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UBS: un pari pas encore gagné, selon la presse

Le ministre des Finances a annoncé des mesures auxquelles il était opposé il y a quelques mois encore.

Le Parlement adoptera-t-il l'accord avec Washington pour tirer d’affaire UBS aux Etats-Unis? C’est la question que posent les éditorialistes au lendemain des mesures proposées par le gouvernement pour taxer les bonus et éviter les «too big to fail».

Car, analyse en substance la presse suisse jeudi, c’est bien sous la contrainte que le Conseil fédéral (gouvernement) a élaboré un dispositif pour répondre aux pressions des partis.

En vue du débat sur l’accord UBS, agendé en juin au Parlement, tous y sont en effet allés de leurs propositions pour donner le change à leur électorat.

Mais au final, c’est encore «UBS qui dicte le jeu», souligne La Liberté. Car «aujourd’hui, le parlement n’a guère d’autre choix que la ratifier [la lex UBS] s’il ne veut pas que la Suisse plonge dans une nouvelle crise financière et institutionnelle.»

Une crise dont le spectre apparaît sous la plume de plusieurs éditorialistes. «Si l’accord n’est pas adopté par le Parlement, UBS pourrait être confronté à des procès aux Etats-Unis, et ceux-ci pourraient avoir des conséquences pour l’ensemble de l’économie suisse», note à ce propos la Berner Zeitung.

Pour le Blick aussi, «le Conseil fédéral n’a fait ce pas que pour montrer patte blanche à l’UDC (Union démocratique du centre/droite conservatrice) et au PS (parti socialiste) en espérant en contrepartie la signature de l’accord UBS». Le quotidien de boulevard alémanique estime néanmoins que ces propositions «vont dans la bonne direction.»

Un certain scepticisme

Un avis partagé par la Neue Zürcher Zeitung (NZZ), pour qui le gouvernement «a finalement réussi à canaliser toutes les pressions et à présenter un catalogue de mesures qui peut permettre à tous de se déclarer vainqueurs.» Mais les journaux, à l’instar de la Basler Zeitung, ne se privent néanmoins pas d’étaler un certain scepticisme.

La réglementation sur les bonus? «Les banques et les assurances y seraient soumises, mais pas les pharmas ou les autres grandes entreprises», note le journal bâlois. «Le secteur bancaire va trouver d’autres solutions pour couvrir d’or ses managers», renchérit le Tages Anzeiger.

La limitation des risques posés par les établissements bancaires trop grands pour faire faillite ? «Le Conseil fédéral fait certes preuve de bonne volonté. Mais, une fois les derniers souvenirs de la crise effacés, les lobbyistes réussiront certainement à influencer les parlementaires pour opérer un retour en arrière», poursuit le journal zurichois.

«L’imposition des bonus? Facilement escamotable! La surveillance des sociétés suisses «trop grandes pour faire faillite»? Poursuivons les recommandations des experts, mais les décisions, on verra demain. Le contrôle des entreprises aidées par l’Etat? La loi élaborée s’appliquera à l’avenir: UBS, c’est du passé, malgré 23 milliards encore pendants à la BNS», résume, un brin désabusé, 24 heures.

Pour le journal vaudois, le Conseil fédéral, qui «entendait freiner les goinfres de la finance spéculative et quittançait la grogne de l’opinion publique par un ‘elle est justifiée’ tonitruant», n’a donc rien fait d’autre que d’adopter des mesures dignes d’un «tigre de papier.»

Avertissement au PS

C’était aussi l’avis mercredi du président du parti socialiste Christian Levrat. «Les déclarations d’intention ne nous suffisent plus», a-t-il déclaré. Commentant la voie choisie par le gouvernement, à savoir la procédure de consultation – qui peut prendre plusieurs mois – il l’a traitée d’«inacceptable.»

Une attitude que les éditorialistes décryptent tous en terme de stratégie politique. Estimant que «le PS est méfiant à juste titre», le quotidien zurichois Tages Anzeiger y voit une tentative de pression pour obtenir tout au plus «une mini-réforme» susceptible notamment de «renforcer les autorités de surveillance du domaine bancaire.»

Quant à la Berner Zeitung, elle estime que «le PS joue avec le feu». Outre les risques qu’un procès UBS aux Etats-Unis ferait courir à l’économie suisse, l’Aargauer Zeitung évoque aussi le danger qu’après un refus de l’accord UBS par le Parlement, «les propositions du Conseil fédéral se transforment en feuille de brouillon à jeter aux oubliettes.»

Bref, juge bon d’avertir Le Temps, «il faudra que ceux qui se tiendront à cette logique jusqu’au bout, en particulier à gauche, soient également en mesure d’en assumer les conséquences, de fournir la solution de rechange en cas d’échec de l’accord, et de démontrer en quoi cet échec pourrait faire avancer la cause qu’ils défendent.»

Carole Wälti, swissinfo.ch

Mercredi, le gouvernement a présenté une série de mesures pour taxer les banques qui versent des bonus excessifs et limiter les risques posés par les établissements trop grands pour faire faillite.

Les décisions ne sont pas définitives. Le ministre des finances Hans-Rudolf Merz doit présenter un projet pour la consultation d’ici l’automne.

L’action du gouvernement suit trois axes.

Concernant les bonus, il veut taxer les banques et les assurances sur les bonus dépassant deux millions de francs par collaborateur. Cela ne concerne cependant que les rémunérations variables dépendant du bénéfice de l’entreprise. Les bonus liés aux prestations individuelles échapperont au fisc, puisqu’ils pourront continuer d’être déduits à titre de charge de personnel.

Le Conseil fédéral veut aussi réglementer les systèmes salariaux des entreprises financières ayant sollicité l’aide de l’Etat.

Mais il est à noter qu’aucune restriction n’est prévue pour celles qui ne demandent pas cette aide. Pour l’heure, aucune grande entreprise suisse ne serait donc concernée, même pas UBS qui n’a désormais plus besoin du soutien fédéral.

Enfin, le Conseil fédéral veut modifier la loi sur les banques pour résoudre le problème des entreprises «too big to fail». Il va adopter à l’attention du Parlement une feuille de route contraignante le 12 mai prochain.

Pour prévenir de telles affaires et limiter les dommages le cas échéant, le Conseil fédéral ne veut pas taxer les établissements bancaires, mais renforcer la régulation du secteur financier.

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