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Pour une meilleure intégration des étrangers

«Toute politique de migration est sélective». Keystone

Discrimination raciale et salariale, entre autres. Les conditions dans lesquelles vivent les migrants sont souvent difficiles.

Une étude du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) plaide en faveur d’une meilleure intégration des étrangers.

«Aujourd’hui, explique le professeur d’économie Yves Fluckiger, l’un des experts de l’étude intitulée PNR 39, les migrants proviennent d’horizons culturels très différents.»

Et d’ajouter: «Leur degré d’intégration sociale varie selon qu’ils appartiennent au groupe des «anciens» ou des «nouveaux» immigrés».

Les «anciens» migrants, originaires de l’Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal), sont venus en Suisse dans les années 1950-1960. Ils sont relativement bien établis et jouissent d’un capital de sympathie auprès de la population helvétique.

Les «nouveaux» immigrés proviennent principalement des Balkans, d’Asie ou d’Afrique. Et ils sont beaucoup plus marginalisés que les «anciens».

Et pour cause, ils bénéficient généralement d’un permis de séjour au statut précaire. «Leur situation est paradoxale, souligne Yves Fluckiger. Ils doivent s’intégrer tout en étant menacés par un éventuel retour dans leur pays.»

Pourtant, «ces migrants-là sont indispensables au marché du travail», ajoute l’ethnologue Hans-Rudolf Wicker, lui aussi membre du groupe d’experts.

«Certaines branches, comme la restauration ou le milieu hospitalier, précise-t-il, ne fonctionneraient plus sans leur apport.»

Des différences de salaires importantes

Et une discrimination en entraîne logiquement une autre. L’étude du FNS souligne les grosses différences de salaires entre les travailleurs suisses et étrangers.

Et les chiffres sont éloquents. En 2000, le salaire moyen d’un Suisse était de 5525 francs par mois. Celui d’un saisonnier de 3573 francs.

«Tous les immigrés subissent une discrimination salariale systématique sur le marché de l’emploi, explique Yves Fluckiger. Et l’inégalité de traitement découle directement du type de permis de travail.»

Selon l’étude, un travailleur au bénéfice d’un permis annuel (B) gagne en moyenne 4376 francs par mois. Celui qui dispose d’un permis d’établissement (C) dispose d’un peu plus: 4715 francs. Et le frontalier de 5069 francs.

A formation ou expérience égale, les différences salariales par rapport aux Suisses sont donc de 3,6% chez les titulaires d’un permis d’établissement, de 4,5% chez les résidants à l’année, de 15% chez les saisonniers et de 45% chez les requérants d’asile.

Autre discrimination, pour tous les groupes d’immigrés cette fois: la Suisse peine à reconnaître la qualité de la formation d’un étranger, qu’il soit d’ailleurs simple mécanicien ou médecin.

Les effets pervers d’une politique

En matière de migration, la Suisse a adopté une politique qui discrimine clairement les étrangers qui ne sont pas originaires d’un pays membre de l’Union européenne.

Par ailleurs, elle facilite l’intégration et l’accès à la naturalisation des titulaires d’un permis d’établissement, des ressortissants européens, des enfants d’immigrés de la 2e et 3e générations. A terme, le nombre d’étrangers devrait donc diminuer.

En revanche, cette politique risque d’accentuer la marginalisation des autres catégories de migrants. Une perspective qui inquiète les chercheurs de l’étude du FNS.

«Toute politique de migration est sélective», admet Yves Fluckiger. Certes, il faut prendre des mesures pour tenter de contrôler les flux migratoires. Mais, dans le même temps, il faut offrir des alternatives à l’asile en définissant le nombre et le profil des migrants souhaités.»

Selon le professeur Fluckiger, la situation du marché du travail et les compétences individuelles – telles que la formation, les revenus ou les réseaux sociaux – devraient jouer un rôle important dans ce type de sélection.

«Il n’existe pas de recettes toutes faites, avoue Werner Haug, président du groupe d’experts de cette étude du FNS. Notre objectif consistait tout simplement à apporter une base concrète aux débats émotionnels qui sont consacrés à la question des migrations.»

swissinfo, Jean-Louis Thomas

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