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Le taux de conversion fait boire la tasse à la droite

Les syndicats n'ont pas hésité à manifester pour faire couler l'abaissement du taux de conversion.

En refusant à une forte majorité l’abaissement du taux de conversion, les Suisses ont donné un véritable camouflet au gouvernement et à la majorité de droite du Parlement. Mais le vote semble davantage avoir été marqué par un climat politico-économique tendu que par la pertinence des arguments.

Le résultat du vote sur le taux de conversion n’est pas vraiment une surprise. Malgré l’absence d’un grand sondage officiel, il est apparu clairement au fil de la campagne qu’une victoire de la gauche était possible.

Ce qui est beaucoup plus surprenant, en revanche, c’est son ampleur. Avec tous les cantons et pratiquement trois quarts de votants qui ont dit non à la baisse du taux de conversion, il s’agit d’un verdict sans appel, sujet à aucune marge d’interprétation.

Pour la gauche, et plus particulièrement son aile syndicale, qui avait beaucoup misé sur ce vote et fait de l’«arrêt du démantèlement social» son cheval de bataille, le succès est colossal. Il est en effet assez rare que la gauche remporte des scrutins où elle part seule au combat et plus rare encore que son succès soit aussi éclatant.

A contrario, ce résultat marque une défaite très amère, pour ne pas dire une gifle, pour la droite, qui avait pourtant investi d’importants moyens dans la campagne. Le même constat vaut bien sûr également pour le gouvernement, qui n’a cessé de répéter que cette baisse du taux de conversion était absolument nécessaire.

Ras-le-bol

Reste à expliquer le pourquoi d’un tel résultat. Ce n’est certainement pas en raison des arguments rationnels avancés par les uns et par les autres. La campagne politique s’est en effet beaucoup focalisée sur des chiffres relatifs à l’espérance de vie ou aux performances des marchés financiers.

Or tous ces chiffres étaient disputés, voire se contredisaient et la logique mathématique qu’ils impliquaient était sujette aux interprétations les plus diverses. Difficile, dans ces conditions, pour le citoyen, de se faire une idée claire de l’avenir de la prévoyance professionnelle.

L’explication semble davantage tenir du climat politique. Les citoyens constatent que leur gouvernement n’hésite pas à mettre la main au portemonnaie – et à hauteur de plusieurs centaines de millions de francs – pour aider les milieux bancaires à échapper aux conséquences de leurs errements. Un constat d’autant plus amer que les banquiers, en continuant de s’attribuer des bonus qui ne peuvent que faire rêver le simple salarié, ne s’attirent par vraiment la sympathie du grand public.

D’un autre côté, les citoyens remarquent que, dans d’autres domaines, le gouvernement et la droite ne cessent de serrer la vis, notamment dans le domaine des assurances sociales, afin de grappiller quelques sous. Et de nouvelles coupes budgétaires sont déjà en discussion, coupes qui pourraient par exemple condamner une institution aussi populaire que le haras fédéral d’Avenches.

Alors certes, les dossiers ne sont pas forcément liés et les bonus des banquiers n’ont pas grand-chose à voir avec l’avenir de la prévoyance professionnelle. Il n’en reste pas moins qu’une part de plus en plus importante des citoyens estiment que tous ne sont pas soumis aux mêmes sacrifices dans ce pays, ce qui a pu conduire à un ras-le-bol qui s’est exprimé dimanche.

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Avenir incertain

Le résultat politique est donc clair, mais l’avenir de l’assurance professionnelle, et de tout le système de retraite en général, reste incertain.

Pour la gauche, qui estime qu’il n’y a pas de raison de peindre le diable sur la muraille, le vote de dimanche constitue un message très clair en faveur d’un arrêt du «démantèlement social». Nul doute qu’elle va continuer avec une vigueur accrue dans ce combat.

La droite, elle, continue de jouer les Cassandre. Selon elle, l’évolution démographique et économique nécessite une adaptation du système. Dans une interview, le président du Parti libéral-radical, Fulvio Pelli, a par exemple indiqué prendre acte de la décision du peuple, mais a également exprimé ses doutes sur la possibilité de maintenir longtemps un taux de conversion à 6,8%.

Bref, entre les assurances de la gauche et les craintes de la droite, le vote de dimanche ne permet pas d’y voir plus clair. Seul l’avenir dira finalement qui aura eu raison.

Encore une surprise

L’autre surprise de ce scrutin, c’est le score de l’initiative sur l’instauration d’avocat des animaux. Certes, personne ne pensait que cette proposition passerait la rampe. Par contre, l’ampleur du rejet peut surprendre, d’autant que beaucoup de Suisse sont très attachés à nos compagnons à quatre pattes.

L’une des explications provient probablement du fait qu’une bonne partie des citoyens sont conscients que la Suisse dispose déjà d’une législation avancée en matière de protection des animaux. Mais ce qui a peut-être surtout desservi les promoteurs de l’initiative, c’est le terme même d’«avocat» des animaux.

Alors que l’initiative demandait l’existence de personnes en charge de poursuivre des procédures pénales en cas de maltraitance, le public a souvent associé au terme d’«avocat» l’image un peu grotesque d’un avocat défendant réellement Médor dans la salle d’audience. Une idée fausse, certes, mais une votation se gagne également sur une question d’image.

Pas de surprise en revanche en ce qui concerne l’article constitutionnel sur la recherche sur l’être humain. Objet d’un consensus au Parlement, cet article n’était pratiquement pas combattu. Seule l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) y était opposée. Mais le parti n’ayant pas fait campagne, l’objet et donc passé sans pratiquement aucune contestation.

Olivier Pauchard, swissinfo.ch

Baisse du taux de conversion
Non (72,7% et tous les cantons)

Avocats pour les animaux
Non (70,5% et tous les cantons)

Article sur la recherche sur l’être humain
Oui (77,2% et tous les cantons)

Participation
44,6%

Le taux de conversion détermine la hauteur des rentes des retraite professionnelles. Avec un taux de 6,8%, par exemple, chaque tranche de 100’000 francs de capital épargné donne droit à une rente annuelle de 6800 francs.

Ce taux est actuellement de 7,05% pour les hommes et de 7% pour les femmes.

Selon la loi actuelle, ce taux devrait être abaissé progressivementpour atteindre 6,8% d’ici 2015, pour le hommes comme pour les femmes.

Le projet qui a été refusé dimanche prévoyait d’abaisser encore le taux à 6,4% d’ici 2016.

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