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2e pilier: une gifle qui résonne dans toute la presse

«Claque», «gifle», «camouflet», la métaphore est récurrente dans les journaux de lundi. swissinfo.ch

Le non très net du peuple suisse à l’abaissement du taux de conversion dans la prévoyance professionnelle est un désaveu tant pour le gouvernement que pour les milieux économiques, estiment lundi les éditorialistes. Après ce refus, soulignent-ils, la question de la réforme des assurances sociales reste entière.

«Quelle claque!», titre le quotidien populaire romand Le Matin. Et son équivalent alémanique Blick de renchérir: «Il ne s’agit pas d’une gifle, mais d’un véritable coup de poing dans la figure.»

Dimanche en effet, les Suisses ont dit à près de 73% des voix qu’ils ne voulaient pas entendre parler d’une baisse des rentes de la prévoyance professionnelle. Le slogan de la gauche «Non au vol des rentes!» a donc fait mouche. Et le gouvernement et la majorité bourgeoise du Parlement ont été très sèchement renvoyés à leur copie.

Car la population est en colère, la même qui s’affiche en une du Temps, où un graphique illustre, en rouge et canton par canton, le score réalisé par le non. «Rouges de colère», titre le quotidien, qui estime que «c’est la défiance qui, tel un ouragan, a tout emporté.»

«Pour glisser un oui dans l’urne, il fallait croire et faire confiance aux scénarios des assureurs, des milieux économiques, du Conseil fédéral et de la majorité bourgeoise du parlement. Or, cette alliance, si souvent gagnante en Suisse, n’a pas su convaincre», résume-t-il.

Le spectre de la crise

A l’unisson, les journaux helvétiques pointent ainsi du doigt le Conseil fédéral (gouvernement), qui doit selon eux prendre la mesure de la «méfiance», voire de la «défiance», exprimée par les Suisses, mais aussi les milieux économiques. Car, à n’en pas douter, le spectre de la crise plane sur cette votation.

«La crédibilité du secteur financier et de celui des assurances, mais aussi celle de la politique, a été sérieusement esquintée par la crise financière», relèvent le Bund et le Tages Anzeiger dans un éditorial commun. Quant au journal fribourgeois La Liberté, il évoque lui aussi une certaine «méfiance» à l’égard des assureurs privés, «accusés d’avoir une conception de la justice redistributive privilégiant leurs actionnaires et leurs administrations.»

En ne prenant pas assez de distance face à ce «monde arrogant» qui entend «conduire le bal comme avant», les politiques «en prennent pour leur grade», note pour sa part le Quotidien Jurassien. Un constat que ne démentent pas les deux quotidiens de boulevard suisses.

«Il y a quelque chose de pourri au royaume du profit», parodie ainsi Le Matin, où tant les autorités qui «volent au secours de la place financière» que les assureurs «qui entretiennent l’opacité autour de leurs prises de risque d’avant la crise» sont épinglés.

Quant au Blick, il souligne que les Suisses ont certes voté avec leurs tripes, mais aussi avec leur tête, «contre les banques, les assureurs et les consultants qui se servent largement dans l’argent du 2e pilier» et contre «les excès des managers et la droite bourgeoise» qui les soutient.

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Loi sur la prévoyance professionnelle

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Quel avenir pour les assurances sociales?

A l’instar de la Luzerner Zeitung, nombre de commentateurs relèvent donc que les rentes et les avoirs vieillesse semblent être devenus «intouchables». Une situation que la plupart estiment plutôt malsaine.

En 2004, 68% des votants avaient rejeté la réforme de l’assurance vieillesse et survivants (AVS), rappelle le quotidien tessinois Corriere del Ticino, pour qui «le système de prévoyance n’est plus en mesure d’affronter de nouveaux défis.» Même son de cloche dans le Bund et le Tages Anzeiger: «Le résultat de dimanche constitue plus qu’une leçon. Il montre à la politique combien les réformes futures seront difficiles.»

«Tout écrasant qu’il est, le refus du peuple d’abaisser le taux de conversion ne résout pas le problème auquel sont confrontées nos retraites. Pression démographique, adaptation aux modes de vie modernes, flexibilité de l’âge de la retraite, solidarité intergénérationnelle: il faudra s’atteler à ces chantiers avec courage et bonne foi», insiste à son tour 24 heures.

Et ne pas se contenter d’émettre des propositions de «mauvais perdants», pour reprendre l’expression de la Basler Zeitung, qui se montre critique à l’égard de la droite. A peine les résultats annoncés, ses ténors peignaient en effet le diable sur la muraille et parlaient de revoir à la hausse les cotisations 2e pilier des actifs ou des rentiers. En lieu et place, il faudrait plutôt prendre des mesures pour assurer plus de transparence dans la prévoyance professionnelle, préconise le journal bâlois.

La Neue Zürcher Zeitung (NZZ) se montre elle aussi préoccupée par l’avenir des assurances sociales. «Le résultat très clair enregistré sur le taux de conversion complique leur assainissement. Dans ce dossier, un certain sens des réalités et la capacité d’agir sur le long terme seront nécessaires», estime l’éditorialiste zurichois.

Pour les quotidiens neuchâtelois l’Express/Impartial, «l’avenir de la prévoyance professionnelle passera par une nécessaire concertation des partenaires sociaux.» Mais, souligne le Journal du Jura, il faudra surtout veiller à «ce qu’il reste une assurance sociale où l’argent épargné revient aux assurés et aux rentiers.»

Carole Wälti, swissinfo.ch

Les citoyens suisses se sont prononcés sur trois objets dimanche.

Ils ont balayé par 72,7% des voix la réduction du taux de conversion de la loi sur la prévoyance professionnelle.

Soutenue par les autorités fédérales et par la droite, appuyée par une campagne orchestrée par les assureurs et l’économie, cette réforme a en outre été enterrée par tous les cantons.

Elle visait à abaisser progressivement le taux de conversion, lequel détermine la hauteur des rentes des retraite professionnelles. Actuellement de 7,05% pour les hommes et de 7% pour les femmes, ce taux devait être corrigé pour atteindre 6,8% d’ici 2015.

Deuxième objet soumis aux urnes, l’instauration dans les cantons d’avocats pour la défense des animaux.

Cette initiative de la Protection suisse des animaux (PSA) a été rejetée par 70,5% des votants et tous les cantons. En la matière, les citoyens ont suivi la recommandation du gouvernement.

Même Zurich, seul canton à connaître un avocat des animaux, a repoussé l’initiative par 63,5%. Les autres cantons resteront libres de choisir comment appliquer au mieux la loi.

Enfin, dernier objet, le nouvel article constitutionnel chapeautant la recherche sur l’être humain a passé comme une lettre à la poste, avec 77,2% d’approbation.

Très faiblement contesté lors de la campagne avant les votations, cet article a été adopté par tous les cantons.

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