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Rémunérations abusives: la presse dit «bof!»

La tactique a présidé aux débats, mercredi au Conseil national. Keystone

Le peuple et les cantons devraient se prononcer sur l’initiative populaire sur les rémunérations abusives et un contre-projet du Parlement. La Chambre basse a opté mercredi pour cette double solution, qui ne suscite pas un grand enthousiasme de la presse.

Bouche cousue. La presse romande ne commente pas jeudi les débats de la veille au Conseil national. Elle se contente de les répercuter. Précision: la question devra encore passer sous les fourches caudines de la Chambre haute du Parlement.

C’est ensuite seulement, au terme de l’exercice parlementaire, que la population saura sur quoi elle sera appelée à se prononcer en votation. En 2011 peut-être.

«Les ententes tactiques ont tenu», titre à ce stade La Liberté de Fribourg, qui constate dans son compte-rendu qu’avec un soutien à l’initiative Minder et au contre-projet (et une préférence pour le second), le «mot d’ordre n’est évidemment pas très limpide».

Dans la partie alémanique du pays, le sujet appelle davantage de commentaires. «L’intention est bonne, les effets moindres», juge par exemple la Basler Zeitung.

Approche bidon

«Trompeur», rétorque la Berner Zeitung. Avec l’initiative et le contre-projet, le Conseil national a engagé le dossier sur la bonne voie et si la Chambre haute poursuit, les votants auront deux options claires à se mettre sous la dent.

Toutefois, dans la perspective de réduire les rémunérations abusives des top-managers, les deux projets octroient davantage de droits aux actionnaires. «En de nombreux points, cet espoir devrait s’avérer bidon. Car une majorité silencieuse des actionnaires et les profiteurs du top-management sont avant tout intéressés aux gains à court terme», constate la BZ.

La Basler Zeitung se demande si les solutions discutées au Conseil national sont les bonnes. Elle conclut que «l’initiative sur les rémunérations abusives et le contre-projet n’empêcheront pas à l’avenir l’industrie financière de se permettre des salaires gonflés.»

Ces textes donnent l’impression que ce problème global peut être résolu par une votation populaire et en cela, «on fait au peuple une promesse qui ne pourra être tenue.»

Danger brandi

A Zurich, le Tages Anzeiger constate que «sur les points importants de la transparence, le Conseil national s’est agenouillé». Notamment sur la divulgation des salaires des membres de la direction. Le quotidien juge en somme que la majorité bourgeoise s’est laissée impressionner par les menaces des pontes de la finance.

La place économique suisse pourrait perdre de son attrait en raison de l’initiative Minder: tel est l’avertissement fréquemment lancé. Qu’il sorte de la bouche du CEO de Credit suisse Brady Dougan «ne le rend pas plus convainquant», plaide le Tagi.

«Raisonnable», c’est par contre l’avis de le Neue Zürcher Zeitung face au contre-projet du Conseil national. Il doit permettre de freiner un peu les excès salariaux, accroître la légitimité des patrons et laisser aux entreprises une marge d’action acceptable.

Climat difficile

«Ce contre-projet pourrait toutefois rencontrer des difficultés devant le peuple, prévoit le quotidien. Non parce qu’il est moins bon que l’initiative, mais parce, dans le climat politique actuel, tout ce qui semble diluer la dure rhétorique des partis des pôles UDC et PS passe un mauvais quart d’heure.»

L’UDC (Union démocratique du centre / droite conservatrice) est aussi dans le mire de La Regione. Le journal tessinois doute de la volonté effective de ceux qui possèdent les actions des entreprises de contenir les bonus.

D’autres proposition sont sur la table, rappelle d’ailleurs le journal. «Celles, par exemple, de taxer plus lourdement les bonus ou de limiter les écarts de salaires entre dirigeants et collaborateurs d’une même entreprise.»

swissinfo.ch

Le syndicat chrétien Travail.Suisse s’est livré l’an dernier à une enquête sur les hauts salaires.

Il en ressort que les écarts entre les hauts et les bas salaires ont augmenté de 72% entre 2002 et 2008. La rémunération de la direction des grandes entreprises suisses a augmenté de 83% tandis que les salaires des salariés de base se sont apprécié de 8,4%.

En 2008, l’homme le mieux payé de Suisse était le patron de Novartis Daniel Vasella avec plus 40 millions de francs par an, soit près de 110’000 francs par jour.

Une enquête de PriceWaterhouseCoopers a cependant montré que les salaires des patrons des 48 plus grandes entreprises suisses ont diminué de 25% entre 2007 et 2008, en raison d’une diminution des bonus.

Selon cette même enquête, le salaire moyen des patrons des 20 entreprises cotées au Swiss Market Index restait toutefois de 6,9 millions de francs par an.

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