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La loi sur le CO2, ou l’art, difficile, du compromis

Les émissions de CO2 restent un problème important pour l'environnement. Keystone

Le Parlement suisse a approuvé une nouvelle loi sur le CO2 qui prévoit une réduction de 20% des émissions nocives d’ici 2020. Il a renoncé à une taxe CO2 sur les carburants. Les milieux économiques devraient renoncer au référendum.

La nouvelle loi sert de contre-projet à l’initiative populaire «Pour un climat sain», déposée par des organisations environnementales. Ce texte exige une réduction de 30% des niveaux de dioxyde de carbone (CO2) d’ici 2020, par rapport au niveau de 1990.

 

Concrètement, avec la nouvelle loi, la Suisse devra, jusqu’en 2020, émettre 10,5 millions de tonnes de CO2 de moins qu’en 1990. L’économie devra réduire ses émissions de 800’000 tonnes. La mise sur le marché de nouveaux modèles de voitures et l’assainissement des infrastructures routières devraient également permettre de diminuer les émissions nocives. Le gouvernement aura en outre la possibilité d’augmenter l’actuelle taxe sur les combustibles, dont le montant est de 36 francs par tonne, à 120 francs si les objectifs intermédiaires ne sont pas réalisés.

Autres mesures inscrites dans le compromis adopté par les Chambres fédérales: au moins la moitié des émissions de CO2 des centrales à gaz devront être compensées en Suisse, tandis que le reste pourra faire l’objet d’une compensation à l’étranger par le biais de crédits de carbone.

Le vote final aura lieu ce vendredi, dernier jour de la session d’hiver. Les associations économiques restent sceptiques sur la nouvelle loi, mais il est désormais très peu probable qu’elles lancent un référendum contre la révision.

Conséquences de la loi

C’est ce qu’indique Dominique Reber, porte-parole d’economiesuisse, sous réserve de la décision définitive qui devrait être prise avant ce week-end. «La probabilité du référendum a considérablement diminué avec la décision de maintenir deux éléments-clés de l’ancienne loi», explique-t-il, interrogé par swissinfo.ch.

Le premier de ces éléments est la possibilité laissée à l’industrie d’acheter des crédits de carbone sur les marchés internationaux pour compenser leurs émissions de CO2. La seconde prévoit l’exemption de la taxe sur le CO2 pour les PME s’efforçant, sur une base volontaire, de réduire leurs émissions nocives. «Ces mesures garantissent la compétitivité de l’économie suisse en comparaison internationale», précise Dominique Reber.

«Il nous importe de souligner qu’il ne s’agit pas d’un débat émotionnel, mais d’une discussion sur les conséquences de la nouvelle loi, poursuit le porte-parole. Nous allons calculer ce que le nouveau texte de loi coûtera à l’économie, en comparaison avec l’ancienne loi et mettrons ces chiffres en regard avec les avantages escomptés, car il y en a, c’est clair. Si le résultat est positif, nous ne lancerons pas le référendum contre la révision.»

Un compromis «typique»

Henrique Schneider, spécialiste en politique économique de l’Union suisse des arts et métiers (USAM), rappelle que son association n’était pas favorable à la révision. «Même si nous sommes, sur le fond, opposés à une nouvelle loi sur le CO2, qui aura, selon nous, diverses conséquences négatives pour toute l’économie, nous reconnaissons que des concessions ont été faites en faveur des PME. Nous acceptons donc la révision, même sans enthousiasme».

Du côté des organisations gouvernementales, on considère le résultat des délibérations parlementaires comme le fruit d’un «compromis typiquement suisse». «Le renoncement à une taxe sur les carburants a été décidé pour éviter le référendum contre la loi, explique Patrick Hofstetter, du WWF. Or un référendum aurait mis tout le nouvel édifice légal en danger».

Le WWF estime qu’il est effectivement possible de réduire les émissions de CO2 de 20% sans taxe sur les carburants. «De plus, ajoute Patrick Hofstetter, le gouvernement a de toute façon déjà prévu d’augmenter la taxe actuelle pour financer les infrastructures. Il y a donc un mécanisme, hors de la loi sur le CO2, qui aura pour effet d’augmenter le prix de l’essence.» Le comité d’initiative décidera en février s’il retire ou non son initiative populaire.

Une prolongation aurait suffi

La révision, qui a prix quatre ans de travaux, révèle en outre la volonté politique de la Suisse d’augmenter ses efforts pour combattre les changements climatiques. «Dans un monde idéal, il aurait suffi de prolonger la loi en vigueur», estime Henrique Schneider, de l’USAM.

Patrick Hofstetter salue de son côté la possibilité, nouvelle, octroyée au gouvernement de mettre en œuvre certaines mesures sans passer par le Parlement. «En décidant de sortir du nucléaire, le gouvernement a montré qu’il était sérieux dans sa volonté de lutter contre les changements climatiques, estime l’interlocuteur du WWF. Je pense qu’il proposera un plan raisonnable pour la mise en œuvre de la nouvelle loi». Patrick Hofstetter précise que le Parlement nouvellement élu (fin octobre) est «légèrement plus écologique» que le précédent.

«La révision ne correspond pas à 100% à nos exigences, mais elle est nettement plus ambitieuse que ce qui était proposé par le gouvernement il y a deux ans. Ce sont donc les Chambres fédérales qui sont allées de l’avant. Ce n’est pas suffisant, mais c’est un bon signe», conclut Patrick Hofstetter.

Signataire du Protocole de Kyoto, la Suisse s’est engagée en 1997 à réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

La première phase prévoyait une réduction de 10% du CO2 jusqu’en 2010, par rapport au niveau de 1990.

En 2007, des organisations écologiques ont lancé une initiative populaire intitulée «Pour un climat sain». Elle exige d’inscrire dans la Constitution fédérale une réduction de 30% des émissions de CO2 d’ici 2020.

Le gouvernement a proposé de réviser la loi sur le CO2 en tant que contre-projet à l’initiative. Il fixe à 20% l’objectif de réduction, en partie grâce à la taxe sur le CO2, en partie grâce au systèmes des crédits de carbone pour compenser les émissions à l’étranger.

Le Parlement fédéral a approuvé l’objectif de 20% – qui est le même que celui de l’Union européenne. Dans un premier temps, il était prévu de réduire les émissions nocives en Suisse uniquement. Finalement, le compromis prévoit des mesures compensatoires à l’étranger également. D’un autre côté, le projet de taxe CO2 sur les carburants a été abandonné.

(Traduction de l’anglais: Ariane Gigon)

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