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Les émigrés au cœur des relations italo-suisses

L'émigration italienne est, depuis 1861, un élément central dans les relations italo-suisses.

Retour sur les étapes d’une histoire qui a marqué les deux pays.

L’unification de l’Italie (1861) n’a pas interrompu les liens séculaires tissés entre les territoires suisses et italiens. Mais elle a ouvert de nouvelles perspectives.

En 1868, les deux pays signent une convention sur le domicile et l’activité consulaire.

Cette convention, basée sur le principe de la réciprocité, donne aux citoyens suisses et italiens la possibilité de s’établir et de travailler chez le voisin.

De fréquentes tensions

«C’est un moment très important dans les rapports entre les deux Etats», souligne l’historien Mauro Cerutti. Cette convention a en effet fourni la base légale à la première vague migratoire de l’Italie vers la Suisse.

Ce sont surtout les grands ouvrages ferroviaires – et en premier lieu le percement du tunnel du Gothard – qui attirent la main-d’œuvre italienne en Suisse dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Ce flux migratoire est à l’origine de fréquentes tensions avec la population locale. Elles se transforment même parfois en véritables émeutes anti-italiennes comme à Berne 1893 ou à Zurich en 1897.

La présence d’anarchistes et de socialistes parmi les immigrés italiens a également des répercussions sur les relations entre les deux pays.

En 1902, la publication par une revue genevoise d’un article d’un anarchiste hostile au gouvernement Crispi et à la monarchie est même à l’origine d’un gel des relations diplomatiques.

La cassure de la guerre

De nombreux immigrés rentrent en Italie, lorsque leur pays entre en guerre (1915).

«L’inversion de tendance a été très forte, précise Mauro Cerutti. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que le nombre d’immigrés italiens atteindra à nouveau celui de la période 1910-1915.»

Dans toute l’Europe, le premier conflit mondial marque la fin d’une époque où il était relativement facile de passer d’un pays à l’autre.

La Suisse ne fait pas exception. Elle se dote alors de moyens administratifs et législatifs pour contrôler l’immigration.

En 1921, avant même la Marche sur Rome, un des premiers groupes fascistes à l’étranger apparaît à Lugano.

Fascistes et opposants en Suisse

Après l’accession de Mussolini au pouvoir, le mouvement fasciste étend son influence à toutes les colonies italiennes de la Confédération.

Mais la Suisse sert aussi de refuge à des opposants au fascisme. Leur présence provoque quelques frictions entre Berne et Rome.

On peut notamment citer le célèbre vol de Giovanni Bassanesi au-dessus de Milan à bord d’un avion parti du Tessin ou encore la collaboration du républicain Randolfo Pacciardi dans la presse socialiste tessinoise.

Mais l’afflux de réfugiés civils et militaires après l’armistice italien du 8 septembre 1943 est numériquement beaucoup plus important.

Des dizaines de milliers d’Italiens fuient alors en Suisse. Parmi eux figurent beaucoup de futurs membres de la classe dirigeante de la République.

Boom économique de l’Après-Guerre

En 1941, il y a un peu plus de 90 000 Italiens en Suisse. Mais le flux migratoire se rétablit dès 1945. On compte ainsi 350 000 immigrés italiens en 1960 et 580 000 en 1970.

En juin 1948, les deux pays concluent un accord en matière d’émigration. Les autorités suisses tentent ainsi de contrôler le recrutement de main d’œuvre par l’économie privée.

«Mais les employeurs ont eu recours à de nombreux subterfuges pour échapper au contrôle, observe Mauro Cerutti.

En 1949, l’accord est complété par une convention sur l’assurance sociale. Les travailleurs italiens peuvent ainsi profiter de l’Assurance vieillesse et survivant (AVS) nouvellement créée.

Un nouvel accord est finalement signé en 1964. Sa principale nouveauté: la possibilité de procéder à un regroupement familial après 18 mois au lieu de trois ans.

La crise plus efficace que les urnes

Le climat politique des années 60 n’est cependant pas favorable. En effet, la droite nationaliste s’attaque à la «surpopulation étrangère».

En 1970, les citoyens doivent se prononcer sur une initiative populaire appelée «initiative Schwarzenbach», qui propose de diminuer drastiquement le nombre d’étranger en Suisse. Elle n’est rejetée que d’une courte majorité (54% des votants).

Finalement, c’est la crise pétrolière de 1973-1974 qui provoque le départ de nombreux Italiens.

En effet, les patrons suisse «exportent le chômage» en ne renouvelant pas les contrats de travail de la main-d’œuvre étrangère.

«Il est difficile de dire combien d’émigrés ont dû quitter le pays, déclare Mauro Cerutti. Mais il s’agit peut-être de 100 000 à 150 000 personnes.»

swissinfo, Andrea Tognina
(traduction: Olivier Pauchard)

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