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La Suisse optimiste avant le sommet de Durban

La limitation des émissions de CO2 reste au coeur des rencontres internationales sur le climat. Keystone

La conférence sur le climat qui commence lundi à Durban vise l’adoption d’un système contraignant pour tous les Etats. Pour la Suisse, il s’agit de définir une «vision claire» des mesures à prendre ces prochaines décennies.

Les délégués de quelque 200 pays se retrouvent en Afrique du Sud pour la 17e Conférence des Nations Unies sur le climat, qui se tient du 28 novembre au 9 décembre 2011 à Durban. Ils tenteront de définir un nouveau cadre pour la réduction des gaz à effet de serre qui doit succéder au Protocole de Kyoto, dont la première période échoit en 2012.

«Je suis plutôt positif, affirme le chef de la délégation suisse, Franz Perrez. J’ai confiance que nous ferons un pas en avant. Mais peut-être ce pas ne sera-t-il pas aussi grand que beaucoup d’entre nous ne l’espèrent. Il pourrait être plus petit, ou nous pourrions décider d’autres démarches.»

Les négociateurs discuteront de plusieurs options. Parmi elles, la possibilité d’adopter un deuxième Protocole de Kyoto, valable jusqu’en 2017-2020, et limitant les émissions nocives d’environ 36 pays industriels. Un cadre légal contraignant pourrait être adopté, parallèlement à la prolongation de Kyoto, pour le reste du monde.

Les pays industrialisés ne veulent plus être seuls

L’idée d’un deuxième protocole suscite des réserves parmi quelques signataires du premier Protocole, dont la Suisse. Ces pays industrialisés ne sont plus prêts à s’engager à prendre des mesures seuls si les pays émergents, qui produisent désormais une grande partie des gaz à effet de serre, ne sont pas contraints à faire des efforts.

Quel que soit le résultat du protocole, la Suisse affirme que le sommet de Durban doit lancer une nouvelle feuille de route pour un «régime» contraignant plus large intégrant tous les pays à long terme. Elle souhaite qu’un mandat soit adopté afin qu’un comité négocie un futur accord dans ce sens.

Selon Franz Perrez, le Protocole de Kyoto «était judicieux» lorsqu’il a été adopté en 1997 pour couvrir plus de la moitié des émissions mondiales produites par les nations économiquement développées. Mais, aujourd’hui, le Protocole ne couvre plus que 17% des émissions globales, et même 11% seulement s’il n’est pas soutenu par les autres pays potentiellement signataires de Kyoto.

«Nous ne pouvons pas nous attaquer au défit climatique avec des règles qui ne couvrent que 11% ou 17% des émissions globales, ce n’est pas suffisant, déclare le négociateur suisse. C’est pourquoi nous devons établir un système plus large. Ce sera l’un des enjeux de Durban.»

Rupture?

L’organisation environnementale WWF est plus inquiète. Elle craint même une rupture des négociations. «Nous ne voulons pas être alarmistes mais nous voulons alerter les responsables des négociations parce que leur approche, en l’état, pourrait faire échouer la recherche d’un accord minimal acceptable pour tous», déclare Patrick Hofstetter, directeur de la délégation du WWF suisse à Durban.

Le responsable admet que «des petits pas» ont été réalisés dans la perspective de la conférence de Durban. Au titre de progrès, il cite la manière d’aborder les transferts de technologie, le Fonds de partenariat pour la réduction des émissions de carbone forestier des Nations Unies (UN-REDD), et la discussion sur le financement. Mais il avertit aussi que «tout est possible» avec les questions clés du Protocole et celles d’un futur système contraignant.

Un des scénarios catastrophes serait  que les pays industrialisés tels que les Etats-Unis, le Japon, le Canada ou la Russie ne soient même pas d’accord de discuter d’un futur cadre légal contraignant, ajoute Patrick Hofstetter. «Ce serait vraiment un désastre s’il faut se demander si le processus apportera le moindre progrès ou non.»

Le WWF appelle de ses vœux «une deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto pour quelques pays industrialisés et un plan très clair, avec un agenda, sur les étapes à franchir jusqu’à la signature d’un nouvel accord contraignant qui entrerait en vigueur en 2018», explique Patrick Hofstetter.

