Des perspectives suisses en 10 langues

Ras le bol linguistique des parlementaires latins

D'un usage complexe, le plurilinguisme joue aussi un rôle dans le travail parlementaire. Keystone

Le recul du plurilinguisme tend à s'accentuer dans l'administration fédérale, selon l'association Helvetia Latina qui défend les minorités linguistiques.

Les députés latins voient aussi leur tâche compliquée par des questions de langue, surtout en commission, où s’effectue une large partie du travail parlementaire.

Pour la première fois cette année, le budget 2007 de la Confédération est disponible en italien. Ce pas fait en direction des minorités linguistiques n’a cependant pas beaucoup aidé les politiciens latins membres des commissions des finances du Parlement.

Le travail de commission se faisant en aval, ils ont en effet dû étudier les explications et commentaires du budget en allemand car ceux-ci leur ont été fournis dans un premier temps dans cette langue uniquement.

«Bien sûr, les chiffres ne posent pas problème, mais les rubriques budgétaires, les termes techniques… C’est beaucoup plus difficile d’aller au fond des choses», s’indigne André Bugnon, membre de la Commission des finances de la Chambre basse.

Depuis mars 2003, date à laquelle le député démocrate du centre (UDC/droite dure) avait interpellé le gouvernement afin de savoir si les minorités linguistiques étaient «vraiment respectées», son irritation n’a pas trouvé prétexte à se calmer. Quant à sa question, elle n’a pas encore reçu de réponse de la part du gouvernement.

A l’époque, il estimait «inadmissible» le fait que les documents de travail, souvent de plusieurs pages, n’arrivent aux commissaires dans leur langue maternelle que très peu de temps avant les séances.

Problèmes lors de la préparation

Car c’est bien pour le travail de commission que le problème est le plus aigu. En ce qui concerne la documentation fournie dans le cadre des sessions, elle est généralement traduite à temps.

«La pratique est passablement rôdée», explique Marcel Grangier, qui dirige la section française des services linguistiques centraux de la Chancellerie fédérale et est responsable de la coordination de toute la traduction dans l’administration fédérale.

Par contre, André Bugnon estime à 90% le volume des documents rédigés en allemand que reçoivent les commissaires. Ceux-ci demandent souvent des rapports complémentaires sur des points précis à propos desquels il n’existe aucun document préétabli. Dans l’urgence, l’étape de la traduction est alors souvent sautée.

«Cela peut créer des problèmes au niveau de la préparation des parlementaires», souligne de son côté Thérèse Meyer, députée démocrate-chrétienne (centre droit) et vice-présidente d’Helvetia Latina, l’association qui défend la culture latine au sein de l’administration fédérale.

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Commission

Ce contenu a été publié sur Composées de membres d’une même Chambre, les commissions parlementaires examinent des dossiers faisant partie de leur champ de compétence. La Commission des finances, par exemple, examine le budget ou des projets financiers. Les commissions donnent une recommandation de vote et font leurs propres propositions avant qu’un objet ne passe devant le plénum. Il existe 12…

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Proportions à respecter

Généralement sensibles à la problématique du plurilinguisme – comme en témoignent les nombreuses interpellations et autres motions qu’ils ont déposées à ce sujet au Parlement -, la plupart des parlementaires francophones et italophones n’en expriment pas moins un certain ras le bol à ce sujet.

En commission, les réactions se font de plus en plus marquées lorsque les présentations se succèdent en allemand. «Cela arrive assez souvent. On demande alors d’avoir au moins des transparents en français», ajoute Thérèse Meyer.

Pour André Bugnon, les parlementaires latins sont largement «prétérités, pour ne pas dire négligés». «On peut bien admettre que tout ne soit pas traduit jusqu’à la dernière lettre, mais il y a des proportions à respecter, et là, elles ne le sont pas!»

Pour sa part, le député UDC établit un lien entre la sous-représentation des latins dans l’administration fédérale et le fait que le travail en commission soit linguistiquement plus exigeant pour les francophones et les italophones.

«Action pyramidale négative»

Car le problème ne se pose pas seulement pour la documentation. Des difficultés de communication peuvent également apparaître avec les hauts responsables de l’administration, qui sont les interlocuteurs des politiciens lors des séances de commission.

Helvetia Latina a déjà lancé de nombreux cris d’alarme à ce sujet. Plusieurs motions ont par ailleurs été déposées au Parlement afin d’obtenir une meilleure représentativité des communautés linguistiques au niveau des fonctions dirigeantes.

Auteur de l’une d’entre elles, le libéral Claude Ruey, président d’Helvetia Latina, souligne que la tendance dans les sphères supérieures de l’administration est plutôt de s’entourer de collaborateurs parlant la même langue.

Une «action pyramidale négative» que la Suisse devrait selon lui s’employer à casser. Par exemple en s’inspirant de la Belgique ou du Canada, qui imposent la maîtrise des langues nationales aux hauts fonctionnaires lors de leur recrutement.

swissinfo, Carole Wälti

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Plurilinguisme

Ce contenu a été publié sur Le plurilinguisme (ou multilinguisme) désigne une région ou un Etat où sont parlées plusieurs langues. La Suisse est un pays plurilingue par excellence. On y parle quatre langues dites nationales: l’allemand (63,7% de la population), le français (20,4%), l’italien (6,5%) et le romanche (0,5%). Par ailleurs, 9% de la population indique une langue étrangère comme…

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Helvetia Latina est une association politiquement et indépendante. Elle a été fondée en juin 1980.
Son but est de favoriser une représentation équitable des langues et des cultures latines au sein de la Suisse officielle.
Elle compte aujourd’hui 350 membres, dont la centaine d’élus latins au Parlement fédéral.
Helvetia Latina, qui fonctionne selon le système de milice, dispose en outre d’un Observatoire des langues.

La question des langues ne laisse pas indifférents les parlementaires latins.

Plusieurs d’entre eux ont interpellé le Conseil fédéral ces deux dernières années sur la problématique linguistique dans divers domaines.

Le libéral Serge Beck a chargé le Conseil fédéral d’établir une liste des filières de formation professionnelle qui n’offrent pas aux apprentis l’enseignement d’une deuxième langue.

Le libéral (droite) Claude Ruey a déposé une motion pour que le plurilinguisme figure parmi les conditions lors de l’embauche des cadres supérieurs de la Confédération.

Le socialiste Christian Levrat s’est pour sa part inquiété de la sous-représentation des apprentis latins dans l’administration fédérale.

Enfin, le radical (droite) Fabio Abate souligne que l’absence de hauts fonctionnaires italophones dans l’administration nuit aux négociations avec l’Italie. Il pose aussi la question du pouvoir réel des délégués à l’égalité des chances et au plurilinguisme.

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