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Un refus triple et massif

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Les trois objets soumis au vote dimanche ont été très clairement rejetés. L’initiative sur les traités internationaux et la loi visant l’établissement d’un réseau de soins ont été refusées par les trois quarts des citoyens. L’initiative pour l’épargne-logement s’en sort légèrement mieux. A noter qu’aucun canton n’a accepté un objet.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les votations de ce dimanche 17 juin présentent un résultat sans aucune ambiguïté. Le refus du peuple est on ne peut plus franc et massif. Pourtant soutenue par le gouvernement et approuvée par le Parlement, la révision de la Loi sur l’assurance maladie enregistre le plus mauvais score. Elle a été refusée par 76 % des votants et à l’unanimité des cantons.

Cette révision visait à généraliser dans l’ensemble du pays le système de réseaux de santé («managed care»). Ces réseaux sont formés de professionnels de la santé qui concluent entre eux un contrat de collaboration dans le but d’offrir des traitements coordonnés sur tout le parcours thérapeutique des patients. Son objectif est de freiner l’augmentation des coûts en évitant analyses et consultations médicales superflues. L’assuré doit en effet toujours passer par son médecin de famille avant d’être orienté vers un spécialiste.

Ces réseaux existent aujourd’hui déjà, mais sont facultatifs. Les assurés qui y participent bénéficient d’un allègement de leur prime d’assurance. La révision soumise au peuple aurait fait de ces réseaux le modèle de référence. Les assurés ne voulant pas y adhérer auraient vu leurs primes augmenter.

Durant la campagne, les opposants à la révision ont estimé que la généralisation de ce système entraînerait la perte du libre choix du médecin et qu’il pourrait à terme ouvrir la voie à un rationnement des soins. De toute évidence, ces arguments ont fait mouche parmi les assurés-citoyens.

Partisans dans l’expectative

Devant le refus du «managed care», les avis divergent au sein du comité ayant milité pour le «oui» sur la suite à donner à ce dossier. Le député libéral-radical Ignazio Cassis veut prendre le temps de la réflexion, alors que le député socialiste Jean-François Steiert souhaite remettre l’ouvrage sur le métier au plus vite.

«Ce n’est pas une surprise, nous nous attendions à ce refus depuis le deuxième sondage de l’institut gfs.bern et l’émotion rencontrée sur le terrain», a notamment déclaré Ignazio Cassis. La première question qui s’impose, c’est de savoir s’il faut encore faire quelque chose, lance le député, soulignant qu’il s’agit là d’une réflexion personnelle et non de la position de son parti. «Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur l’assurance maladie en 1994, toute tentative de changement est tombée devant le peuple, il faut avoir le courage de se poser cette question», ajoute-t-il.

Jean-François Steiert veut au contraire repartir au combat. Les réseaux de soins se développent de toute façon, assure-t-il. «Il va falloir prendre des mesures afin de garantir l’indépendance par rapport aux assureurs et la qualité des réseaux».

Parmi les opposants, c’est naturellement la satisfaction qui prévaut à l’issue du scrutin. Ainsi pour Jacques de Haller, membre du comité contre la loi sur le «managed care» et président sortant de la Fédération des médecins suisses, la population a rejeté le projet par crainte de voir la qualité des soins diminuer. Pour freiner les coûts de la santé, il estime que les cantons doivent participer aux frais de la médecine ambulatoire.

«Nous avons perdu une occasion de freiner l’augmentation des coûts de la santé», a quant à lui jugé le ministre de la Santé Alain Berset. Pour lui, ce refus ne sonne pas le glas des soins intégrés. Mais il appartiendra désormais aux praticiens de convaincre les patients des avantages qualitatifs des réseaux. «On ne pourra pas faire non plus comme si rien ne s’était passé; chacun devra être placé devant ses responsabilités», a-t-il ajouté.

Pour endiguer l’augmentation des coûts de la santé, nombre de projets et d’idées ont été lancées ces derniers temps. Il faudra maintenant en débattre sereinement, aucun ne semblant réunir une majorité, a signalé le ministre de la santé. La question du moratoire sur l’ouverture de nouveaux cabinets médicaux va être au cœur des débats, d’après lui.

Pas une surprise

Le verdict est également sans appel pour l’initiative «Accords internationaux: la parole au peuple!». Ce projet lancé par l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) a été refusé par 75,2% des citoyens et à l’unanimité des cantons. Cette initiative demandait l’obligation de soumettre au vote populaire la ratification par la Suisse de chaque traité international important, impliquant de nouvelles dépenses pour plus d’un milliard de francs ou de nouvelles dépenses récurrentes de plus de 100 millions.

