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Pour une police fédérale mieux armée contre le terrorisme

Le ministre de la Justice Christoph Blocher assure que les libertés fondamentales ne seront pas mises à mal. Keystone

Malgré les critiques émises au nom de la sauvegarde de la liberté individuelle, le gouvernement suisse veut offrir à la police fédérale de nouveaux instruments de lutte contre le terrorisme.

Les agents fédéraux devraient être autorisés à mener des «recherches spéciales» impliquant des écoutes téléphoniques, la vidéosurveillance et des perquisitions secrètes de systèmes informatiques.

Ces mesures auxquelles peuvent se rajouter la surveillance du courrier ou l’installation de micros par exemple ne seraient prises qu’en dernier recours.

Elles ne concerneraient que les domaines du terrorisme, de la prolifération d’armes de destruction massive et de l’espionnage.

Pas comme le Mossad israélien

«Nous tenons à ces mesures car le danger n’a pas diminué», a indiqué mercredi le ministre de la Justice Christoph Blocher, notant au passage qu’en cas d’attentat en Suisse tout le monde réclamerait une telle révision de la loi.

Le ministre s’est voulu rassurant quant aux atteintes aux droits et libertés fondamentales. Rappelant les mesures prises après l’affaire des fiches, il a souligné que «la Suisse est un Etat de droit à l’extrême et doit le rester».

Elle n’a interdit que deux organisations: le parti nazi allemand (NSDAP) et Al Qaïda. Ses services d’espionnage n’ont rien à voir avec ceux d’autres pays. «On ne fera jamais ce que fait le Mossad israélien».

Un paysage politique divisé

Christoph Blocher ne s’est pas déclaré surpris des résultats de la procédure de consultation. D’un côté, une opposition émanant des défenseurs des droits et libertés fondamentales, partis de gauche en tête, de l’autre ceux qui privilégient une approche sécuritaire (partis bourgeois, cantons, villes et communes, milieux policier).

Les écoutes téléphoniques pour lutter contre le terrorisme sont dangereuses, a ainsi estimé le préposé fédéral à la protection des données Hanspeter Thür mercredi.

Selon lui, les nouvelles compétences en matière de sécurité sont «dangereuses, car les citoyens pourront être mis sous écoute dans leur sphère privée même sans soupçon d’une activité pénalement répréhensible».

Le Parti radical (PRD / droite) et le Parti démocrate-chrétien (PDC /centre) ont exigé une application très restrictive. Le Parti socialiste (PS / gauche) a rejetté les mesures proposées, et l’UDC est resté dans l’expectative.

Dans ce genre de dossier, les positions de fond sont claires et nettes. On ne peut pas trouver de compromis. Il reviendra au Parlement, voire au peuple de trancher, a noté le ministre de justice et police, qui s’est dit convaincu de pouvoir rallier son parti de l’Union démocratique du centre (UDC /droite nationaliste) à sa cause.

Pour surmonter les oppositions, le gouvernement, qui a chargé le département de Christoph Blocher de rédiger un message, a accepté de corriger quelque peu le tir.

Le texte qui sera soumis au Parlement devra préciser clairement la nécessité des mesures proposées.

Une définition du terrorisme?

La question de faire figurer dans la loi une définition du terrorisme, alors qu’il n’en existe pas au niveau international, devra être réexaminée.

Le ministre de Justice et police n’a pas caché son scepticisme. Le terrorisme de la Fraction armée rouge allemande dans les années septante n’est pas celui pratiqué aujourd’hui par Al Qaïda. Et qu’en sera-t-il dans 20 ans?, a-t-il souligné en substance.

Le gouvernement a également décidé de clarifier la procédure d’approbation pour les recherches spéciales. Celles-ci ne seront autorisées qu’après l’aval de plusieurs instances.

swissinfo et les agences

Le fait de donner plus de pouvoir à la police fédérale en matière de surveillance réveille certaines craintes en relation avec le scandale des fiches qui avait été mis en lumière à la fin des années 1980.

En 1989, une commission d’enquête parlementaire découvre en effet que les autorités judiciaires fédérales ont fait surveiller des centaines de milliers de personnes (de 700’000 à 900’000 selon les sources). Le but «officiel» évoqué pour justifier cette pratique fut la protection du pays en rapport aux activités subversives liées au communisme.

Depuis 1992, les activités de la police fédérale sont surveillées par la délégation des commissions de gestion du Parlement.

Les fiches se trouvent aujourd’hui dans les archives fédérales. 300’000 ont demandé à prendre connaissance des fiches les concernant dans les années qui ont suivi le scandale.

Avant de pouvoir intervenir, l’Office fédéral de police doit avoir l’aval du Tribunal administratif fédéral puis du chef du Département fédéral de justice et police (DFJP) qui devra consulter le ministre de la défense.

Il suffit d’un seul «non» pour que les mesures ne puissent pas être appliquées.

En cas d’urgence extrême, fedpol pourra agir néanmoins tout de suite. Mais si une des instances lui donne ensuite tort, il devra détruire immédiatement le produit de sa recherche.

Les «recherches spéciales» ne pourront être menées qu’en cas de soupçon concret de menace pour la sûreté intérieure ou extérieure et qu’aucun autre moyen de recherche ne soit applicable.

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