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Le monde a les yeux rivés sur les Etats-Unis

Les électeurs américains font la queue, comme à Grand Forks, dans le Dakota du Nord. Keystone

De l'Europe au Japon en passant par le Kenya, la planète entière a suivi l'élection présidentielle américaine. L'accession de Barack Obama à la Maison Blanche pourrait changer l'image des Etats-Unis dans le monde et envoyer un signal fort aux minorités de tous les pays, Suisse comprise.

Hors d’Amérique, le démocrate Barack Obama est beaucoup plus populaire que son rival républicain John McCain, comme le montrent de récents sondages menés dans plus de 70 pays.

Partout dans le monde, des journaux ont apporté leur soutien au sénateur noir de l’Illinois. «Obama, le meilleur espoir pour la renaissance des Etats-Unis», proclamait un éditorial de l’Australian Financial Review. Le Gulf News, quotidien des Emirats Arabes Unis, estimait que lui seul peut «réparer les grands dommages causés par l’administration Bush à l’image de l’Amérique», notamment au Moyen-Orient. Obama «mérite de gagner», affirmait de son côté l’Irish Times de Dublin.

La fête au Japon, au Kenya et en Indonésie

Au Japon, des préparatifs allaient bon train lundi dans la petite ville côtière d’Obama, qui signifie «petite plage» en japonais, pour organiser une fête de la victoire en l’honneur du candidat démocrate.

Au Kenya, pays du défunt père de Barack Obama, l’élection américaine suscite un véritable engouement. La maison de la grand-mère du candidat démocrate dans le village de Kogelo est remplie de cousins, neveux et d’autres proches portant des T-shirts à l’effigie du candidat.

En Indonésie, l’ambiance était également joyeuse lundi à l’école élémentaire que Barack Obama enfant a fréquentée pendant deux ans. Une foule d’environ 500 personnes a prié pour le candidat démocrate lors d’une cérémonie de montée des couleurs dans l’établissement.

Certains disaient espérer que le facteur racial et les rumeurs sur sa religion – il est chrétien pratiquant mais des bruits lui prêtant une foi musulmane cachée ont couru – ne joueraient pas contre lui.

D’anciens professeurs et camarades de classe ont évoqué avec tendresse le souvenir du petit Obama qu’ils ont connu à l’âge de huit ans: un bambin travailleur, gentil mais parfois désobéissant. «Je lui ai appris quelques gros mots en indonésien», se souvient un ancien ami du jeune Obama.

Un Obama européen ?

En Europe, l’heure est également à l’«Obamania». Le candidat démocrate a la cote sur le Vieux Continent, et le fait qu’il sera le premier Noir à la Maison Blanche conduit certains à s’interroger sur les chances de voir à terme émerger un «Obama» issu des «minorités visibles» dans des pays comme la France, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne.

En Suisse également, l’élection de Barack Obama renforcera la confiance des communautés étrangères. «Le slogan du candidat démocrate ‘Yes we can’ est aussi un signal pour tous les migrants d’ici», estime Quan-Vinh Nguyen, président de la section fribourgeoise du Forum pour l’intégration des migrants.

«Les communautés noires ont besoin d’une figure emblématique. Si elles la trouvaient à la tête de la plus grande puissance du monde, ils se sentiraient davantage légitimés», ajoute ce Vietnamien d’origine.

Pris au sérieux

Ricardo Lumengo, premier parlementaire noir de Suisse en a fait l’expérience depuis son élection il y a un an. Des membres de la communauté africaine lui ont confié qu’ils se sentaient «renforcés, confirmés, encouragés, pris au sérieux», témoigne le socialiste biennois d’origine angolaise.

Une élection de Barack Obama serait également importante du point de vue symbolique, juge Ricardo Lumengo. «Un président de couleur à la Maison Blanche serait un signe d’ouverture pour la société américaine et un message fort pour tous les autres pays».

«Elire des responsables à de très hauts niveaux pour leurs compétences et non pour la couleur de leur peau ne peut que contribuer à un long processus psychologique de normalisation», affirme Sabine Simkhovitch-Dreyfus, vice-présidente de la Commission fédérale contre le racisme.

«Une victoire du candidat démocrate permettrait aux noirs américains de s’identifier à lui et à gagner en légitimité», souligne pour sa part Malick Kane, un Sénégalais de 40 ans qui vit dans la région lausannoise depuis douze ans. Et l’ingénieur d’espérer, en cas d’élection de Barack Obama, des répercussions en Europe, vu l’influence des Etats-Unis dans le monde.

Encore très peu d’élus

La Suisse ne compte que quelques élus noirs. Outre Ricardo Lumengo au Parlement fédéral, Carl-Alex Ridoré, d’origine haïtienne, est depuis juin dernier préfet de la Sarine, le district de la ville de Fribourg. Dans le canton de Neuchâtel, Nathalie Fellrath, née en Suisse d’une mère gabonaise est députée au Parlement cantonal et un Sri lankais, Rupan Sivaganesan, siège au Parlement de Zoug.

swissinfo et les agences

Le président des Etats-Unis n’est pas élu au suffrage universel direct, mais par 538 grands électeurs. Chaque Etat en a autant que d’élus au Congrès: trois pour les plus petits et jusqu’à 55 pour la Californie, le plus peuplé.

Partout, à l’exception du Nebraska et du Maine, «the winner takes all»: le candidat arrivé en tête rafle tous les grands électeurs. Ce mode de scrutin «super-majoritaire» peut permettre de gagner sans obtenir la majorité des voix des citoyens.

Cela s’est produit quatre fois dans l’histoire du pays, la dernière en 2000. George W. Bush avait obtenu 271 grands électeurs, un de plus que la majorité requise. Son rival Al Gore avait pourtant remporté le vote populaire avec plus 539’000 voix d’avance.

Le 15 décembre, les grands électeurs se réuniront pour voter. Le 6 janvier, les deux Chambres du Congrès compteront les voix et annonceront officiellement le nom du 44e président des Etats-Unis, qui prendra ses fonctions le 20 janvier 2009 à midi.

Sur invitation de Washington, une centaine d’observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sont déployés aux Etats- Unis pour surveiller le bon déroulement de l’élection présidentielle.

Parmi eux, deux Suisses: les députés Christian Miesch et Hans Widmer, qui visiteront dix à douze locaux de vote de Richmond, capitale de l’Etat de Virginie.

«Nous nous attendons à une participation massive. Pour le vote anticipé déjà, nous avons observé d’immenses files d’attente devant des locaux de vote», raconte Christian Miesch, qui avait déjà oeuvré en 2004 pour l’OSCE au Nouveau-Mexique.

«On sent ici une ambiance extraordinaire et un besoin de changement», témoigne encore le député suisse, sans se prononcer sur l’issue du vote.

A fin 2007, 73’978 Suisses étaient enregistrés aux Etats-Unis, dont 52’415 avaient la double nationalité. Près de 1,2 million d’Américains ont des origines suisses. La plupart d’entre eux vivent en Californie, à New York, dans l’Ohio, le Wisconsin et la Pennsylvanie.

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