 

De son côté, la délégation gouvernementale suisse indique que le «pire scénario» serait de s’attaquer uniquement aux émissions nocives des pays industrialisés. «Tout ce qui ne contribuera pas à faire un pas en direction d’un cadre contraignant plus large incluant des réductions et des limitations d’émissions pour tous les pays sera un échec et tout ce qui contribuera à la mise en place d’un régime plus global sera un succès. Je ne crains pas une rupture des négociations», indique Franz Perrez.

Nouveaux chiffres sur le réchauffement

D’autres inquiétudes autour du sommet de Durban concernent les 100 milliards de dollars (91,9 milliards de francs suisses) par année promis par les gouvernements pour aider les pays les plus faibles à prendre des mesures contre le réchauffement climatique. Ce montant fait partie du nouveau Fonds vert pour le climat, créé à Cancún l’année dernière.

La Suisse a joué un rôle de leader dans le développement de ce fonds. Elle va du reste proposer à Durban qu’il ait son siège à Genève, ce qui permettrait des synergies avec les institutions internationales et environnementales déjà installées au bout du lac, de même qu’avec le secteur financier. Cela faciliterait les possibilités de financement privé.

Fraîchement publiés, les derniers chiffres de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) de l’ONU sur le réchauffement risquent de nourrir encore un peu plus les discussions à Durban. Ils montrent que le réchauffement a atteint un niveau record en 2010 (voir ci-contre).

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a du reste également pressé les Etats d’élaborer des plans d’urgence pour faire face au risque grandissant de situations météorologiques extrêmes, causées par les changements climatiques. Selon Franz Perrez, ces nouveaux développements montrent bien qu’un plan global est plus que jamais nécessaire et que le seul Protocole de Kyoto ne suffit pas.

«Les émissions des Etats signataires du Protocole de Kyoto ont diminué, cet engagement était donc bel et bien un succès, dit-il. Mais si, en parallèle, les émissions du reste du monde augmentent au point d’effacer les réductions des Etats signataires de Kyoto, le Protocole n’est pas une solution pour l’avenir.»

La 17e Conférence des Nations Unies sur le climat (COP 17) se tiendra du 28 novembre au 9 décembre 2011 à Durban (Afrique du Sud). Elle réunit les signataires de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, adoptée en 1995 par 194 Etats.

Dans le même temps, Durban sera aussi la 7e rencontre des signataires du Protocole de Kyoto, adopté en 1997 et entré en vigueur en 2005.

Suite aux sommets climatiques de Copenhague en 2009 et de Cancún en 2010, la communauté internationale tentera de prendre les mesures nécessaires en vue de limiter le réchauffement climatique à deux degrés au maximum. La Conférence de Durban vise à fixer un objectif global pour réduire les effets de serre d’ici 2050 et à établir un calendrier.

Au menu figure aussi des questions telles que l’accès équitable au développement durable.

Les derniers chiffres publiés le 21 novembre par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) montrent que les trois principaux gaz à effet de serre ont non seulement atteint des niveaux records en 2010 mais que leur progression est plus rapide qu’auparavant, en dépit des efforts de nombreux pays pour les réduire.

Le dioxyde de carbone (CO2) a augmenté de 39% depuis le début de l’ère industrielle, en 1750, pour atteindre 389 parties par million (ppm, nombre de molécules du gaz considéré par million de molécules d’air sec), essentiellement à cause des émissions liées à l’exploitation des combustibles fossiles, au déboisement et au changement d’affectation des terres.

Entre 2009 et 2010, sa concentration dans l’atmosphère a augmenté de 2,3 ppm, soit plus que la moyenne des années 1990 (1,5 ppm) et de la décennie écoulée (2,0 ppm).

Les quantités des deux autres gaz à effet de serre, le méthane et le protoxyde d’azote, ont également augmenté.

Le GIEC a également publié de nouveaux chiffres en novembre. Selon son rapport, les situations météorologiques extrêmes – violentes pluies, inondations, cyclones, glissements de terrain et sécheresses extrêmes – sont plus probables au 21e siècle en raison du réchauffement climatique.

Les modèles utilisés par le GIEC pour établir ses prévisions sont cependant remis en question par certains experts.

(Traduction de l’anglais: Ariane Gigon)

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