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Le triomphe du boson de Higgs

Peter Higgs (à gauche) et François Englert: la consécration, 49 ans après. AFP

La rumeur le donnait gagnant. Ce 8 octobre a vu le sacre du boson de Higgs, la particule identifiée l’an dernier au CERN à Genève. Le Prix Nobel de physique 2013 revient donc à deux pionniers qui en avaient prédit l’existence il y a presque 50 ans, François Englert et Peter Higgs.

En réalité, on devrait l’appeler «boson BEH» (pour Brout, Englert, Higgs). En 1964 paraissent presque simultanément deux papiers scientifiques postulant l’existence d’une particule dont la présence dans l’espace confère leur masse aux autres. Le premier est signé des Belges Robert Brout et François Englert, le second du Britannique Peter Higgs. A sa propre surprise, c’est le nom de ce dernier que l’histoire retiendra.

Pour ne vexer personne, on pourrait aussi l’appeler «boson scalaire massif» ou «boson scalaire de brisure spontanée de symétrie», mais bon…. pas évident à placer dans la conversation. Par contre, il vaut mieux éviter la formule «particule de Dieu», tellement médiatique, mais honnie par les physiciens, qui ne veulent pas mêler science et religion.

Si les physiciens ne l’aiment pas et ne l’emploient jamais, le surnom «particule de Dieu» a connu une belle fortune dans les medias. A son origine, pourtant, on ne trouve rien d’autre que le réflexe pudibond d’un éditeur américain.

En 1993, le prix Nobel de physique Leon Lederman publie un livre qu’il veut intituler «the Goddamn particle» («la foutue particule»), pour exprimer la frustration de la corporation face à cet objet que personne ne parvient à dénicher. Mais l’éditeur craint les réactions indignées et coupe le «damn», d’où le titre final, «the God particle» («la particule de Dieu», ou plus exactement «la particule-Dieu»).

Si le malentendu est de taille, le livre n’en a pas moins conservé son sous-titre original, qui prête encore à réflexion aujourd’hui. Jugez plutôt:

«si l’univers est la réponse, quelle était la question?»

Deux pionniers

Robert Brout est décédé en 2011. Il n’était donc pas là ce 4 juillet 2012, quand les scientifiques du CERN ont annoncé avoir détecté, grâce au LHC, plus grand collisionneur de particules du monde (qui avait été pratiquement construit pour ça), une particule présentant 99,9999% de caractéristiques conformes à celles que l’on attend du boson de Higgs.

Le Prix revient donc aux deux pionniers survivants, Peter Higgs (84 ans), de l’université d’Edimbourgh (Ecosse) et François Englert, 80 ans, de l’université libre de Bruxelles. «Je suis très heureux d’avoir reçu le prix mais je ne peux pas faire de commentaire», a déclaré le second à l’AFP, joint au téléphone depuis Stockholm.

Quant au premier, connu pour être rétif au téléphone mobile, il a réagi par voie de communiqué écrit, mis en ligne sur le site de son université. Peter Higgs s’y dit «bouleversé» et espère que sa distinction contribuera à la promotion des recherches participant à la compréhension de l’origine de la masse des particules subatomiques.

L’enveloppe totale du prix est de 8 millions de couronnes suédoises, soit environ 920’000 euros.

Dans son éloge, l’Académie royale des sciences crédite les deux hommes de «la découverte théorique d’un mécanisme qui contribue à notre compréhension de l’origine de la masse des particules subatomiques, et qui a récemment été confirmée». Et ajoute que sans le fameux boson, «nous n’existerions pas».

Contenu externe

John Ellis, le boson de Higgs c’est quoi?

© 2012 CERN

Travail d’équipe

A vrai dire, personne, dans le monde de la physique des particules, ne doutait que cette découverte soit un jour récompensée par le plus prestigieux des prix scientifiques.

Mais pour les jurés du Nobel, il n’a pas été évident de choisir qui il fallait primer. Car le CERN aura traqué le boson pendant près d’un demi-siècle. D’autres éminents physiciens ont donc participé au long processus qui a mené à cette découverte, si bien que certains spécialistes du Nobel imaginaient que le CERN décrocherait le prix en tant qu’organisation.

Mais l’Académie royale des sciences a préféré coller à sa tradition, qui veut qu’au maximum trois personnes soient récompensées. Et malgré les incertitudes qui font que l’identification du boson de Higgs n’est pas à 100% formellement confirmée, elle a couronné deux hommes, le troisième ayant disparu entre temps. Si le jury n’avait pas pris le temps de les récompenser de leur vivant, l’oubli aurait paru évident.

Au CERN, pas d’amertume apparente. La communauté des physiciens a salué au champagne ses deux éminents membres et Rolf-Dieter Heuer, directeur de l’institution, s’est officiellement réjoui de cette distinction. «Je suis enchanté que le prix Nobel de cette année ait été attribué à la physique des particules, a-t-il dit. La découverte, l’année dernière au CERN, du boson de Higgs, qui valide le mécanisme de Brout-Englert-Higgs, marque l’aboutissement de décennies d’efforts intellectuels déployés par de nombreuses personnes aux quatre coins du monde.» 

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