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Quand le documentaire prend d’assaut les conflits

Une image très «personnelle» du film de l’Indien Adan Patwardhan. Visions du réel

La guerre préoccupe le monde. Sensibles et sensibilisés, les cinéastes du réel partent plus nombreux que jamais sur la trace de la violence et de ses abords.

A l’exemple d’Anand Patwardhan, qui filme l’escalade nucléaire entre l’Inde et le Pakistan.

Au début de «War and Peace», le spectateur assiste aux funérailles de Gandhi. A la fin de ce documentaire militant, les paroles du Mahatma sont invoquées comme l’alternative unique, sur fond d’images du 11 septembre 2001.

Seule la non-violence permettra au monde de se perpétuer, prédit Gandhi. Il faut dire qu’Anand Patwardhan est un résistant de l’intérieur.

En Inde, le documentaire a mauvaise presse, au contraire du film de fiction, produit jusqu’à pléthore.

Patwardhan a réalisé son «War and Peace» avec trois bouts de ficelles. Et à l’arrivée, il a dû affronter la censure.

Obsession patriotique et aveuglement religieux

C’est que ce film met directement en cause le pouvoir de New-Dehli. Le cinéaste montre les liens entre l’obsession patriotique, l’aveuglement religieux et la mise au point de la bombe atomique indienne.

Cette escalade de la terreur jalonnée jusqu’à très récemment par de nombreux essais nucléaires, Anand Patwardhan la retrouve comme dans un miroir chez l’ennemi officiel, le Pakistan.

Si la détente est actuellement de mise dans le sous-continent indien, Pakistan et Inde tiennent toujours le même discours. A l’image des Etats-Unis, dont ils se réclament, les deux pays invoquent la puissance militaire et la bombe comme un rempart à la guerre.

Pendant ce temps, autour des sites d’essais et des mines d’uranium, les populations meurent. Caméra à l’épaule, filmant à hauteur d’homme, le cinéaste montre les malformations, la peine des proches.

Colère, incompréhension, manifestations, Patwardhan dépeint surtout les sentiments et les réactions de l’Indien et du Pakistanais de la rue face à ce qui le dépasse.

C’est une tendance lourde. Les documentaires consacrés à la guerre et la violence ne se confrontent pas directement au combat, comme tente de le faire la télévision dans l’urgence. Mais ils rencontrent les faibles, les témoins, les acteurs secondaires.

Loin du flux des images

«La télévision fonctionne selon trois grands fantasmes: l’immédiateté, la proximité et la continuité, explique Jean Perret, directeur du festival Visions du Réel. Or, ce sont trois mensonges. On ne peut comprendre les événements à l’aide de ce flux superficiel».

Face aux terribles contradictions actuelles du monde et leur représentation à la télévision, beaucoup de documentalistes réagissent, voir entrent «officiellement» en résistance. Pour mieux comprendre la guerre et la violence, ils se confrontent à la réalité à partir de leur expérience personnelle et citoyenne.

Donner de la consistance aux mémoires

Ce qui offre au public, matraqué d’images télévisuelles, un accès à une autre – et souvent plus juste – appréhension du réel. Et lui permet de prendre position.

Cet accès à la vérité est bien sûr soumis à l’éthique des réalisateurs, tout en étant débarrassée de la quête illusoire de l’objectivité.

Car, contrairement au téléjournal, le documentariste prend le temps. Il découpe clairement le moment et l’espace. Il établit une relation de confiance avec ses interlocuteurs. Et surtout, il installe un recul et adopte un point de vue.

Résultat: le réalisateur donne consistance aux visages et aux mémoires, et une authenticité palpable aux réalités rencontrées.

Cette approche particulière du réel, on la retrouve dans «War and peace» comme dans les nombreux films sur la guerre présentés au festival Visions du Réel à Nyon la semaine dernière.

Par exemple dans «Mission en enfer», que le Suisse Frédéric Gonseth a consacré au personnel médical envoyé sur le front de l’Est entre 42 et 43. A quand les rues de Badgad?


swissinfo, Pierre François Besson

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