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Une Suissesse à l’affût de la corruption au Cambodge

Marjolaine Nicod travaille pour le gouvernement britannique. swissinfo.ch

Depuis novembre 2006, Marjolaine Nicod réside à Phnom Penh. Entre travail à l'ambassade de Grande-Bretage et vie quotidienne, elle livre ses impressions sur ce pays encore marqué par des années de dictature.

D’elle, ses collègues disent qu’elle est leur Amélie Poulain. Un large sourire, de grands yeux qui s’émerveillent des scènes de la vie cambodgienne, une soif inassouvie de découvrir ce pays et un enthousiasme sans faille.

A 42 ans, la Vaudoise a posé ses valises à Phnom Penh où elle travaille depuis novembre 2006 pour le gouvernement britannique. Rencontre avec Marjolaine Nicod.

swissinfo: En quoi consiste votre travail à Phnom Pehn?

Marjolaine Nicod: A vérifier que l’aide financière investie par la Grande-Bretagne (ndlr : 30 millions de dollars par an) est utilisée à bon escient. Durant des années, les pays donateurs ont investi massivement pour la construction d’écoles et d’hôpitaux, sans se soucier des fonds nécessaires pour entretenir ces structures ou pour payer les employés.

Aujourd’hui, nous voulons que le Cambodge établisse lui-même ses priorités, en matière de politique sanitaire et d’éducation par exemple, et l’aider dans des programmes plus ponctuels.

De plus, et c’est une nouveauté, 10% de l’aide globale des pays donateurs vont être donnés directement au Ministère des finances cambodgien afin de voir comment il gère lui-même cet argent. S’il le fait bien, le pourcentage devrait augmenter ces prochaines années.

swissinfo: Responsabiliser le gouvernement cambodgien, une attitude qui porte ses fruits?

M.N.: Oui, même si c’est un travail de longue haleine. En dix ans, la mortalité infantile a reculé de 45%. Dans ce même laps de temps, la courbe des personnes de 30-50 ans infectées par le VIH a fléchi de 3% à 0,9%. Le taux de scolarisation s’améliore. Les rentrées fiscales ont augmenté de 20%, ce qui est beaucoup quand on connaît les problèmes de corruption dans ce pays.

swissinfo: Justement, des mesures concrètes ont-elles été prises pour lutter contre la corruption?

M.N.: Oui. Avec une dizaine d’autres pays donateurs, nous appuyons un programme de réformes des finances publiques. Des audits seront régulièrement menés et notamment sur le parlement cambodgien. C’est un énorme challenge car la corruption est un vrai fléau. La moitié des fonctionnaires ne travaille pas réellement dans les ministères. Le salaire moyen mensuel étant de 30-40 dollars, tout est bon pour augmenter son revenu.

swissinfo: La vie est-elle facile pour une Suissesse à Phnom Penh?

M.N.: Le fait d’avoir vécue plusieurs années au Vietnam m’a sûrement aidée. Mais de manière générale, l’Asie du sud-est est un paradis pour les femmes occidentales. Je me sens très à l’aise ici. Les gens sont ouverts et agréables, même si la violence est très présente. Chaque jour dans le journal s’étalent des affaires de viols, de crimes, d’attaques à l’acide… La moindre étincelle dégénère.

Peut-être est-ce les symptômes des années de guerre. On oublie vite que le pays n’est stabilisé que depuis dix ans seulement. Les derniers Khmers rouges se sont rendus en 1998, certains attendent encore d’être jugés.

swissinfo: Le plus difficile à vivre dans ce pays?

M.N.: Les inégalités sociales. Une minorité de personnes s’enrichit très vite alors que le sort du commun des mortels reste difficile, même s’il s’améliore.

swissinfo: Est-ce facile de se faire des amis cambodgiens?

M.N.: Pas vraiment. Il y a le clivage de la langue bien sûr. De la culture aussi. Mais j’ai quand même quelques amis cambodgiens avec qui je sors le soir. Tous ont étudié à l’étranger et connaissent donc notre manière de vivre et de penser «à l’occidentale».

Avec une voisine, j’ai engagé une cuisinière. Cela offre plusieurs avantages : manger des produits frais, apprendre à faire une cuisine locale et surtout, faire des connaissances. C’est une façon de créer un réseau social.

Interview swissinfo, Pierre Jenny de retour de Phnom Penh

Née en 1965 à Granges-près-Marnand (canton de Vaud), Marjolaine Nicod a toujours ressenti le besoin de travailler à l’étranger. A 19 ans, elle part une année au Japon comme jeune fille au pair. De retour en Suisse, elle entreprend des études en sciences politiques et relations internationales à l’Université de Genève.

Elle multiplie alors les stages et s’établit à Bruxelles où elle travaille pour la Commission européenne. Retour à Berne en 1992. Elle s’occupe du dossier « Banque mondiale » au Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco). Mais l’envie de repartir est la plus forte. En 1995, elle s’envole pour le Vietnam. Engagée comme expert pour la coopération suisse (DDC), elle reste trois ans au pays de l’Oncle Hô.

En 1998, Mme Nicod s’installe à Paris pour réaliser un MBA. Parallèlement, elle travaille pour l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) avant de s’établir au Cambodge en novembre 2006.

Le premier procès d’un dirigeant Khmer rouge pourrait s’ouvrir le mois prochain au Cambodge. En effet, Dutch, de son vrai nom Kang Kek, ancien chef du centre de tortures S-21 à Phnom Penh a été officiellement inculpé par le tribunal spécialement créé pour juger les anciens chefs du régime de Pol Pot.

Si cette annonce augure l’ouverture d’autres procès contre les anciens dirigeants du Kampuchéa démocratique (1975-1979), ils sont encore nombreux à vivre en toute liberté dans leur fief de Païlin, au Nord-Ouest du Cambodge.

Instauré en 1975, le régime de Pol Pot (Saloth Sar, 1925-1998) prône le collectivisme à outrance. Toute manifestation d’individualisme est sévèrement réprimée. Les biens sont confisqués, l’argent aboli, la cellule familiale annihilée. Les déportations et les exécutions sommaires se multiplient. Renversé en 1979 par les troupes vietnamiennes, le régime des Khmers rouges aura fait près de 3 millions de victimes.

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