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Pour éviter un fossé entre les lycées et les unis

Entre lycées et hautes études, des relations de plus en plus ténues. Keystone

Les jeunes sont-ils bien aiguillés entre le collège et l'université ou l'EPF, et bien armés pour y étudier? Pas complètement, selon deux nouveaux rapports. L'information est le maître-mot.

Succès au lycée et succès à l’université sont intimement liés et le passage de l’un à l’autre pourrait être mieux jalonné: c’est ce que montrent deux études, indépendantes l’une de l’autre, publiées mardi et jeudi à Zurich.

Réalisée par l’Ecole polytechnique fédérale (EPF) de Zurich, la première analyse a passé au crible les notes de maturité et d’examen de première année de 5200 étudiants à l’EPF. Il en ressort que les premières conditionnent les secondes, «et qu’il vaut donc la peine de se donner un coup de collier pour l’examen de maturité», comme l’a relevé le professeur de physique Hans-Rudolf Ott.

Autre résultat, plus surprenant: les latinistes et les hellénistes s’en sortent très bien en polytechnique, «car ils apprennent à mettre les choses en corrélation», a expliqué la rectrice, Heidi Wunderli-Allenspach.

Martine Walzer Palomo, directrice adjointe du Lycée Blaise-Cendrars de La Chaux-de-Fonds, hausse les épaules: «Avec trois ou cinq latinistes par année, il est absolument impossible de tirer des conclusions statistiques sur le succès des uns et des autres», relève-t-elle.

Commencer le plus vite possible

Si le choix des branches au collège n’a donc pas une «importance décisive», leur influence n’est pas nulle non plus, précise l’EPF de Zurich. Les bacheliers en physique et mathématiques appliquées réussissent également bien l’examen de première année.

Les bacheliers en économie s’en sortent le moins bien, mais au-dessus de la moyenne de 4 quand même. Les jeunes qui commencent leurs études tout de suite après le «bac» réussissent aussi, tendanciellement, mieux.

«Il n’y a pas besoin d’instaurer d’examen d’entrée, même si nous aimons accueillir les meilleurs, a encore insisté la rectrice. La maturité, qu’obtiennent 23% des jeunes en Suisse, est déjà un très bon système de sélection.»

Prise en charge anticipée

Mais le passage de l’un à l’autre ne se fait pas toujours sans douleur. C’est pourquoi l’EPF de Zurich a instauré, il y a quatre ans, sous forme de projet pilote, un système de guidage et d’information des bacheliers, avec interview, lettre de motivation et conseils préalables, pour ceux qui se destinent à la construction des machines et à la physique.

«Je n’ai pas vu un seul jeune qui avait moins de 5 au bac», a indiqué Hans-Rudolf Ott, professeur de physique, pour montrer que les étudiants choisissant l’EPF sont déjà dans le haut du panier. Ce système de conseils, qui avait aussi suscité la crainte des étudiants qui y ont vu un possible test d’entrée déguisé, devrait être étendu aux autres disciplines.

Concurrence entre lycées?

Heidi Wunderli-Allenspach a en outre plaidé pour que les lycées ne se lancent pas dans une spécialisation outrancière. En revanche «l’invitation leur est faite de se doter d’un profil clair».

Appel à la concurrence? De l’aveu de la biopharmarcienne, une certaine nervosité régnait en tout cas en Suisse alémanique avant la publication de l’étude.

Et après aussi: la direction de l’EPF ne semblant pas unie sur la nécessité de faire un classement, certains éléments de l’étude permettait de classer les «meilleurs» collèges, mais sans véritable «hit-parade». Un hit-parade qui s’est quand même retrouvé imprimé dans certains médias… suscitant un nouveau flot de réactions.

Préparation au nouveau monde

Quant à la préparation au saut dans les études, le maître-mot est «information». Taille des amphithéâtres, rythme et quantité de travail – «puissance 10», selon Hans-Rudolf Ott: il vaut mieux être prévenu.

