Des perspectives suisses en 10 langues

Assurance maladie: la rentrée politique s’annonce chaude

Keystone

En début de semaine, les invités du 'Forum Santé Pour Tous' se sont inquiétés des hausses de primes d'assurance pour 2010, un thème qui sera débattu lors de la session parlementaire d'automne. Critiqué ici, le système de santé suisse a pourtant des partisans aux USA.

«Notre système est bon mais la machine s’est bloquée en route.» Le diagnostic est posé par Otto Ineichen, député libéral-radical (PLR /droite). Le Lucernois pointe du doigt l’échec (à 5 voix près…) de la 2e révision de la Loi sur l’assurance maladie obligatoire (LAMal) en 2003.

Mardi à Berne, Otto Ineichen figurait parmi les invités du Forum Santé Pour Tous, réunis au chevet de la réforme de la LAMal. Et pourtant, ce système fait des envieux, par exemple aux Etats-Unis.

«Un tiers des Suisses ne peuvent payer leur assurance maladie et c’est le gouvernement qui les aide: les pauvres sont donc élevés au rang de consommateurs comme les autres.» Pour Regina Herzlinger, professeure à la Harvard Business School et spécialiste des systèmes de santé, «c’est ce qui fait que la Suisse est si unique». Un système à mi-chemin entre l’américain, très privatisé, et le britannique, très étatisé.

Justement, aux Etats-Unis, le débat fait rage autour de l’«Obamacare». La réforme du système de santé américain, voulue par Barack Obama, subit les foudres des conservateurs opposés à la «réforme soviétique» proposée par le président.

Régulièrement, le modèle suisse de santé est montré en exemple dans la presse. Parmi ses défenseurs, le New York Times expliquait lundi que la «menace» est en réalité… suisse. «Or, ce pays est loin d’être un repaire socialiste, pour autant que j’aie pu le constater», affirme l’éditorialiste et économiste de renom Paul Krugman.

Pas d’autocongratulation

Tout cela est très flatteur, n’était que, en Suisse, l’humeur n’est pas à l’autocongratulation. L’explosion des coûts continue, au point que les primes devraient augmenter de… 15% pour 2010.

«Il est urgent de trouver des solutions. Si on continue de prendre de l’argent dans la poche des consommateurs, la situation sera catastrophique pour l’économie, surtout l’année prochaine!» s’est inquiété Otto Ineichen.

Ce dernier a pris la tête d’un groupe de parlementaires proposant des «Mesures urgentes 09» dans l’objectif d’économiser un milliard de francs.

Mardi à Berne, les intervenants ont commenté ce projet qui constitue une réponse aux propositions émises fin mai par le ministre de la Santé Pascal Couchepin. Pour économiser 300 à 400 millions de francs, celui-ci prévoit en effet des mesures – comme une participation de 30 francs aux consultations médicales – qui sont loin de faire l’unanimité.

Plus

Plus

Assurance maladie

Ce contenu a été publié sur Depuis 1996, avec l’entrée en vigueur de la Loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal), chaque habitant de Suisse a l’obligation de souscrire individuellement à une assurance maladie de base couvrant un catalogue déterminé de prestations. La gestion de cette assurance est confiée au secteur privé. L’assuré peut choisir librement son assureur qui a de son…

lire plus Assurance maladie

Appel à la responsabilité

De manière générale, les experts se sont montrés satisfaits de l’orientation générale des deux paquets de propositions «qui font tous deux appel au sens des responsabilités des assurés.»

S’exprimant au nom des assureurs, Claude Ruey (qui est aussi député libéral) a notamment salué les mesures portant sur la fixation des prix des médicaments. Mais il a estimé qu’il est trop tard pour infléchir l’augmentation des primes 2010.

Représentante des consommateurs, Franziska Troesch-Schnyder a approuvé de son côté l’ensemble des mesures du groupe Ineichen, surtout le fait que «les assurés peuvent gérer leurs frais comme ils l’entendent» et que «le rôle du médecin de famille est renforcé.»

Ce débat a offert un avant-goût des discussions qui auront lors de la session d’automne du Parlement fédéral, du 7 au 25 septembre à Berne. Mardi, les services du Parlement ont en effet annoncé que les deux Chambres ont accepté le principe d’une procédure accélérée sur ces propositions.

Le danger du lobby de la santé

De leur côté, les commissions parlementaires sont en train de préparer les débats, qui s’annoncent plus que jamais longs et complexes. Intéressants aussi puisque, avec ses «Mesures urgentes 09», Otto Ineichen a réussi l’exploit de casser les limites partisanes traditionnelles en réunissant onze parlementaires de presque tous les partis. «Il est essentiel de créer une coalition si on veut trouver des compromis et définir une nouvelle voie», explique-t-il.

Quant à la session à venir, certains élus se disent insatisfaits d’une procédure qui ne permet pas d’aborder les différents points de manière suffisamment approfondie. Otto Ineichen, lui, craint surtout le tout-puissant lobby de la santé, qui cherche à préserver ses intérêts économiques.

«Je ne serais pas étonné si les pharmas essayaient de trouver des parlementaires qui déposent motion sur motion dans le but de noyer la discussion et de paralyser les décisions.»

Les problèmes plutôt que les symptômes

D’ici là, les parlementaires feraient bien de consulter les économistes de la santé. Ainsi, lors du Forum Santé Pour Tous, Heinz Locher a mis en garde contre des «modifications insidieuses» des principes de la LAMal, quatorze ans après son entrée en vigueur.

Depuis que les cantons (qui financent les hôpitaux et subventionnent les primes) sont devenus acteurs, le contrat entre prestataires de services et caisses maladie est devenu un «ménage à trois».

D’autre part, la prime unique pour adultes crée un fossé entre jeunes et vieux, car elle porte atteinte au rapport supposé équitable entre risque et coût grâce à la participation collective.

Conclusion de l’expert: «Il est temps que le Parlement élimine tout élément étranger. Pour résoudre le problème, il s’agit de faire place à la prise de responsabilité personnelle et de résister à l’interventionnisme qui n’agit que sur les symptômes.»

Isabelle Eichenberger avec Tim Neville, swissinfo.ch

– Création d’un service de conseil médical téléphonique.

– Maîtrise des offres dans les services hospitaliers ambulatoires.

– Diminution des tarifs en cas d’évolution des prix hors normes.

– Contrat de 2 ans pour les assurances avec franchise élevée.

– Participation de 30 fr. pour les 6 premières consultations.

– Réduction des primes supplémentaire de 200 millions de fr.

– Diminution des prix des médicaments.

– Franchise différenciée (participation de 10% chez le médecin de famille et de 20% en cas de visite directe chez le spécialiste).

– Suppression de réductions de prime inutiles et interdiction de la pub téléphonique des assureurs.

– Participation de 15fr par jour au coût de séjours hospitaliers et suppression des prestations pour l’obtention d’un certificat médical pour l’employeur.

– Suppression des différences tarifaires injustifiables entre cantons.

– Limitation du prix des médicaments.

Créé en 2006, il compte une trentaine de personnalités du monde politique, de la santé et de l’économie opposées à l’étatisation de la santé publique et favorables à la responsabilité individuelle.

Le 18 août, il a organisé à Berne une table ronde intitulée «Réformes de maîtrise des coûts ou effervescence contre-productive avant l’annonce des primes cet automne?»

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision