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La Francophonie s’invite à Montreux: pour quoi faire?

La ministre suisse des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey a salué l'attribution du prochain Sommet à la Suisse. SF

La ville vaudoise accueillera le prochain Sommet de la Francophonie, en octobre 2010. Un événement considérable, mais dont l’efficacité n’est pas garantie. Un sommet, à quoi ça sert?

Voilà, c’est fait, Montreux accueillera donc le prochain Sommet de la Francophonie, en 2010. La Suisse a le triomphe modeste. Aucune allusion, dans la bouche des officiels suisses, au vote décisif de mardi, lors de la Conférence ministérielle.

L’affaire des minarets a-t-elle été évoquée par des représentants de pays arabes? «Non, à aucun moment», tranche d’une voix ferme le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Abdou Diouf.

«Nous voulons un sommet convivial et chaleureux», promet Roberto Balzaretti, secrétaire général du ministère suisse des Affaires étrangères. Quelque chose de suffisamment fort pour marquer le 40e anniversaire de l’OIF. C’est traditionnellement le pays hôte qui fixe le cap pour le sommet, les lignes directrices. «Mais il est encore trop tôt pour parler des orientations de 2010, le travail commence», note Roberto Balzaretti.

Recentrage

Au fait, à quoi ça sert, un sommet de la Francophonie? À choisir l’endroit du prochain sommet, disent les mauvaises langues. Faux, répond Pierre Arcand, ministre des relations internationales du Québec, qui co-présidait jusqu’à hier la Francophonie.

Ce dernier n’est pas peu fier du bilan du sommet de Québec en 2008. «Nous avons mis l’accent sur la promotion du français, notamment dans les organisations internationales. Ensuite, nous avons contribué à moderniser l’OIF, en introduisant notamment la culture du résultat», remarque le ministre.

«C’est vrai qu’avant Québec, la Francophonie avait tendance à se disperser, estime Christian Rioux, correspondant à Paris du quotidien canadien Le Devoir. Québec la recentrée sur sa vocation première: la défense de la langue française. En outre, l’administrateur de l’OIF, le Canadien Clément Duhaime, a mis un peu d’ordre dans la gestion.»

Un enthousiasme que ne partage pas Jean-Marie Vodoz, l’ancien rédacteur en chef du quotidien vaudois 24 Heures, observateur attentif de la Francophonie. «Politiquement, Québec fut un échec évident. On y a beaucoup parlé pour dire peu de choses. Et le séjour écourté de Nicolas Sarkozy fut très mal ressenti là-bas.»

Gigantesque forum

Un sommet, c’est une ou deux idées clés: la défense de la langue française, la diversité culturelle, le dialogue Nord-Sud, ou encore la biodiversité. Mais c’est aussi un formidable forum où se débattent les questions d’actualité.

«La Francophonie, c’est 10% de l’humanité et 11% de la richesse mondiale, note Pierre Arcand. Le sommet est l’un des rares endroits où se développe un véritable dialogue entre les pays du Nord et ceux du Sud. Je me rappelle qu’en 2008, c’est au Sommet de la Francophonie qu’ont été lancées certaines idées phares pour combattre la crise mondiale, des idées reprises ensuite par le G8.»

«Ce qui se passe en coulisses est parfois aussi important que les débats en séance plénière, note Jean-Marie Vodoz. Tout le monde se tutoie, c’est propice au règlement des conflits. Les efforts du secrétaire général Abdou Diouf pour arbitrer les contentieux, notamment africains, sont remarquables, parfois couronnés de succès, même s’il n’en parle jamais.» L’ancien président du Sénégal, âgé de 74 ans, sera probablement reconduit l’an prochain.

Un bilan mitigé

Culture du résultat? Si l’on devait juger la Francophonie par l’état dans le monde de la langue française, le bilan serait plutôt mitigé. «C’est vrai que la situation du français, le coeur de notre lutte, est ambigu, reconnaît Abdou Diouf. Toutes nos observations montrent que cette langue est de plus en plus enseignée, que le nombre de locuteurs augmente. Et pourtant, on assiste à l’effacement du français dans les organisations internationales. Un problème politique.»

Difficile d’enrayer le mouvement. Comme le souligne un observateur, même des Etats membres de la Francophonie, comme la Roumanie, utilisent l’anglais dans les instances européennes. Comment, dans ces conditions, refaire du français une langue qui compte sur le plan politique? Un défi de taille pour Montreux.

Autre sujet: la Francophonie, célébrée au Canada ou en Afrique, est méconnue sous nos latitudes, tantôt ignorée, tantôt méprisée. Un signe parmi d’autres: quasiment aucun journaliste français n’était présent ce mercredi à la conférence de presse (à Paris!) qui a suivi la Conférence des ministres. En France, on a parfois l’impression que la Francophonie n’est qu’une annexe institutionnelle de la «Françafrique». Un sentiment que Paris contribue parfois à… renforcer.

Le français fait son apparition en Suisse au 15ème siècle, à travers les livres. Il cohabite pendant plusieurs siècles avec les patois locaux.

En France, après la Révolution, la langue devient le nouveau symbole de l’identité nationale, à la place du roi. Les régionalismes sont alors pourchassés.

Dans la foulée, la Suisse mène une politique anti-patois, sous prétexte que le patois empêche les enfants d’apprendre le français correctement.

Aujourd’hui, 90% de la langue française est commune à toutes les régions francophones.

1,5 millions de Suisses romands parlent français.

Il n’y a plus qu’un seul village où les enfants apprennent le patois: Evolène, dans le canton du Valais.

Membre de l’OIF depuis 1989, elle participe à plusieurs organisations comme l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), l’Association internationale des Maires francophones (AIMF), TV5 Monde, l’Université Senghor d’Alexandrie.

La Suisse est aussi représentée au sein de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (AUF), de la Conférence des ministres de la Jeunesse et des sports des pays francophones (CONFEJES) et de celle des ministres de l’éducation des pays francophones.

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