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Schneider-Ammann vend le fromage suisse à Paris

Johann Schneider-Ammann a été le premier conseiller fédéral à se rendre au Salon de l'agriculture. Keystone

Après une année de repli, les produits helvétiques tentent de pénétrer le marché français. Une conquête difficile, dans un pays où le label suisse manque de notoriété.

Le stand helvétique au Salon international de l’agriculture de Paris s’est fait plus kitsch que jamais pour accueillir samedi le ministre suisse de l’Economie, Johann Schneider-Ammann. Grande première: jamais conseiller fédéral n’avait visité cette manifestation ultra populaire en France, fréquentée chaque année par les hommes politiques de tous les bords.

Entouré de plusieurs parlementaires vaudois et fribourgeois, le ministre a dégusté les produits d’exportation: Gruyère, Vacherin, Appenzeller, saucisson vaudois et viande des Grisons notamment, au milieu d’une foule très dense de visiteurs. «Je me suis rendu l’an dernier à la Grüne Woche de Berlin. Il était normal que je visite cette année le Salon de l’agriculture de Paris», précise M. Schneider-Ammann.

Un monde sépare pourtant ces deux salons. Les Suisses n’ont pas trop de mal à vendre leurs fromages en Allemagne (29000 tonnes en 2012) pays peu réputé pour ses produits laitiers. Dans la France aux 400 fromages, la tâche est autrement plus difficile. La tendance est à la hausse de 18% depuis 10 ans, même si l’an dernier, les exportations de fromage suisse ont marqué le pas: 5900 tonnes (-10%).

Au cours de sa rencontre vendredi avec le ministre français de l’agriculture Stéphane Le Foll, Johann Schneider-Ammann a abordé le sujet du scandale de la viande de cheval. Le conseiller fédéral préfère attendre que toute la lumière soit faite sur ce dossier avant de tirer des conclusions définitives, a expliqué à l’ATS Erik Reumann, porte-parole du ministère suisse de l’Economie. M. Schneider-Ammann juge toutefois ce scandale «inacceptable».

Les deux ministres ont réaffirmé leur engagement en faveur d’une protection efficace des indications géographiques pour les produits agricoles et les denrées alimentaires. Ils sont tombés d’accord sur la nécessité de renforcer l’action et la coordination dans les forums internationaux en faveur d’une agriculture durable et de l’efficience des ressources.

MM. Schneider-Ammann et Le Foll ont aussi fait le point sur les dossiers d’ouverture des marchés et sur les perspectives de la conférence ministérielle de l’OMC, qui se déroulera en décembre prochain à Bali.

(Source: ATS)

Crise de l’Emmental

«Je suis un Emmentalois», a déclaré en préambule de son discours M. Schneider-Ammann. Une façon de soutenir un fromage en crise d’identité, dans un pays où l’ «emmental» français est un produit banal, fabriqué un peu partout, de la Savoie à la Normandie, et consommé râpé ou en petits dés… En 2012, les exportations en France d’Emmental (le vrai) ont chuté d’environ 25%. La hausse du franc par rapport à l’euro explique en partie ce déclin.

Pas facile de lutter contre de vieux malentendus. «En France, le gruyère est un mot générique qui désigne un fromage à trous», rappelle Frank Lefèvre, responsable en France de Switzerland Cheese Marketing. Les bagarres juridiques entre le Gruyère et l’Emmental et leurs «copies» françaises sont terminées, mais les consommateurs français ne sont pas plus éclairés dans leurs choix.

Autre problème: les études d’opinion montrent que le fromage suisse n’a pas si bonne réputation. Quel est «l’autre pays du fromage»? Les Pays-Bas, répondent une majorité de Français, «intoxiqués» par une campagne de promotion organisée par les Néerlandais il y a quelques années. La Suisse, elle, n’arrive qu’en quatrième position, derrière l’Italie.

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L’audace des Vaudois et Fribourgeois

Ce n’est peut-être pas un hasard si les fromages suisses qui «percent» en France sont un peu marginaux en Suisse: la Tête de Moine et l’Etivaz. «L’Etivaz, qui fut la toute première appellation d’origine contrôlée (AOC) suisse, connaît un succès spectaculaire en France, se félicite le conseiller national valaisan Christophe Darbellay. C’est grâce à la qualité qui prévaut à tous les niveaux de production.»

Si les Suisses ont investi le Salon de l’agriculture il y a onze ans, c’est grâce à l’audace de fromagers vaudois et fribourgeois. «Après notre première présence en 2002, nous avions proposé au Salon d’organiser une Poya (fête traditionnelle de la montée aux alpages en Gruyère) sur les Champs-Elysées, raconte l’ancien conseiller national Jean-Nicolas Philipona. Mais le préfet de police de Paris n’en a pas voulu.»

Véritable institution du Salon, le stand suisse accueille aujourd’hui dans sa «ferme-chalet» de 100 m2 les visiteurs curieux ou affamés: 4500 fondues y ont été consommées l’année dernière.

La viande suit

Le succès du fromage suisse inspire d’autres branches. Proviande tente de pénétrer le marché français, avec comme fer de lance la viande des Grisons. «Le problème, c’est que la matière première utilisée pour fabriquer la viande des Grisons vient d’Europe ou d’Amérique latine, pointe Christophe Darbellay. On ferait mieux de porter l’effort sur la viande séchée du Valais, entièrement helvétique», ajoute le Valaisan. Lequel déplore la quasi-absence des vins helvétiques «dont le rapport qualité-prix est pourtant presque imbattable». Le Vaudois Kursner, de Féchy, fait exception, avec ses 5% de chiffres d’affaires réalisés en France.

Au-delà de la qualité, c’est le label bio qui peut faire la force de la Suisse. Lors d’une rencontre vendredi soir entre ministres chargés de l’agriculture, le Français Stéphane Le Foll a félicité son homologue Schneider-Ammann pour le «modèle suisse». Modèle? «En matière d’agriculture bio», précise le conseiller fédéral. Dans ce domaine, la France, dont le bio représente 3,5% de la surface agricole, jalouse la Suisse et ses 10% de bio.

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