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Une mobilisation qui va au-delà du pacifisme

Le 15 février 2003, 40 000 personnes avaient manifesté à Berne contre la guerre. Keystone

De nouvelles actions contre la guerre en Irak - estudiantines et religieuses cette fois - ont eu lieu mercredi dans plusieurs villes de Suisse.

Comme les précédentes, cette mobilisation va au-delà du simple mouvement pacifiste.

«Il s’agit, précise le mouvement anti-guerre, d’un acte de solidarité avec les étudiants américains qui mènent mercredi une nouvelle journée d’action»,

Les livres pas des bombes

Cette journée s’inscrit dans le cadre du mouvement international appelé «Des livres, pas des bombes!». Qui part des Etats-Unis.

Une éventuelle intervention en Irak coûterait la vie à des innocents et fait augmenter le risque d’attentats terroristes, indiquent les organisations pacifistes américaines.

De plus, estiment-elles, elle créerait un précédent en violation du droit international.

En Suisse romande, cette action a été suivie mercredi matin par des milliers d’élèves. Comme à Lausanne où des étudiants des gymnases ont débrayé pour manifester dans les rues.

Ces jeunes ont choisi la grève pour donner un signe clair au Conseil fédéral, explique Frédéric Rebmann, du collectif «jeunes contre la guerre et le G8».

En Suisse alémanique, le mouvement a également été suivi par plusieurs centaines de jeunes, à Zurich notamment.

Un engagement pour la paix

Mais les Eglises ne sont pas en reste. Une célébration interreligieuse en faveur de la paix s’est déroulée mercredi en fin de journée à la cathédrale de Berne.

Inquiètes face à la menace crissante d’une guerre en Irak, les Eglises et les communautés religieuses de Suisse ont voulu ainsi marquer leur engagement en faveur de la paix.

Cette célébration, intitulée «Renforcer le lien de la paix – En Suisse et dans le monde», comporte une déclaration commune et une prière en faveur de la paix.

A noter que, parmi les personnalités invitées, figuraient notamment les conseillères fédérales Micheline Calmy-Rey et Ruth Metzler.

Globalisation de l’opposition

Après le succès de la manifestation nationale du 15 février, qui a rassemblé 40 000 personnes à Berne, la Coalition contre la guerre ne faiblit donc pas. Bien au contraire.

«Les gens se rendent comptent qu’il se passe quelque chose de grave, dit le sociologue lausannois René Levy. Nous ne nous trouvons pas face à un pacifisme gentiment romantique.»

Un point de vue que partage largement Fabrizio Sabelli: «Nous assistons à une globalisation de l’opposition à cette guerre annoncée».

«Ce phénomène, poursuit l’anthropologue genevois, confirme que l’Histoire en marche unifie de plus en plus la planète, non seulement à travers les marchés, mais également à travers la perception et les sentiments que les gens ont de l’Histoire présente.»

Pour sa part, Ueli Windisch formule un autre constat. «Ces manifestations, remarque le sociologue genevois, contredisent l’image d’une opinion publique individualiste, absentéiste et blasée par les images d’horreur de la télévision.»

Une mobilisation sélective

Reste à savoir quelles sont les motivations d’un tel rejet. «Tout le monde est contre la guerre, admet Ueli Windisch. Les citoyens se mobilisent en masse pour une très noble cause.»

«Mais, se demande-t-il, pourquoi n’y a-t-il pas eu une mobilisation d’une telle ampleur suite aux attentats du 11 septembre 2001?»

«Ceux qui protestent aujourd’hui, dit Ueli Windisch, font preuve d’anti-américanisme.»

L’ethnologue neuchâtelois Pierre Centlivres nuance. «Les manifestants expriment leur hostilité contre un Etat, dit-il. En l’occurrence, contre la première puissance mondiale qui donne l’impression d’abuser de sa force.»

«Les Etats-Unis sont actuellement les seuls à pouvoir nous débarrasser des derniers tyrans de la planète, rétorque Ueli Windisch. Or certains médias et certains intellectuels ne cessent de ridiculiser le président George W. Bush.»

«Au point, ajoute le sociologue, qu’il est devenu aujourd’hui inimaginable de penser que le président américain puisse lancer cette guerre au nom de valeurs fondamentales que l’Europe partage pourtant avec les Etats-Unis.»

Une propagande prise en défaut

«Les réticences exprimées par plusieurs gouvernements ont, elles aussi, encouragés les gens à descendre dans la rue», pense René Levy.

«Une chose est sûre, juge le sociologue lausannois, toutes les manifestations et les sondages démontrent que les arguments en faveur de cette opération militaire n’ont pas réussi à convaincre grand monde.»

«Ceux qui manifestent, dit Fabrizio Sabelli, s’opposent à un projet de guerre qu’ils jugent disproportionné par rapport à la menace que fait courir le régime de Saddam Hussein.»

«Mais, dans le même temps, ajoute-t-il, ils protestent contre le manque de transparence qui entoure cette crise.»

Pour Fabrizio Sabelli, les manifestations et les sondages hostiles à la guerre sont donc aussi un message politique direct à l’adresse des gouvernements qui soutiennent actuellement l’option militaire.

swissinfo, Frédéric Burnand, Genève, et les agences

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