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La génération SMS entre en politique

Deux tiers des jeunes se disent très intéressés par la politique. Keystone

Comme ailleurs dans le monde, la guerre américaine contre l'Irak mobilise des dizaines de milliers de Suisses, surtout des jeunes.

Pacifiste et anti-mondialiste, ce mouvement révèle une mobilisation accrue et sort du cadre politique traditionnel.

Plus de 20 000 personnes sont attendues ce samedi à Berne. Les jours précédents, des dizaines de milliers de personnes étaient déjà descendues dans les rues des villes suisses. C’est inouï. Une majorité de jeunes, unanimes dans leur rejet de l’attaque américaine contre l’Irak et ses motifs économiques, c’est aussi très nouveau.

«Je n’avais encore jamais participé à une manif, mais là, c’est trop, j’ai décidé de m’engager pour dénoncer l’attitude inacceptable du président Bush, même si cela ne change rien à la guerre», raconte Myriam, étudiante lausannoise.

Quelques écoles ont libéré leurs élèves pour qu’ils puissent aller manifester. A défaut d’autorisation, certains élèves – ou classes entières – ont fait le mur. D’autres auraient fait le tour des autres écoles pour élargir leurs rangs.

Jeunes et spontanés

Au-delà de l’anecdote, on assiste peut-être à un véritable phénomène. Le 15 février, le rejet d’une guerre contre l’Irak avait déjà mobilisé 40 000 manifestants anti-guerre à Berne. Parmi eux, 15’000 moins de 25 ans. Dont un tiers de collégiens, selon l’Institut de sciences politiques de Zurich.

«Deux tiers des jeunes interrogés se disent très intéressées par la politique et ont déjà participé à des manifestations», précise Michelle Beyeler.

Cette politologue zurichoise note aussi que les jeunes se mobilisent mutuellement: «Nous sommes en présence d’un mouvement spontané qui s’appuie sur une prise de conscience politique».

Une spontanéité qui doit beaucoup aux possibilités offertes par Internet et le téléphone mobile, indispensables accessoires de la «génération SMS». Y a-t-il un meilleur moyen pour réunir rapidement et massivement ses amis?

Mobilisation plutôt que politisation

Les observateurs situent l’une des sources du phénomène dans les manifestations anti-globalisation organisées en marge du Forum économique de Davos.

Jérôme Faessler, de l’association ATTAC, confirme: «Nous ne sommes pas surpris de l’augmentation de la mobilisation politique des jeunes. Davos a marqué une sorte de saut qualitatif, de maturation du discours. Cette politisation exprime la colère contre l’injustice, contre le gouvernement et les entreprises made in USA, mais pas contre les Américains.»

Au Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), Nico Lutz préfère parler de mobilisation accrue plutôt que de politisation accrue: «Ce n’est pas un mouvement véritablement organisé mais il repose tout de même sur un contenu politique. Nous assistons à une sorte de fusion entre les mouvements anti-mondialisation et pacifiste.»

Hors du cadre politique

Cyril Myzrahi, porte-parole des Jeunesses socialistes, partage cette analyse: «Cette mobilisation dépasse les mouvements politiques traditionnels, elle dépasse le cercle plus limité de ceux qui suivent la politique. C’est une prise de conscience de masse.»

Rémy Pagani, député de l’Alliance de gauche au Grand Conseil genevois, fait une lecture économique du phénomène.

«Depuis la guerre du Golfe, les gens ont pris la mesure du poids économique d’une telle guerre sur leur propre vie. Ils ont réalisé qu’ils ont déjà payé un lourd tribu avec dix ans de crise économique.»

C’est donc, pour Rémy Pagany, ancien assistant social, un mouvement à caractère social: «Depuis 1991, j’ai pu constater les ravages de cette crise sur les familles. Et comme les gens en parlent en famille, leurs enfants sont très au fait des risques d’une nouvelle guerre.»

Un phénomène à suivre donc. D’autant plus que le G8 se tiendra sur les bords du Léman du 1er au 3 juin prochain. D’autant plus que la Suisse devrait accueillir le président américain le 3 juin. Autant dire que 2003 sera l’année des manifs en Suisse.

swissinfo, Isabelle Eichenberger et Elvira Wiegers

– Le 15 février, le rejet d’une guerre contre l’Irak avait déjà mobilisé 40 000 pacifistes à Berne.

– Parmi eux, 15 000 avaient moins de 25 ans. Dont un tiers de collégiens, selon l’Institut de sciences politiques de Zurich.

– Deux tiers des jeunes interrogés se disent très intéressées par la politique et ont déjà participé à des manifestations.

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