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Procès de Pretoria: des ONG interpellent l’industrie pharmaceutique suisse

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Le procès entamé contre l'Afrique du Sud par 39 sociétés pharmaceutiques reprend mercredi à Pretoria. Une trentaine d'ONG suisses demandent aux firmes helvétiques qui ont porté plainte de donner la priorité au droit à la santé et non au profit industriel.

Ce procès doit examiner la plainte déposée par 39 entreprises pharmaceutiques contre une nouvelle loi sud-africaine qui autorise l’accès à des médicaments génériques à bas prix, en particulier dans le domaine de la lutte contre le sida. Il s’était ouvert début mars mais il avait été suspendu après deux jours d’audience.

La Haute-Cour de Pretoria avait en effet autorisé une ONG sud-africaine (Treatment Action Campaign) à défendre le principe que le respect des brevets ne se justifie plus quand il y va de la vie ou de la mort de malades. Les pharmaceutiques avaient alors demandé un nouveau délai pour préparer leur réponse à cette déposition qu’ils n’avaient pas prévue.

Entre temps, la problématique de l’accès aux médicaments a fait l’objet de nombreuses discussions et prises de position, y compris en Suisse puisque deux grandes entreprises helvétiques figurent sur la liste des plaignants: Hoffmann-La Roche et Novartis (une troisième, Janssen-Cilag n’est plus véritablement en mains suisses).

C’est dans ce contexte que 29 organisations non gouvernementales suisses, sur l’initiative de l’association de la Déclaration de Berne, ont signé une lettre ouverte à leurs PDG pour leur demander d’abandonner leur action en justice contre le gouvernement sud-africain et de cesser des activités de lobby qui ont pour effet d’affaiblir l’accès aux médicaments des populations démunies.

«Il est particulièrement choquant, écrivent-elles, de constater que malgré la situation d’urgence que vit l’Afrique du Sud aujourd’hui, Hoffmann-La Roche et Novartis donnent la priorité à la protection des marges bénéficiaires et des brevets et non à la santé et la survie de millions d’êtres humains. Cette situation pose entre autres la question des limites du droit de propriété intellectuelle».

Le secrétariat de la Déclaration de Berne rappelle à ce propos que 250 000 personnes sont décédées l’année dernière en Afrique du Sud des suites du sida et qu’un Sud-Africain sur cinq est affecté par le virus. Les médicaments sont si chers que la grande majorité des malades ne peut se les procurer.

Parallèlement, les ONG suisses s’adressent également à Pascal Couchepin, chef du Département fédéral de l’économie, pour l’inviter à défendre aussi les intérêts des pays du Sud quand l’occasion se présente: «le rôle de la Suisse ne doit pas se limiter à mettre en avant les intérêts de l’industrie suisse d’exportation».

«Engagez-vous, disent-elles au ministre, pour modifier les barrières actuelles et supprimer les obscurités que comporte l’accord TRIPS (sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) afin que la production de médicaments par des licences obligatoires et les importations parallèles de médicaments soient facilitées».

Il y a quelques jours, en Norvège, les experts de l’Organisation mondiale de la santé et l’Organisation mondiale du commerce réunis en colloque avaient conclu que la seule manière viable et équilibrée était d’agir à la fois pour la baisse du prix des médicaments à la sortie des laboratoires et pour la hausse des efforts financiers de la communauté internationale en vue de renforcer les systèmes de santé des pays les plus pauvres.

Du côté des industries suisses concernées, c’est motus et bouche cousue. Mais la Fédération Internationale de l’Industrie du Médicament, qui appuie les plaintes déposées auprès de la justice sud-africaine, parle en quelque sorte pour elles: à l’entendre, ce procès ne résoudra en rien les problèmes d’accès aux médicaments, il faut chercher la solution ailleurs que dans des disputes sur la légitimité des brevets.

Bernard Weissbrodt

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