter Sieber, prorecteur de la Haute école pédagogique de Zurich, et coauteur de la brochure.

Cela dit, le linguiste Sieber reste persuadé qu’il faut renforcer la promotion de l’allemand.

Convaincre et former les enseignants

«C’est un long processus, estime Leon Müller, inspecteur scolaire uranais. Car il faut d’abord que les enseignants modifient leur attitude vis-à-vis de l’allemand.»

«Les enseignants ont souvent plus de problèmes que les élèves, renchérit Peter Sieber. Car leurs compétences linguistiques orales sont souvent limitées au dialecte.»

Pour y remédier, le canton de Zurich table surtout sur des cours de formation continue à l’intention des profs et des instits et sur des tests effectués pendant les cours.

Puis, une fois ce problème réglé, il faudra faire passer le message auprès des élèves.

Car si les jeunes Alémaniques comprennent assez souvent bien l’allemand, ils ne veulent ou n’osent pas le parler. A cause, entre autres, de l’image scolaire et intellectuelle qui colle à la langue de Goethe.

«On peut remédier facilement à ce problème», lance le journaliste Christophe Büchi.

Comment? «En proposant aux écoliers de jouer davantage avec leur dialecte et l’allemand, on s’aperçoit qu’ils se mettent en général facilement à parler un bon Hochdeutsch».

Le rôle des médias électroniques

Et les médias électroniques suisses alémaniques doivent-ils, eux également, participer aux efforts entrepris pour promouvoir le Hochdeutsch?

«Je suis sceptique, explique Christophe Büchi. D’autant qu’ils doivent se démarquer des médias allemands et autrichiens.»

En fait, à en croire le correspondant de la NZZ, la radio et la télévision alémaniques ont déjà trouvé un bon équilibre. Un compromis dont l’école devrait d’ailleurs s’inspirer.

Les informations sont en allemand. Et d’autres émissions, comme Arena (forum) ou les divertissements, sont en dialecte.

swissinfo et les agences

– L’étude PISA s’est déroulée en 2000 auprès de 250’000 élèves dont 10’000 en Suisse.

– Une étude réalisée en hiver 2002 dans les écoles primaires et secondaires du canton de Zurich montre par exemple que le dialecte domine l’enseignement dans 30% à 50% des cas selon les niveaux.

– L’emploi conséquent de l’allemand fait partie d’un vaste «plan d’action» national présenté en juin par la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP).

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