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Un homme d’Etat respecté, mais pas aimé

Keystone

Dans son action politique, Pascal Couchepin a toujours joué l'attaque et l'anticipation, privilégiant souvent la provocation et l'effet de surprise. Mais le ministre, qui a annoncé sa démission vendredi, a été plus apprécié à l'étranger qu'en Suisse, où il n'a pas réussi à réformer les assurances sociales.

Pascal Couchepin n’a jamais craint le caractère impopulaire de ses idées. A la veille des législatives de 2007, il propose une série de mesures pour réformer le système des retraites, mesures parmi lesquelles figure l’augmentation de l’âge de la retraite à 67 ans. Cette proposition soulève une vague de réactions négatives et d’incompréhension.

En 2009, le ministre de l’Intérieur démissionne du gouvernement à l’âge de 67 ans, conformément à ses idées et convaincu que le temps lui donnera raison sur la nécessité d’augmenter l’âge de la retraite en Suisse. Une cohérence que la population peine parfois à comprendre et qu’elle interprète comme de l’arrogance.

Entre cette perception publique négative et sa réelle stature politique, il y a en fait un fossé que Pascal Couchepin lui-même n’a jamais voulu combler. Ferme dans ses convictions et hostile à la recherche d’un consensus facile en politique, il n’a jamais suivi les humeurs du moment ni les sondages.

Personne n’est prophète en son pays

Au cours des onze années passées au gouvernement, Pascal Couchepin a paradoxalement donné le meilleur de lui-même dans le domaine des relations internationales. En qualité de ministre de l’Economie, il s’est battu avec succès en faveur de la première série d’accords bilatéraux avec l’Union européenne.

En tant que président de la Confédération – en 2003 et 2008 – il a été très attentif à l’Europe et aux pays émergents tels que la Chine, la Russie, l’Inde et l’Azerbaïdjan.

Sous ses habits de ministre de la Culture, il est en Turquie en 2007 pour signer un accord bilatéral sur la restitution des biens culturels. Mais surtout aussi pour régler un compte avec le ministre de la Justice de l’époque – Christoph Blocher – qui, quatre mois auparavant à Ankara, avait remis publiquement en question la norme suisse antiraciste.

Pascal Couchepin n’a pas raté l’occasion de rappeler l’importance de cette norme contre le racisme et de désavouer publiquement les affirmations provocatrices de son collègue.

Confrontation avec Christoph Blocher

En 2003 et 2007, le sanguin Pascal Couchepin trouve un rival digne de son tempérament au sein du gouvernement: le leader incontesté de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) Christoph Blocher.

La rivalité avec Christoph Blocher – qui manifeste à plusieurs reprises son mépris pour les institutions – permet à Pascal Couchepin de se profiler comme un homme d’Etat qui défend les valeurs fondamentales de la Confédération: l’Etat de droit, la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, la protection des minorités et la coexistence pacifique entre les peuples et les religions.

Habitué à la lutte politique et à ses coups, l’animal politique Pascal Couchepin donne le meilleur de lui-même dans cette confrontation avec Christoph Blocher. Or en décembre 2007, le Parlement ne réélit pas le leader de l’UDC à son poste de ministre.

Pascal Couchepin a relevé avec succès son défi personnel face à Christoph Blocher. En revanche, son parti – le Parti libéral radical (droite) – perd face à l’UDC qui récolte pratiquement 30% des voix lors des élections fédérales.

Les réformes manquées

Christoph Blocher parti, Pascal Couchepin peut à nouveau se concentrer principalement sur la réforme des assurances sociales annoncée en 2003, année où il a repris les rênes du ministre de l’Intérieur (qui en Suisse chapeaute notamment la Culture et la Santé) à la suite de la socialiste Ruth Dreifuss.

Un ministère ardemment souhaité par Pascal Couchepin qui déclare alors publiquement vouloir réussir à contenir l’augmentation des primes de l’assurance maladie dans les limites acceptables. Dans un premier temps, il semble parvenir à atteindre cet objectif ambitieux.

Mais au début 2009, les caisses d’assurance maladie annoncent des augmentations de prime comprises entre 10 et 20% pour 2010. Pascal Couchepin cherche alors à sauver ce qui peut l’être et annonce une série de mesures urgentes, comme la très contestée taxe de 30 francs pour les consultations médicales.

Ensuite, c’est l’annonce surprise: au beau milieu de la bataille politique sur les primes de l’assurance maladie, Pascal Couchepin décide de jeter l’éponge. Il a raté l’objectif de limiter l’augmentation des primes à un niveau supportable.

On ne peut lui reprocher d’être resté les bras croisés, puisqu’il a utilisé toute la marge de manœuvre possible pour contenir les coûts. Mais dans le système politique suisse basé sur la patiente recherche du compromis et sur des réformes à petits pas, Pascal Couchepin n’a pas su réaliser les réformes annoncées de l’Etat social.

Prisonnier des ses propres convictions et otage d’un Parlement souvent dominé par des intérêts particuliers, le ministre n’a pas su se mettre à l’écoute de la population et de ses besoins. Mais peut-être, le temps lui donnera-t-il raison…

Andrea Archidiacono, swissinfo.ch
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

Annonce. Agé de 67 ans, le conseiller fédéral libéral-radical (droite) a annoncé vendredi sa démission pour le 31 octobre.

Poste. A l’exécutif national depuis 1998, président de la Confédération en 2003 et 2008, il a été patron du Département fédéral de l’économie jusqu’en 2003, avant de passer à celui de l’intérieur.

Domaines. A ce titre, il chapeaute les assurances sociales, la santé, l’éducation et la recherche, les politiques familiale, de la jeunesse, de la culture ou les questions relatives aux religions.

Bilan. Sa carrière politique de 41 ans a été ponctuée de 27 élections, sans échec, et de 22 campagnes de votation conduites au nom du gouvernement, dont dix-neuf gagnées.

Conseil. Eternel dernier des sondages, le ministre a constaté vendredi qu’il n’y avait pas besoin d’être aimé des sondages pour durer. Il a appelé à se méfier des enquêtes d’opinion, du «bling-bling, du spumante» pour aller plutôt au fond des choses.

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