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Au Conseil de l’Europe, la Suisse a assuré

Une nouvelle ère s'annonce pour les juges de la Cours européenne des droits des l'homme. Keystone

La Suisse s’est distinguée en assumant la présidence tournante du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, comme en témoignent les félicitations exprimées par l’Assemblée parlementaire de Strasbourg. Le bilan de la ministre suisse des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey est positif, malgré quelques échecs.

Six mois représentent une période trop courte pour résoudre tous les problèmes posés sur la table du Conseil de l’Europe. Mais la petite Suisse a réussi à atteindre un grand objectif: sous sa présidence, elle a obtenu le lancement de la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme.

Une restructuration impérative pour un tribunal submergé par des recours, qui fait depuis des années l’objet de discussions, mais qui ne parvient pas à sortir de l’impasse. Or, sortir de cette impasse était l’objectif prioritaire que la Suisse s’était fixé pour sa présidence semestrielle du Comité des Ministres, l’organe exécutif du Conseil de l’Europe.

Berne a su concrétiser cet objectif. Les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, réunis en février dans le cadre d’une conférence ministérielle à Interlaken, ont en effet approuvé à l’unanimité une déclaration et un plan d’action pour l’avenir de la Cour de Strasbourg, où 120’000 recours sont aujourd’hui pendants et où il en arrive 2000 de plus chaque année.

Les Etats membres se sont engagés à une double tâche. La première est de prendre une série de mesures au niveau national pour assurer que la protection des droits fondamentaux soit garantie pour chaque citoyen de l’Etat concerné. Ces mesures devraient entraîner une réduction substantielle des recours qui arrivent à Strasbourg.

La seconde concerne le travail que les Etats devront faire au sein même du Comité des Ministres, afin de permettre une résolution plus rapide de tous les cas de violation des droits humains.

L’Assemblée loue la Suisse

La «Déclaration d’Interlaken» et le plan qui l’accompagne constituent un véritable pas sur le chemin menant à une Cour européenne des droits de l’homme plus efficace. Les mérites de la Suisse ont été reconnus par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) qui a explicitement félicité la Suisse dans une résolution.

Ces félicitations ont été à plusieurs reprises réitérées par le président de l’APCE Mevlüt Cavusoglu. «Nous tenons à féliciter la présidence suisse pour ses efforts visant à rendre la Cour européenne des droits de l’homme plus efficace, efforts qui bénéficient du soutien sans réserve de l’Assemblée», a-t-il notamment déclaré mardi à Strasbourg, devant le Comité des Ministres, à l’occasion du passage de la présidence de la Suisse à la Macédoine.

Invitant tous les organes du Conseil de l’Europe à «travailler de concert» dans la direction tracée par la «Déclaration d’Interlaken», le président de l’APCE a souligné le renforcement du dialogue avec le Comité des Ministres qui s’est opéré sous la présidence suisse, avec la «participation active et directe» de la ministre suisse des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey.

Une expérience gratifiante

En présentant le rapport sur son activité semestrielle, la cheffe de la diplomatie suisse a pour sa part rendu hommage à «l’excellente collaboration» entre les diverses instances, grâce auxquelles «la présidence de la Suisse a été un succès». Parlant d’une «expérience très enrichissante», Micheline Calmy-Rey a exprimé sa satisfaction par rapport aux résultats obtenus à Interlaken, les qualifiant de «point culminant» de la présidence suisse.

«Le bon fonctionnement de la Cour est important pour la sauvegarde des droits humains sur le continent européen», a souligné la ministre.

Autre source de satisfaction durant la présidence suisse: la ratification par la Russie du Protocole 14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, qui introduit un mécanisme de filtrage pour un fonctionnement plus efficace de la Cour de Strasbourg. La Russie était le seul Etat à ne pas l’avoir ratifié, ce qui bloquait le processus de réforme.

Le défi biélorusse

Il n’y a toutefois pas de rose sans épines. Ainsi, malgré ses efforts, la Suisse n’est pas parvenue à atteindre tous ses objectifs. L’échec le plus douloureux concerne la Biélorussie, avec laquelle la présidence suisse a pourtant multiplié les contacts «pour favoriser son rapprochement avec le Conseil de l’Europe», selon les mots de Micheline Calmy-Rey. Cette dernière a rappelé que, dans ce but, elle avait notamment rencontré le président biélorusse Alexander Loukachenko.

Mais les efforts de la Suisse n’ont pas été récompensés. Ainsi, en mars, deux peines de mort ont été exécutées en Biélorussie. «La question de l’abolition de la peine de mort, ou, dans un premier temps, d’un moratoire, reste d’une importance capitale», a affirmé Micheline Calmy-Rey. Celle-ci a exhorté les prochaines présidences à continuer de s’impliquer dans ce sens.

Mais malgré cet échec, la cheffe de la diplomatie suisse reste persuadée qu’il est encore possible de remporter ce combat. «Malgré les grandes difficultés, je reste convaincue que le rapprochement doit continuer pour pouvoir accueillir un jour la Biélorussie dans notre famille paneuropéenne», a-t-elle déclaré.

Une vision partagée par Mevlüt Cavusoglu qui a rappelé que, suite à ces deux exécutions, l’Assemblée parlementaire a suspendu tout contact à haut niveau avec les autorités biélorusses. «Malgré cela, nous avons, à mon avis, par rapport au peuple biélorusse, l’obligation morale d’être plus présents et plus impliqués dans le pays», a conclu le président de l’APCE.

Sonia Fenazzi, swissinfo.ch
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)


Si, globalement, Micheline Calmy-Rey s’est déclarée satisfaite des progrès réalisés durant la présidence suisse, la ministre des Affaires étrangères n’a pas caché que beaucoup restait encore à faire à Strasbourg en faveur du renforcement des institutions démocratiques et des droits humains en Europe.

La Biélorussie n’est pas l’unique pays où des réformes sont nécessaires. Micheline Calmy-Rey a ainsi cité la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie.

Membre de la délégation suisse auprès de l’Assemblée parlementaire de Strasbourg, le député socialiste Andreas Gross est en revanche moins élogieux sur la présidence suisse. Dans une lettre au quotidien Basler Zeitung, il a ainsi affirmé que «la Suisse a sous-évalué la complexité des problèmes en Albanie, en Moldavie et en Bosnie-Herzégovine».

Le parlementaire estime en outre que le gouvernement suisse a «manqué une grande occasion» d’augmenter la sens des responsabilités par rapport au respect des droits humains au sein de la Confédération.

La Suisse a exercé la présidence tournante semestrielle du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe du 18 novembre 2009 au 11 mai 2010.

Berne s’est donné trois priorités pour cette présidence: la garantie du maintien des droits humains et de la prééminence du droit, le renforcement des institutions démocratiques et l’amélioration de la transparence et de l’efficacité du Conseil de l’Europe.

Organe exécutif du Conseil de l’Europe, le Comité des Ministres est composé des ministres des Affaires étrangères des Etats membres.

Fondé en 1949, le Conseil de l’Europe compte pour l’heure 47 membres. La Suisse en fait partie depuis le 6 mai 1963 et dispose d’une représentation permanente à Strasbourg depuis 1968.

Les objectifs du Conseil de l’Europe sont la défense des droits humains, de l’Etat de droit et de la démocratie.

Mis à part le Comité des Ministres, le Conseil de l’Europe est composé de trois autres organes: la Cour européenne des droits de l’homme, l’Assemblée parlementaire et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.

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