L’issue du vote n’est pas vraiment une surprise dans la mesure où l’initiative était rejetée tant par le gouvernement que par la plupart des partis politiques. En fait, seule la droite conservatrice y avait ouvertement apporté son soutien.

Pour les opposants, l’acceptation de l’initiative aurait provoqué une multiplication des votations, y compris sur des textes incontestés, et aurait affaibli la position de la Suisse dans les négociations internationales. Ces derniers ont donc convaincu la majorité de l’électorat. Economiesuisse, l’organisation faîtière de l’économie, qui s’est fortement engagée contre l’initiative, a salué le net rejet de ce texte. «Il allait beaucoup trop loin et le système actuel fonctionne très bien», a commenté son directeur Pascal Gentinetta.

Pour sa part, Simonetta Sommaruga s’est montrée soulagée du refus sans appel de l’initiative. «Nous constatons que le peuple a une grande confiance dans la démocratie directe actuelle», a dit la ministre de la justice

Du côté, des partisans le résultat du vote ne constitue pas vraiment une surprise. L’ASIN n’a pas réussi à convaincre ses propres membres de voter en faveur de l’initiative, a reconnu son président Pirmin Schwander.

Deuxième refus en trois mois

L’autre initiative populaire soumise au peuple dimanche («Accéder à la propriété grâce à l’épargne-logement») a également été refusée, mais avec un score légèrement moins sévère: par 68,9% des citoyens et à l’unanimité des cantons.

Lancé par l’Association suisse des propriétaires fonciers, le texte proposait la déduction du revenu imposable d’épargnes destinées à l’acquisition d’un premier logement, jusqu’à un maximum de 10’000 francs par an et par personne pendant dix ans. En outre, le capital cumulé et les intérêts n’auraient pas été taxés.

Là aussi, le résultat n’étonne pas. En mars dernier, une autre initiative allant dans le même sens avait en effet déjà été refusée.

Les partisans du projet, principalement l’Union démocratique du centre et le Parti libéral-radical, estimaient que les déductions fiscales constituent un instrument pour augmenter le taux de propriétaires de résidences principales, très bas en Suisse. Par contre, les opposants voyaient dans ces mesures un cadeau fiscal aux riches, car la classe des moyens à bas salaires ne parvient de toute façon pas à épargner. Selon eux, ces déductions auraient en outre eu des conséquences négatives sur les finances publiques.

Le rejet de l’initiative est salué par l’Association suisse des locataires (Asloca). Il montre que le peuple «ne souhaite pas accorder davantage de privilèges aux propriétaires aisés». Le directeur de l’Association suisse des propriétaires, Ansgar Gmür, a pour sa part indiqué être surpris par l’ampleur du rejet. «Notre initiative était un cadeau aux locataires, mais ils l’ont rejetée. La propriété restera un rêve inaccessible pour beaucoup», déplore-t-il.

Le rejet de l’initiative a réjoui la ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf. Selon elle, il montre qu’il n’est pas nécessaire de prendre d’autres mesures fiscales pour encourager l’accession à la propriété.

Réseaux de soins: 76% de non, 24% de oui, tous les cantons opposés

Traités internationaux: 75,2% de non, 24,8% de oui, tous les cantons opposés

Epargne-logement: 68,9% de non, 31,1% de oui, tous les cantons opposés

Taux de participation: 38,5%

Le refus massif du projet de réseaux de soins est une gifle pour le gouvernement et le Parlement.

Les objets portés par les autorités du pays échouent rarement dans une proportion supérieure à 72%. On ne recense que 11 cas depuis 1882.

Au cours des 60 dernières années, le rejet le plus massif d’un projet du Parlement concerne l’arrêté fédéral sur la construction d’abris antiaériens dans les bâtiments existants. Le 5 octobre 1952, l’objet avait presque fait l’unanimité contre lui avec 84,5% de non.

Source: ATS

Lors de la consultation de dimanche, des tests de vote électronique ont à nouveau été menés dans 12 cantons.

Contrairement au vote du 11 mars où un problème avait été enregistré sur la plateforme genevoise, le scrutin s’est déroulé cette fois sans accroc, selon la Chancellerie fédérale.

Des quelque 150’000 électeurs autorisés à voter par voie électronique (2,9% de l’électorat suisse), 17’788 ont fait usage de cette possibilité. Ces tests concernent aussi bien des électeurs de l’intérieur que les Suisses établis à l’étranger.

Le vote électronique est l’une des revendications principales de l’Organisation des Suisses de l’étranger. Celle-ci a lancé une pétition afin que le recours à cette technologie se généralise à l’occasion des élections fédérales 2015, tant sur le territoire national qu’à l’étranger.

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