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Fiscalité: la Suisse évite provisoirement le pire

EU Finanz Reuters

Les ministres des finances de l’Union européenne (UE) n’ont pas réussi mercredi à s’entendre sur un compromis qui aurait reporté sur Berne la pression, exercée actuellement sur le secret bancaire luxembourgeois et autrichien. Mais le répit sera peut-être de courte durée.

Les ministres des Finances des Vingt-Sept pays de l’UE ont vainement tenté de parvenir à un «accord politique» sur la révision de la directive (loi) européenne sur la fiscalité de l’épargne.

Le Luxembourg et l’Autriche ont obtenu que ce dossier soit intégré dans un «paquet» comprenant également la renégociation d’accords sur la lutte contre la fraude avec la Suisse, le Liechtenstein, Andorre, Saint-Marin et Monaco ainsi que l’adoption d’une nouvelle directive européenne sur la coopération administrative en matière fiscale.

Des conventions préventives

Sous la pression du G20, les sept pays ont accepté d’écorner leur secret bancaire en appliquant les «standards» de l’OCDE relatifs à l’échange d’informations sur demande entre administrations fiscales. Dans ce contexte, ils ont renégocié différentes conventions préventives de la double imposition.

Le Luxembourg et l’Autriche sont toutefois dans l’embarras. La directive européenne sur la fiscalité de l’épargne prévoit en effet qu’ils seront contraints de basculer vers le système de l’échange automatique d’informations – et donc d’abolir leur secret bancaire – lorsque l’Union aura approuvé des accords multilatéraux gravant dans le marbre les engagements limités que Berne, Vaduz, Saint-Marin, Andorre et Monaco ont pris vis-à-vis du G20.

La Commission européenne a déjà négocié un projet d’accord avec le Liechtenstein et réclame des Vingt-Sept l’autorisation d’ouvrir des pourparlers avec les autres pays.

Une balle dans le pied

Pour le grand argentier luxembourgeois, Luc Frieden, l’UE se tirerait une balle dans le pied en généralisant l’application du système de l’échange automatique d’informations sur son territoire, alors que d’autres places financières pourraient se contenter d’appliquer les normes, moins sévères, de l’OCDE sur l’échange d’informations fiscales sur demande. «Cela ne peut pas servir l’Union si on encourage la délocalisation des capitaux vers d’autres pays ou continents», a argumenté le ministre mercredi, en réclamant «que chacun soit logé à la même enseigne», au moins en Europe.

Bref, le Luxembourg est d’accord d’étendre le champ d’application de la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne à de nouveaux revenus (provenant, notamment, de certains contrats d’assurance vie) et d’appliquer les standards de l’OCDE, mais pas d’abolir son secret bancaire si la Suisse n’est pas, elle aussi, contrainte de le faire.

Ces arguments ont visiblement séduit la présidence suédoise de l’Union, qui a proposé mercredi un compromis qui aurait reporté sur la Suisse la pression que subissent aujourd’hui le Luxembourg et l’Autriche.

Dans l’œil du cyclone

Dans une déclaration, il aurait en effet été stipulé – et, partant, justifié – que Luxembourg et Vienne ne ratifieront pas les accords antifraude avec la Suisse, le Liechtenstein, Andorre, Saint-Marin et Monaco avant que ces cinq pays acceptent d’abolir leur secret bancaire, dans le cadre de la révision de la réglementation européenne sur la fiscalité de l’épargne.

Mercredi, relève un diplomate, la France et la Grande-Bretagne ont «réclamé du temps» pour examiner cette proposition qui, redoutent-elles, risque de retarder la mise à mort du secret bancaire dans l’Union – pour la Suisse, en effet, il n’est pas question de le supprimer.

Face à ce blocage, dont le Luxembourg refuse d’endosser la responsabilité, les ministres des Finances des Vingt-Sept ont décidé de renvoyer à 2010, quand l’Espagne prendra la présidence tournante de l’UE, l’examen de l’ensemble de ces dossiers.

La Suisse pourrait rapidement se retrouver dans l’oeil du cyclone: «Formellement, on n’a pas constaté de désaccord» sur le compromis, insiste un responsable français. «Seulement une absence d’accord, pour le moment.»

Tanguy Verhoosel à Bruxelles, swissinfo.ch

Mis sous pression par les poids lourds du G20 en avril 2009, de nombreux pays, dont la Suisse et le Luxembourg, ont accepté d’écorner leur secret bancaire.

Ils se sont engagé à appliquer les «standards de l’OCDE» en matière d’échange, sur demande, d’informations bancaires entre administrations fiscales.

Ces Etats ont accepté dans ce cadre d’adapter les conventions de prévention de la double imposition qui les lient à une multitude de pays.

La Suisse est sortie de la liste grise des mauvais élèves en rémission de l’OCDE le 25 septembre dernier après la signature de 12 conventions élargies de double imposition.

Les Etats de l’Union européenne pratiquent l’échange automatique d’information sur les revenus de l’épargne des non résidents (directive sur la fiscalité de l’épargne, 2005).

Le Luxembourg, l’Autriche et la Belgique bénéficient toutefois d’un régime particulier dans l’UE.

A l’instar des places financières européennes hors UE – Suisse, Saint-Marin, Monaco, Andorre, Liechtenstein notamment – ils se contentent de taxer à la source les intérêts tirés de l’épargne placée chez eux.

La directive de 2005 prévoit cependant qu’une fois que des accords d’échange d’information seront conclus avec les places financières européennes hors UE et qu’un niveau de coopération satisfaisant sera atteint avec les Etats-Unis, l’Autriche, le Luxembourg et la Belgique devront abandonner leur secret bancaire.

L’accord anti-fraude avec le Liechtenstein constituerait un pas dans cette direction.

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