La Suisse s’engage pour le démantèlement nucléaire
Des milliers d'armes nucléaires circulent dans le monde, dangereusement disponibles. Il faut éviter qu'elles puissent être activées facilement. C'est ce que demandent la Suisse, le Chili, la Malaisie et la Suède et la Nouvelle-Zélande.
Les six pays ont présenté la semaine dernière un projet de nouvelle résolution à l’Assemblée générale de l’ONU. Ils n’en sont pas à leur coup d’essai.
En 2007, le Chili, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, le Nigeria, la Suède et la Suisse avaient déjà déposé un projet de résolution. Avec succès: 139 Etats l’avaient soutenu et 36 s’étaient abstenus. Les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne s’y étaient opposés.
Les six pays tentent de gagner d’autres Etats à leur cause. Les discussions sont au cours au sein la commission compétente.
Selon l’ambassadeur Jürg Streuli, représentant permanent de la Suisse à la Conférence sur le désarmement à Genève, l’engagement suisse dans ce domaine est un «volet important de la politique de sécurité de notre pays».
Un monde sans armes nucléaires
«Notre objectif, notre vision, est un monde sans armes nucléaires. Au plus fort de la guerre froide, on a compté jusqu’à 60’000 explosifs nucléaires. Aujourd’hui, il y en a encore 27’000», détaille-t-il.
Malgré ce succès, il ne faut pas abandonner les efforts. On ne progresse que par petits pas, selon le diplomate.
La résolution des six Etats partenaires va dans cette direction. Elle propose plusieurs mesures pour entraver l’activation des missiles nucléaires. «Des temps de réaction plus longs augmenteraient quelque peu la sécurité dans le monde», note Jürg Streuli. Des erreurs ou des pannes peuvent avoir des conséquences catastrophiques.
Les discussions sur le désarmement au sein de l’ONU n’ont pas apporté beaucoup de résultats ces dernières années. La Suisse espère que cette nouvelle résolution suscitera une nouvelle prise de conscience chez les politiciens et dans l’opinion.
Traité à ratifier
«Si les Etats qui possèdent des armes nucléaires rendaient l’activation de ces armes plus difficile et plus lente, ils enverraient un signal fort dans la bonne direction», poursuit Jürg Streuli.
Le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires est un des textes importants de la lutte contre les armes nucléaires. Il n’est certes pas encore en vigueur, car un nombre insuffisant d’Etats l’ont ratifié jusqu’ici. Les Etats-Unis ne l’ont pas encore fait, par exemple.
L’accord le plus important est le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, ratifié par tous les Etats sauf l’Inde, Israël et le Pakistan. Quant au retrait de la Corée du Nord, annoncé avec fracas, il n’a en fait jamais été accepté officiellement, confie Jürg Streuli.
Le Traité prévoit trois axes d’action: le démantèlement des armes nucléaires, la non prolifération de ces armes et l’accès à une utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. En raison des événements en Corée du Nord et en Iran, c’est surtout le deuxième volet qui a mobilisé les discussions.
Critiques contre le traité
Le traité est souvent remis en question et critiqué pour son déséquilibre. Le diplomate suisse a une certaine compréhension pour ces reproches, mais se dit convaincu qu’il n’y a aucune autre voie. «Nous devons renforcer cet accord et le maintenir en vie.»
Selon Jürg Streuli, le traité, en vigueur depuis 1970, est même à considérer comme un succès. Un seul Etat est contrevenu aux principes qu’il contient, la Corée du Nord, avec le test mené en octobre 2006.
Quant à l’Iran, l’expert renvoie à la position officielle suisse: une solution ne sera possible que par le dialogue politique, dit-il.
Objectif: prochaine conférence
Toute tentative de désarmement nucléaire doit être saluée. «Nous sommes tous concernés par une éventuelle explosion nucléaire, rappelle Jürg Streuli. Nous avons donc tous la légitimité d’entreprendre quelque chose.» Pour réussir, la Suisse a besoin de partenaires.
La prochaine grande conférence d’examen du traité aura lieu en 2010. «Ce sera une rencontre très difficile, prévoit le diplomate. Pour stopper la prolifération, il faut absolument un signe clair des Etats possédant l’arme nucléaire, donc un pas volontaire en direction du démantèlement.»
La résolution déposée par la Suisse et ses partenaires doit aussi être comprise comme une étape de préparation du rendez-vous de 2010.
Peu de progrès en dix ans
A Genève, où la Conférence du désarmement, l’organe de négociation de l’ONU dans ce domaine, a son siège, aucun progrès significatif n’a pu être fait depuis dix ans. La Suisse tente notamment de lancer des négociations qui aboutiraient à un Traité sur l’interdiction de la production de matières fissiles (FMCT).
La Russie et les Etats-Unis sont aujourd’hui prêts à entrer en matière sur le principe. Le Pakistan y est opposé, l’Inde plutôt favorable. La position chinoise n’est pas claire.
Autre projet, celui de la Russie et de la Chine de démilitariser l’espace. Les Etats-Unis, qui ont une grande avance technologique dans ce domaine, sont opposés à des discussions dans ce domaine.
swissinfo, Rita Emch à New York
(Traduction de l’allemand: Ariane Gigon)
Les temps de réaction très brefs rendus aujourd’hui possibles par la technologie font que des armes nucléaires pourraient se déclencher ou être déclenchés lors de fausses manipulations, de lacunes techniques, de pannes ou de malentendus.
On ne peut pas non plus exclure que des systèmes informatiques soient détournés par des pirates informatiques dans le but d’activer des armes nucléaires ou de donner l’impression qu’une arme nucléaire a été activée.
Plusieurs possibilités existent pour réduire ces risques et diminuer les temps de réaction: on peut par exemple séparer le stockage des ogives explosives de celui des projectiles, conserver les ogives dans des silos fermés par des couvercles en béton ou encore élaborer des programmes informatiques qui retardent le déclenchement des fusées.
Les cinq pays qui ont droit de veto au sein du Conseil de sécurité possèdent des armes nucléaires, il s’agit des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine, du Royaume-Uni et de la France.
L’Inde, Israël, le Pakistan et la Corée du Nord en possèdent également.
La Corée du Nord a testé une tête explosive. L’Iran est soupçonné d’avoir des plans pour des armes nucléaires.
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