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L’incertitude politique règne en Grande-Bretagne

Personne ne peut encore dire qui franchira la porte du fameux 10 Downing Street. Keystone

Le parti conservateur a remporté les élections législatives au Royaume-Uni. Il n’est cependant pas parvenu à obtenir la majorité absolue. Du coup, la clef pour former un nouveau gouvernement est dans les mains du petit parti des libéraux-démocrates.

«Le pays a parlé mais nous ne savons pas ce qu’il a dit», a résumé Paddy Ashdown, l’ancien dirigeant des Lib-Dems.

Placé en position d’arbitre malgré un score très inférieur à ce que lui promettaient les sondages, l’actuel patron du centre-gauche, Nick Clegg, a quant à lui souhaité vendredi que la formation qui a obtenu le plus de voix, en l’occurrence le Parti conservateur, soit prioritaire pour tenter de former un gouvernement.

Selon le décompte final, 306 sièges vont aux Tories de David Cameron, 258 au Labour de Gordon Brown, 57 aux Lib-Dems de Nick Clegg et 28 à des petits partis, dont le Parti vert, qui obtient sa première élue, selon la BBC. Or pour former un gouvernement majoritaire, il faut tenir au moins 326 des 650 sièges que compte la chambre basse.

Pour David Cameron, c’est surtout le Labour, au pouvoir depuis 13 ans, qui a perdu. «Notre pays veut du changement et ce changement va nécessiter une nouvelle direction», a-t-il lancé vendredi.

Des libéraux-démocrates courtisés

Mais Gordon Brown, qui a succédé à Tony Blair en 2007, s’est empressé de tendre la main aux libéraux-démocrates afin «que la Grande-Bretagne ait un gouvernement fort et stable». Etant donné les résultats, le Labour et les Lib-Dems ont le «devoir moral» de négocier un accord de coalition, a jugé le ministre des Affaires étrangères David Miliband. Ensuite, «il doit y avoir une réforme électorale», comme le demandent les libéraux démocrates, pour éviter ce genre de situation, a estimé son collègue du Commerce Peter Mandelson.

Le leader des conservateurs David Cameron a quant à lui annoncé qu’il était prêt à offrir un accord de partage du pouvoir aux libéraux-démocrates. «Je veux faire une offre large, ouverte et globale aux libéraux démocrates. Je veux que nous travaillions ensemble pour résoudre les problèmes importants et urgents de notre pays», a déclaré le chef des Tories lors d’une conférence de presse à Londres.

Quant à Nick Clegg, il réfléchit avant de choisir son camp. «Je ne crois pas qu’il faille se précipiter de faire des revendications ou prendre des décisions qui ne passeront pas l’épreuve du temps», a-t-il déclaré à ses partisans réunis à Sheffield. «Il vaudrait mieux que chacun prenne son temps pour que les gens aient le bon gouvernement qu’ils demandent.»

Dans la situation d’un «Parlement suspendu» (sans majorité nette), l’usage veut que la reine Elizabeth II offre au Premier ministre sortant la première chance de former un gouvernement. Gordon Brown dispose maintenant de plus d’une semaine pour conclure un accord de coalition.

Plusieurs hypothèses

Le Premier ministre, qui enregistre le plus mauvais score du Labour depuis 1987, pourrait s’allier avec les Lib-Dems, mais Nick Clegg exigerait alors probablement son remplacement par un autre travailliste ainsi qu’un référendum sur le passage à la proportionnelle aux législatives.

Autre hypothèse: Gordon Brown démissionne, David Cameron forme un gouvernement minoritaire et sollicite le soutien des libéraux démocrates et de petits partis pour faire approuver un budget d’urgence destiné à réduire le déficit du pays. Il convoquerait probablement des élections anticipées dans un an pour obtenir une majorité claire.

Enfin, David Cameron pourrait former un gouvernement minoritaire sans réussir à faire approuver son programme, ou un pacte avec un autre parti pourrait devenir caduque, et de nouvelles élections devraient être organisées rapidement.

Le changement plébiscité

Dans ces commentaires, la presse suisse souligne le fait que les Britanniques ont voulu un changement. Mais un changement prudent, comme le souligne par exemple Le Temps. «Les Britanniques ont voté pour le changement. Mais ils l’ont fait avec une audace prudente. Ils ne semblent tout d’abord pas avoir voulu confirmer l’impressionnante percée des libéraux-démocrates durant la campagne électorale», lit-on sur l’édition en ligne du grand quotidien romand.

L’idée du changement, cela signifie aussi le désaveux du gouvernement de Gordon Brown. Certes pour la plupart de commentateurs, vu les résultats serrés de vendredi, tout reste ouvert. Mais, dans l’ensemble, les analystes jugent qu’il sera difficile pour le Premier ministre actuel de remonter la pente.

«Connu pour être un combattant acharné, Gordon Brown devra discuter avec les plus petits des partis pour rester en fonction. Mais cette entreprise est presque sans espoir», conclut par exemple la Neue Zürcher Zeitung.

swissinfo.ch et les agences

Conservateurs: 306 sièges
Travaillistes: 258 sièges
Libéraux-démocrates: 57 sièges
Divers: 28

Seuls 649 des 650 sièges étaient en jeu, le scrutin dans une circonscription ayant été repoussé au 27 mai après le décès d’un candidat.

En pleine crise grecque et vu la nervosité des places financières, l’incertitude qui plane sur la composition du gouvernement d’une des grandes puissances économiques de la planète risque de peser sur les marchés.

L’index des valeurs boursières FTSE 100 a chuté de 1,3% vendredi matin tandis que la livre sterling s’échangeait à 1,45 dollar, contre 1,51 dollar moins de 24 heures avant.

Le scrutin de jeudi a été marqué par une forte participation, de 65,2% des inscrits, contre 61,4% en 2005.

Le succès a été tel que certains bureaux ont fermé alors que des électeurs faisaient encore la queue pour voter, notamment à Londres, Sheffield et Newcastle, où les résultats pourraient être contestés.

Dans la capitale, la police est intervenue pour disperser le sit-in d’une cinquantaine d’électeurs frustrés devant leur bureau de vote. A Sheffield, d’autres citoyens privés de vote ont tenté d’empêcher le départ des urnes.

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