En Suisse romande, plusieurs hautes écoles se sont dotées de «filets de sécurité», comme les nomme Martine Walzer Palomo: l’EPFL organise un cours intensif de maths pour les bacheliers qui auraient suivi maths 1 et qui se destinent par exemple aux sciences de la vie ou du développement durable et qui auraient eu besoin de maths 2. L’Université de Neuchâtel améliore les compétences d’écriture des nouveaux-venus avec un cours intitulé «écrire-comprendre-convaincre.»

Dialogue

Garantir une continuité entre le baccalauréat et la suite des études est aussi la préoccupation des auteurs de l’autre étude publiée cette semaine, qui formule une liste de recommandations pour améliorer le dialogue entre collèges et hautes écoles sur la base d’une analyse menée dans le canton de Zurich.

«Il n’y a pas de malaise, mais nous nous éloignons, a regretté le recteur de l’Université de Zurich Andreas Fischer. De moins en moins d’experts de la maturité sont des universitaires, de moins en moins de professeurs du lycée sont aussi enseignants à l’université: les attentes des uns et des autres ne correspondent plus.»

Globalement, les élèves sont bien préparés, relève l’étude, et la nouvelle maturité a fait ses preuves. Mais des points peuvent être améliorés, notamment les compétences transdisciplinaires, la compréhension approfondie des textes et l’encouragement à l’esprit critique.

Martine Walzer Palomo craint de son côté, «un problème de nivellement. Avec la dernière réforme, la maturité compte désormais 14 branches de même poids, ce qui rend difficile la pose d’accents spécifiques.»

Autre problème, selon la vice-directrice: «Les élèves un peu calculateurs peuvent décider de viser un 5 en géo plutôt que dans une branche astreignante sur la durée. Nous sommes très inquiets de cette évolution. Heureusement, les options spécifiques permettent de donner une coloration aux études.» En attendant la prochaine réforme…

swissinfo, Ariane Gigon, Zurich

En Suisse, quelque 23% des jeunes obtiennent une maturité (baccalauréat). Ils sont quelque 40% en Allemagne et environ 70% en France.

Les taux de maturité varient d’un canton à l’autre. Ainsi, en 2007, selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, 28,8% des jeunes ont obtenu un diplôme gymnasial à Bâle-Campagne contre 13,6% dans le canton de Saint-Gall.

La nouvelle loi fédérale sur la maturité (règlement de reconnaissance de la maturité (RRM) est entrée en vigueur en 1995. Depuis, plusieurs analyses et adaptations ont été faites.

La dernière en date, en vigueur depuis la rentrée 2008, est un découplage des notes: il y a désormais 14 notes de même valeur pour la maturité. Ainsi, la biologie, chimie et physique ont chacun une note, les trois branches ne comptant plus pour une seule note de sciences expérimentales.

Idem pour la géographie, l’histoire et la philosophie – entre autres.

La nécessité d’améliorer le passage du lycée au niveau supérieur a conduit à la réalisation de deux études dans le canton de Zurich.
Une étude formule plus de 200 recommandations, branche par branche, pour améliorer la préparation des bacheliers.

L’autre analyse le lien entre notes de maturité et notes au premier examen de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich: les notes sont corrélées, révèle cette étude.

Le choix des branches de maturité n’est pas décisif. Les latinistes et hellénistes s’en sortent bien.

Commencer l’EPF le plus tôt possible après la maturité est un avantage.

L’Ecole polytechnique fédérale recommande aux lycées de se doter de profils clairs et non de vouloir offrir des spécialisations dans tous les domaines.

Suite à une diminution du taux de succès des étudiants vaudois à l’examen propédeutique de l’EPFL, le canton de Vaud avait pris des mesures avait rappelé les exigences de l’école polytechnique aux gymnasiens (lycéens). La grille horaire des écoles de maturité avait été enrichie de deux périodes supplémentaires pour l’enseignement des sciences expérimentales.

Les efforts ont porté leurs fruits: le taux de réussite se situe dans la moyenne, voire au-dessus, alors qu’il était inférieur de 5% en 2005 et 2006. 14% des gymnasiens vaudois veulent rejoindre l’EPFL, alors que le taux avait chuté ces dernières années.

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