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Un flou officiel diversement apprécié par la presse

Le gouvernement a annoncé ne plus vouloir d’argent non déclaré au fisc dans les banques suisses Keystone

Le gouvernement était très attendu sur sa stratégie en matière de place financière, présentée jeudi. L’exercice a laissé la presse suisse sur sa faim. Une presse qui oscille entre doutes, espoir et critiques.

Devant la presse jeudi, le gouvernement a affirmé trois choses au moins. D’abord, il ne veut plus d’argent non déclaré au fisc dans les banques suisses.

Sur la manière, très clairement, il n’est pas question d’échange automatique d’informations avec les autorité fiscales des autres pays. Trop dommageable, autant pour la sphère privée des citoyens que pour la place financière suisse.

Face au très évolutif dossier de la lutte contre l’évasion fiscale, le gouvernement a aussi indiqué qu’il souhaite négocier avec les gouvernements séparément, sans privilégier quelque modèle que ce soit. Cette stratégie du morcellement a d’ailleurs suscité la mauvaise humeur de la Commission européenne.

«Rien n’est réglé, juge Le Temps. Mais la Suisse explicite sa position stratégique: l’argent «gris» n’est plus le bienvenu. C’est une déclaration politique qui coupe l’herbe sous les pied de ceux qui l’accusaient de mauvaise volonté.»

Mais dans les relations avec l’Europe, le message du gouvernement sera pourtant perçu comme «un aveu de faiblesse», assure le quotidien édité à Genève.

«La Suisse a de plus en plus de mal à entrer dans un approfondissement alors même qu’elle est demandeuse pour garantir l’essor d’une industrie financière où l’harmonisation intra-européenne s’accélère. (…) Le bilatéralisme risque de devenir de plus en plus déséquilibré, pour ne pas dire risqué.»

Tactique de la temporisation

Plutôt que l’échange automatique d’information, le gouvernement opte pour la tactique de la temporisation, inspirée par les banques, déplore le Tages Anzeiger.

Une tactique «dangereuse. Rien ne dégradera plus l’image du système bancaire suisse» que de nouvelles divulgations de données par le biais de CD à l’étranger, «au cas où les négociations devaient échouer – ce qui est prévisible».

A Zurich, le Blick rappelle que l’UE, hier, a «naturellement réagit tout de suite, affirmant qu’elle veut le transparence et tient à l’échange automatique d’information.»

Le journal de boulevard n’y va pas de main morte. «Les trois femmes du gouvernement savent bien que la Suisse est perdante. Mais la minorité n’a malheureusement pas le courage ou la force de s’opposer à un ministre des finances dépassé et au lobby de la finance.»

Le Matin se fait quant à lui catégorique. «Le Conseil fédéral ne veut plus d’argent non déclaré dans les banques suisse mais ne se donne pas les moyens d’y arriver. Titre dudit quotidien: «Toujours pas de stratégie.»

Flou artistique voulu

Le ministre des finances assure que ce flou artistique est voulu, rapporte 24 heures. Le gouvernement entend garder le plus de cartes possibles pour négocier de nouveaux accords respectant les règles de l’OCDE.

«Si tel est le cas, si le Conseil fédéral entend bien éviter les plus gros écueils par la voie bilatérale, on peut se demander s’il en a vraiment les moyen».

Le quotidien énumère les possibilités: un impôt libératoire? Un certificat de bonne mœurs fiscales? Le statu quo? Autant de pistes soit combattues, soit illusoires. «Si le secret bancaire n’est pas encore k.-o, on dirait tout de même que les rounds se succèdent à son désavantage.»

«La voie de sortie est obligatoire, mais en rien claire», constate Regione Ticino. Le stratégie présentée jeudi «est la conséquence logique des engagements pris à l’OCDE et concrétisés par la signature de 18 convention de doubles imposition jusqu’ici.»

La Regione observe un «message clair envers l’étranger et la place financière»: le gouvernement veut plus de transparence. «Mais il reste à comprendre quelles mesures mettra en place le département d’Hans-Rudolf Merz pour prévenir de nouveaux flux de capitaux résultant de l’évasion fiscale.»

Un espace d’interprétation

La stratégie présentée jeudi par le gouvernement «suscite des doutes», confirme la Berner Zeitung. Elle laisse «un espace d’interprétation important»…

«Espérons que le gouvernement fait un secret de sa stratégie pour des raisons de tactiques de négociation, et pas parce qu’il n’a pas de stratégie.»

Proche de l’économie et des radicaux, qui est aussi le parti du ministre des finances, la Neue Zücher Zeitung est sans doute le quotidien le plus convaincu par l’approche du gouvernement.

«Enfin la résistance se manifeste», juge la NZZ. «Le conseil fédéral conserve le secret bancaire – et veut pour la place financière une politique de l’argent blanc conséquente. Qu’il n’en dise pas plus est marque d’intelligence.»

Pierre-François Besson, swissinfo.ch

Février 2009: UBS est autorisée par Berne à livrer aux Etats-Unis l’identité de 255 clients qu’elle a aidé à échapper au fisc américain, en violation de la loi sur le secret bancaire.

Mars 2009: Dans le collimateur de l’OCDE, Berne décide d’assouplir le secret bancaire en suivant les standards en matière d’échange d’informations.

Avril 2009: Le G20 place la Suisse sur une liste grise des paradis fiscaux prêts à faire des efforts en matière d’échange d’informations.

Août 2009: La Suisse et les Etats-Unis trouvent un accord sur UBS. Les Américains ne chercheront plus à obtenir l’identification de 52’000 titulaires. Une entraide administrative est décidée sur 4450 comptes.

Septembre 2009: Après avoir signé 12 conventions élargies de double imposition, la Suisse est biffée de la liste grise de l’OCDE.

Novembre 2009: Le gouvernement propose au parlement de soumettre les nouveaux accords de double imposition au référendum facultatif. L’UE reporte à 2010 un projet d’accord sur la fiscalité de l’épargne impliquant l’échange automatique d’informations.

Position officielle: La Suisse est décidée à refuser l’échange automatique d’information. L’entraide administrative est accordée au cas par cas, en réponse à des demandes concrètes et justifiées. L’échange d’informations est limité aux impôts couverts par les conventions de double impositions concernées.

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