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L’harmonisation des allocations familiales en question

En Suisse, les allocations familiales sont une véritable jungle où il n'est pas facile de se retrouver. Keystone

Les Suisses se prononcent sur un projet d'harmonisation des allocations familiales. Le but est d'établir des standards minimaux dans tout le pays.

La gauche et le centre droit y sont favorables. Les milieux proches de l’économie dénoncent en revanche le coût du projet.

La Constitution accorde à la Confédération la possibilité d’uniformiser les allocations familiales. Mais celle-ci n’a jusqu’à présent pas usé de ce droit, sauf dans l’agriculture.

Les salariés, pour leur part, reçoivent des allocations sur la base de règlements cantonaux, chaque canton disposant de sa propre législation. A cela s’ajoute le fait que certains grands employeurs disposent de leurs propres standards. Bref, au final, il existe une bonne cinquantaine de règlements qui fixent le montant des allocations familiales.

Grande disparité

Il en résulte une grande disparité. Les allocations pour enfant peuvent aller d’un minimum de 170 francs en Argovie ou à Zurich à un maximum de 260 francs en Valais. En moyenne nationale, l’allocation pour enfant s’élève à 186 francs.

Les montants accordés pour les jeunes en formation varient encore plus. En Argovie, l’allocation reste de 170 francs – la même que pour un enfant – alors qu’en Valais, elle passe à 360 francs, voire même à 444 francs dès le troisième enfant.

Le cercle des bénéficiaires n’est pas non plus partout le même. L’unique chose qui est commune à l’ensemble du pays, c’est l’obligation faite aux entreprises d’allouer une allocation familiale à leur salariés. Cette allocation est généralement complète pour les salariés à 100% et réduite pour les travailleurs à temps partiel.

Par contre, la situation n’est pas uniforme en ce qui concerne les indépendants et les parents sans revenus. Certains cantons attribuent une allocation à ces catégories de personnes, alors que d’autres – la majorité – ne le font pas.

C’est la raison pour laquelle on estime qu’environ 15% des enfants de Suisse, ce qui représente 300’000 enfants, ne reçoivent pas d’allocation ou du moins pas d’allocation complète.

Un long processus législatif

L’idée d’imposer une certaine harmonisation dans le domaine des allocations n’est pas récente. En 1991, la députée socialiste Angeline Frankhauser avait déposé une initiative parlementaire demandant notamment une allocation minimale de 200 francs pour les enfants et de 250 francs pour les jeunes en formation.

Cette initiative avait donné lieu à un projet de loi en 1998. Mais, en pleine époque de compressions budgétaire et de frein à l’endettement, l’idée n’avait pas été plus loin.

L’idée a été relancée en 2003 avec le dépôt d’une initiative populaire de Travail.Suisse. L’organisation faîtière des syndicats chrétiens demandait une allocation mensuelle de 450 francs pour chaque enfant ou jeunes en formation, et cela indépendamment de la situation professionnelle de leurs parents.

Cette initiative a relancé la question des allocations au Parlement où les élus ont déterré l’ancien projet de loi pour faire office de contre-projet indirect à l’initiative des syndicats chrétiens.

Allocations minimales

Cette loi prévoit en premier lieu l’établissement d’un standard minimal: 200 francs par mois pour les enfants et 250 francs pour les jeunes en formation jusqu’à 25 ans. Les cantons qui sont plus généreux pourront continuer de l’être.

Deuxième changement, les salariés à temps partiel recevront eux aussi une allocation complète. Enfin, la loi prévoit également une allocation pour les personnes qui ne travaillent pas, pour autant que leur revenu annuel imposable, qui proviendrait par exemple de placements, ne dépasse pas 38’700 francs.

En revanche, la loi ne prévoit rien pour les indépendants. Ils continueront à ne pas toucher d’allocation, à moins que la législation de leur canton ne le prévoie.

Seule cette loi sera soumise au vote populaire le 26 novembre. En effet, pour donner toutes les chances à cette loi en votation populaire, Travail.Suisse a décidé de retirer son initiative.

La question du coût

Ce projet de loi est soutenu par la gauche ainsi que par le Parti démocrate-chrétien (PDC / centre droit), parti attaché à la défense de la famille. Pour les partisans, il convient de mettre fin au «chaos» qui existe en Suisse. Il n’est pas normal que la situation soit aussi radicalement différente d’un canton à l’autre, surtout à une époque où l’on demande aux travailleurs d’être mobiles.

Mais surtout, une augmentation, même modeste, des allocations permettrait de soulager bon nombre de familles. «Avoir un enfant est aujourd’hui devenu un risque de pauvreté», souligne Hugo Fasel, député chrétien-social et président de Travail.Suisse.

La loi est en revanche combattue par les partis de droite et par les grandes organisations économiques. Pour ces milieux, l’harmonisation prévue coûterait trop cher. En effet, les changements contenus dans la loi représenteraient un coût supplémentaire d’environ 600 millions de francs, dont à peu près les deux tiers à la charge des entreprises.

La droite a donc lancé le référendum. Député radical (PRD / droite) et directeur de l’Union suisse des arts et métiers (USAM), Pierre Triponez dénonce la «tactique du salami» qui consiste à augmenter continuellement les charges des entreprises par des demandes répétées de financement.

«C’est clair que ce ne serait pas la fin du monde, reconnaît-il. Mais l’employeur serait obligé de reprendre cette augmentation sur les salaires. Au final, c’est l’ensemble de l’économie qui devrait financer le surcoût, le employeurs comme les employés.»

De plus, les opposants estiment que la Confédération n’a pas à imposer des standards minimaux dans le cadre des allocations familiales. Selon eux, les cantons sont plus proches du terrain et mieux à même de déterminer les besoins dans le domaine.

swissinfo, Olivier Pauchard

Au Parlement, la loi sur les allocations familiales a bénéficié d’une entente entre la gauche, les démocrates-chrétiens et les évangélistes.
Elle a été acceptée par 106 voix contre 85 à la Chambre basse et par 23 voix contre 21 à la Chambre haute.
Le gouvernement recommande d’accepter cette loi.

Quel que soit le canton, les entreprises ont l’obligation de s’assurer auprès de la caisse cantonale des allocations familiales ou d’une caisse d’assurance privée.

Les cotisations sont calculées en pourcentage de la masse salariale et permettent de verser des allocations aux salariés qui ont des enfants.

Le montant des versements est différent selon les cantons. Les salariés reçoivent des allocations non pas sur la base de la législation de leur canton de domicile, mais de la législation du canton où ils travaillent.

Rien n’empêche une entreprise ou une branche économique déterminée d’être plus généreuses que ce que prescrit le canton.

Les indépendants ne reçoivent généralement pas d’allocations, sauf si la législation de leur canton le prévoit.

La Loi fédérale sur les allocations familiales veut imposer des montants minimaux. Les allocations devraient être au minimum de 200 francs pour les enfants et de 250 francs pour les jeunes en formation dans tous les cantons.

La loi stipule qu’un travail salarié, même à temps partiel, donne droit à une allocation complète. Actuellement, dans certains cantons, l’allocation est fixée en proportion du temps de travail.

Une allocation familiale est désormais prévue pour les personnes sans activité lucrative pour autant que leur revenu annuel imposable, qui proviendrait par exemple de placements, ne dépasse pas 38’700 francs.

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