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Polémique autour du milliard de cohésion

Malgré une croissance soutenue, les nouveaux Etat membres de l'UE ont encore du retard par rapport à l'Occident. Keystone

La Suisse veut poursuivre son aide aux pays est-européen. Une nouvelle loi, qui permet la poursuite de cette politique, est donc soumise au peuple.

Mais l’attribution d’un milliard de francs aux nouveaux Etats membres de l’Union européenne (UE) cristallise l’opposition.

La Suisse soutient les pays de l’Est depuis la chute du Mur de Berlin. Au cours des 17 dernières années, elle a alloué des aides pour environ 200 millions de francs par an, soit un total de 3,4 milliards.

Cette aide repose juridiquement sur un arrêté fédéral datant de 1995. Le problème, c’est que celui-ci arrive à échéance en février 2008. La nouvelle Loi fédérale sur la coopération avec les Etats de l’Europe de l’Est, qui aura une validité de dix ans, doit donc le remplacer.

Cette loi permettra de maintenir la collaboration traditionnelle avec les pays de l’Est. Selon le gouvernement, le montant prévu est de 140 à 160 millions de francs par an. L’enveloppe budgétaire précise devra toutefois être fixée par le Parlement.

Milliard de cohésion

Mais la nouvelle loi sert aussi de base au versement d’un milliard de francs destinés à la cohésion de l’UE.

Suite à l’élargissement du 1er mai 2004, Bruxelles a sollicité une contribution aux pays membre de l’Espace économique européen qui ne sont pas membres de l’UE (Liechtenstein, Islande et Norvège), mais également à la Suisse qui a accès au grand marché européen grâce aux accords bilatéraux.

Le raisonnement de Bruxelles est simple: l’accès au marché unifié offre des avantages économiques à ces quatre pays. Il est par conséquent juste qu’ils contribuent au développement des régions défavorisées de l’UE.

La nouvelle loi stipule que la Suisse engagera 200 millions de francs par an pendant cinq ans en faveur des nouveaux Etats membres. Mais comme le lancement des différents projets sera échelonné dans le temps, les coûts effectifs seront en fait de 100 millions de francs par an pendant dix ans.

Opération neutre selon le gouvernement

Selon le gouvernement, cette opération sera neutre du point de vue budgétaire. En effet, sur ces 100 millions annuels, 60 millions seront ponctionnés sur l’aide actuelle en faveur des pays de l’Est qui ne sont pas membres de l’UE. C’est ainsi que la Russie et la Roumanie ne recevront plus rien.

Les 40 millions restants seront compensés par les revenus supplémentaires provenant de la taxation de l’épargne des contribuables de l’UE.

En cas de nouvelles adhésions à l’UE, la nouvelle loi ne crée pas d’obligation directe pour la Suisse à l’égard de futurs membres est-européens de l’UE. Par contre, elle sert là aussi de base légale à de nouveaux soutiens si cela s’avérait nécessaire.

Le gouvernement précise toutefois que de tels engagements devraient être fixés par Parlement par le biais de nouveaux crédits-cadre.

Droite dure opposée

L’opposition à cette loi provient des Démocrates suisses (extrême-droite), qui ont lancé le référendum, mais aussi de l’Union démocratique du centre (UDC / droite dure).

L’UDC estime que, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, l’opération n’est pas neutre financièrement. «On nous annonçait une neutralité des coûts, mais on vient nous annoncer maintenant que la compensation se fera au-travers d’éventuels bénéfices qui n’ont rien à voir avec l’exercice budgétaire», déplore le député UDC Oskar Freysinger.

La droite dure dénonce aussi le caractère anti-démocratique de la loi. «On ne pourra plus se prononcer sur les extensions suivantes, argumente Oskar Freysinger. Ce n’est donc pas seulement sur un milliard que l’on vote, mais sur tout ce qui suivra ensuite, des centaines et des centaines de millions. Il y a atteinte à la démocratie directe.»

Les partisans de la nouvelle loi – la gauche et la droite traditionnelle – balayent ces critiques. Le texte n’est pas une chèque en blanc, car la loi n’a qu’une validité de dix ans et les contributions en faveur de nouveaux membres de l’UE seraient de toute façon soumises à l’accord du Parlement.

Les partisans rappellent par ailleurs que cette contribution d’un milliard a été négociée entre Berne et Bruxelles dans le cadre des bilatérales. Or, même si un refus populaire ne met pas directement en péril les accords bilatéraux, le coût pour la Suisse serait élevé.

«Concrètement, la Suisse ne serait plus crédible sur la scène internationale, déclare le député démocrate-chrétien (PDC / centre droit) Pierre Kohler. Et le gouvernement serait vraiment dans une position de faiblesse pour négocier un 3e paquets d’accords bilatéraux.»

Pierre Kohler dénonce par ailleurs l’incohérence de ses adversaires. «Aider les pays de l’Est permet d’éviter une immigration massive de ces pays vers la Suisse. Or souvent, les gens qui combattent cette immigration combattent également ce milliard de cohésion, ce qui est complètement illogique.»

swissinfo, Olivier Pauchard

La Loi fédérale sur la coopération avec les Etats de l’Europe de l’Est est combattue par la droite dure, mais soutenue par les autres formations politiques.
Elle a été acceptée par 127 voix contre 53 à la Chambre haute et par 37 voix contre 1 à la Chambre basse.
Le gouvernement recommande d’accepter la loi.

La Suisse n’a pas souhaité contribuer directement au fonds de cohésion de l’UE, ainsi que le demandait Bruxelles.

Le gouvernement suisse a préféré promettre une aide d’un milliard de francs aux pays est-européen qui ont rejoint l’UE au 1er mai 2004 et pouvoir choisir directement les projets financés par la Suisse.

Cette décision a fait grincer quelques dents du côté de Bruxelles. Le Portugal, l’Espagne et la Grèce, pays bénéficiaires du fonds de cohésion, n’ont pas vraiment apprécié d’être exclu.

Mais finalement la proposition suisse a tout de même été acceptée.

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