Des perspectives suisses en 10 langues

Rapport Brunner: un civil devrait diriger les espions suisses

Créée dans la foulée du scandale Bellasi, la commission Brunner, chargée de la refonte des services de renseignement, a remis son rapport jeudi. Elle préconise des changements fondamentaux: la démilitarisation et la professionnalisation des services.

Créée dans la foulée du scandale Bellasi, la commission Brunner, chargée de la refonte des services de renseignement, a remis son rapport jeudi. Elle préconise des changements fondamentaux: la démilitarisation et la professionnalisation des services, qui seraient placés sous l’autorité directe du ministre de la Défense.

La balle est maintenant dans le camp d’Adolf Ogi. Le chef du Département fédéral de la défense (DDPS) est en effet le commanditaire de ce rapport fourmillant d’idées novatrices. Son objectif: réorganiser les services de renseignement pour en faire un instrument efficace au service du gouvernement.

La commission d’études composée de neuf membres, avec à leur tête l’ancien ambassadeur Edouard Brunner (photo), a été créée en septembre dernier, un mois après l’éclatement du scandale Bellasi, du nom de cet ancien comptable du Groupe des renseignements de l’Etat-major général, soupçonné d’avoir détourné 9 millions de francs.

D’emblée, le rapport énumère différentes lacunes des services de renseignement, à commencer par
leur engagement en tant qu’instrument de conduite stratégique. Et pour remédier à cette situation, le groupe d’experts propose que le Conseil fédéral établisse chaque année une liste de priorités à l’intention des renseignements stratégiques.

Première idée maîtresse du rapport Brunner, allant dans le sens de la primauté du politique: le Service des renseignements stratégiques (RS) doit sortir de la tutelle de l’Etat-major général pour être placé directement sous l’autorité du ministre de la Défense. Le but de cette démilitarisation est d’élargir le champ d’analyse des services de renseignement. Les dangers qui menacent la Suisse sont autant militaires que civils. Comme c’est le cas dans le terrorisme, les réseaux mafieux ou les catastrophes écologiques.

La commission recommande que la fonction d’investigation ne soit donc plus l’apanage des seuls officiers militaires de renseignement. Et que le grade ne soit plus un critère de recrutement et d’avancement. Les membres de la commission demandent également que les agents de renseignement soient libérés de leurs obligations militaires. Le service de renseignement de l’armée doit être transformé pour couvrir largement les besoins des Forces terrestres et aériennes.

La commission demande aussi la dissolution du réseau des agents de «milice», généralement des personnes haut placées dans l’administration ou dans des appareils proches de l’Etat. Et selon des indiscrétions publiées dans la presse, il existerait une liste de 500 noms «d’espions par hobby».

Par ailleurs, le rapport Brunner plaide pour un contrôle renforcé du Parlement sur les services de renseignement. Il suggère le remplacement de la délégation actuelle par une Commission du renseignement formée de six membres. Elle devrait bénéficier du pouvoir, des ressources et du personnel nécessaires à l’accomplissement de cette tâche.

Enfin, tirant les conséquences de l’incapacité du Conseil fédéral à réagir efficacement durant la crise des fonds en déshérence, le rapport Brunner préconise de donner une place importante au poste de coordonnateur des renseignements, actuellement mis au concours par l’administration fédérale. Ce statut lui donnera l’accès direct au Conseil fédéral en passant par-dessus les obstacles bureaucratiques. Et ce d’autant plus que les experts suggèrent de l’élever, d’ici quelques mois, à un rang hiérarchique élevé: celui de délégué du Conseil fédéral.

Jugurtha Aït-Ahmed

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision