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Le gouvernement veut serrer la vis aux banquiers

Micheline Calmy-Rey et Hans-Rudolf Merz: deux ministres pour annoncer les mesures gouvernementales. Keystone

Le gouvernement annonce mercredi des mesures pour éviter la répétition d’excès salariaux dans le domaine bancaire. Les boni des hauts dirigeants sont dans le collimateur. Les décisions du gouvernement interviennent dans un climat politique très marqué par cette question.

Il y a des mois que le dossier des boni des cadres dirigeants des grandes banques fait débat en Suisse, mais aussi dans d’autres pays. Ces boni – qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de millions de francs – sont en effet de plus en plus mal perçus par une population inquiète des conséquences de la crise économique mondiale.

La grogne s’est encore renforcée du fait que certaines banques ont accordé ces boni alors qu’elles quémandaient récemment l’aide de l’Etat – et donc du contribuable – pour échapper aux affres de la crise financière. En Suisse, c’est UBS qui a surtout été montrée du doigt. C’est d’ailleurs la seule grande banque suisse à avoir été momentanément aidée avec de l’argent public.

Cette irritation ne reste pas théorique. Lors de plusieurs assemblées, des actionnaires mécontents ont demandé des comptes à leur conseil d’administration et à leur direction. Et ce devrait être bientôt encore le cas lors de la prochaine assemblée de Credit Suisse.

Politiquement aussi, le thème suscite un vif débat. Une initiative populaire dite «Contre les rémunérations abusives» a été acceptée en mars dernier par la Chambre du peuple et doit encore être soumise à la Chambre des cantons.

Trois mesures

Mercredi devant la presse, les ministres des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey, et des Finances, Hans-Rudolf Merz, sont venus annoncer les mesures décidées par le gouvernement lors de sa séance hebdomadaire. L’action du gouvernement suit trois axes.

D’abord, les systèmes salariaux des entreprises venues demander l’aide de l’Etat feront l’objet d’une réglementation restrictive. Il est à noter – et c’est essentiel – qu’aucune restriction n’est prévue pour celles qui ne demandent pas cette aide. Pour l’heure, aucune grande entreprise suisse ne serait donc concernée, même pas UBS qui n’a désormais plus besoin du soutien fédéral.

Les deux autres mesures pourraient en revanche toucher toutes les entreprises, puisqu’elles se font au travers de la fiscalité. La rémunération variable dépendant du bénéfice ne sera plus considérée fiscalement comme une charge du personnel, mais comme une distribution de bénéfice, et donc taxée en tant que telle. Par souci de simplicité, cette nouvelle règle ne s’appliquera qu’aux rémunérations excédant… deux millions de francs.

Enfin, la troisième mesure prévoit que les options ne seront plus imposées lors de leur attribution, mais lorsque le détenteur exercera son droit d’option. Ces différentes mesures devaient être soumises aux commissions parlementaires cette année encore.

Exercice d’équilibriste

Avec ces trois mesures, le gouvernement fait un exercice d’équilibriste pour répondre à deux contraintes contraires.

D’une part, il convient de répondre au mécontentement provoqué par les boni. «L’attribution de milliards de francs à quelques managers met en danger la cohésion sociale du pays», a reconnu devant la presse le pourtant très libéral ministre des Finances Hans-Rudolf Merz.

Mais le système des boni se pratique dans de nombreux pays, et il ne s’agit donc d’autre part pas de priver la Suisse de hauts cadres en limitant trop les rémunérations.

Avec ses trois décisions, le gouvernement estime atteindre un double objectif. C’est d’ailleurs cela que l’on peut lire entre les lignes du communiqué officiel: «Par ces trois mesures, le gouvernement entend donner un signal fort contre les rémunérations excessives. De telles mesures n’affectent pas le liberté des contrats. Une indemnisation compétitive reste de surcroît possible».

Lors de la conférence de presse, Micheline Calmy-Rey a d’ailleurs exprimé le même avis. «Les mesures choisies par le gouvernement, je n’hésite pas à le dire, sont nécessaires et intelligentes», a-t-elle déclaré.

«Too Big to Fail»

Mis à part cette question de rémunération, les récentes mésaventures d’UBS ont incité le gouvernement à méditer sur le problème des entreprises tellement grandes que leur faillite pourrait faire sombrer l’ensemble de l’économie nationale.

Il entend donc légiférer rapidement. Lors de sa séance de mercredi, il a adopté un rapport intermédiaire d’experts qui planchent sur la question. Ceux-ci préconisent notamment une augmentation des fonds propres et des liquidités.

Pour l’heure, le gouvernement n’a pris aucune décision, mais affiche sa volonté d’agir rapidement. Il a demandé au groupe d’experts d’avancer la remise de son rapport final au 31 août. C’est sur cette base, que le gouvernement soumettra ensuite «immédiatement» des dispositions légales au Parlement.

Entraide avec les Etats-Unis

L’annonce du gouvernement intervient à un moment délicat. Il doit en effet trouver un soutien suffisant pour que le Parlement approuve le transfert aux autorités américaines de 4450 noms de clients d’UBS accusés d’avoir fraudé leurs fisc.

Les députés doivent se prononcer sur le sujet au mois de juin. Les diverses mesures annoncées mercredi pourraient donc permettre de rallier davantage de parlementaires à ce transfert contesté.

Certes, il n’y a pas de lien direct entre les deux dossiers. «Mais il y a un lien politique», a souligné Micheline Calmy-Rey devant les journalistes. Et la ministre de conclure qu’un refus du Parlement «pèserait lourdement sur la Suisse et sur UBS».

Olivier Pauchard, Palais fédéral à Berne, swissinfo.ch

Les frais occasionnés par UBS aux Etats-Unis en raison de ses démêlés avec le fisc lui seront directement facturés.

La Confédération entend se faire rembourser les frais de traitement de deux demandes d’assistance administrative. Le montant des la facture est de 40 millions de francs.

Le gouvernement a adopté mercredi un message à l’intention du Parlement.

Le gouvernement suisse estime que l’instauration d’une taxe sur le secteur financier ne se justifie pas pour le moment.

Il estime qu’une taxe ne favoriserait pas davantage la stabilité et ne ferait que réduire la base de fonds propres des établissements financiers.

Le gouvernement se dit toutefois prêt à revoir sa position si une solution associant le G20 et les principales places financières était adoptée.

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