Des perspectives suisses en 10 langues

Schengen/Dublin: le monde à l’envers

L’affiche aux menottes prône le oui à Schengen/Dublin. Keystone

Une fois n’est pas coutume, les partisans de l’adhésion de la Suisse aux deux accords font campagne dans le registre émotionnel cher à la droite populiste.

De son côté, celle-ci entretient la confusion entre Schengen/Dublin et l’extension de la libre circulation, sur laquelle le peuple votera en automne.

Jusqu’ici, c’était plutôt l’UDC, le parti de la droite dure, qui usait de slogans coup de poing dans ses campagnes en vue des votations fédérales. Avec Schengen/Dublin, voilà que les partisans des accords se mettent eux aussi à adopter ce genre de rhétorique.

«Avertissement aux criminels: Schengen renforce la police», clame ainsi une de leurs affiches, montrant en gros plan les mains d’une personne à qui l’on a passé les menottes. Plutôt inhabituel.

La croix suisse à toutes les sauces

A côté de cette affiche-choc, les partisans du oui ont également adopté une version plutôt joyeuse de la croix suisse, un symbole dont la droite avait jusqu’ici le quasi-monopole.

Pour leur part, l’UDC et l’ASIN (Action pour une Suisse indépendante et neutre) ont démarré leur campagne de manière plutôt modérée, avec une simple affiche frappée de deux drapeaux suisses.

On y présente la votation comme une bataille pour la patrie. Selon leur slogan, un oui à Schenge/Dublin menacerait la sécurité et la souveraineté de la Suisse.

Confusion savamment entretenue


Les affiches suivantes sont nettement plus dures. On y retrouve l’agressivité qui a marqué les campagnes précédentes. Des visages stylisés comme dans une BD des années 50 y expriment la terreur que l’on doit ressentir en contemplant les flammes de l’enfer.

Les slogans sont à l’avenant: «Plus de criminalité, plus de chômage, adhésion à l’UE», conséquences prévisibles de «l’abolition des contrôles et des frontières».

En recourant à l’argument du chômage, les stratèges de cette campagne confondent sciemment le vote sur Schengen/Dublin avec celui sur l’extension de la libre circulation aux nouveaux pays membres de l’UE. Egalement attaqué par un référendum des milieux d’extrême droite et d’extrême gauche, cet objet sera soumis au vote le 25 septembre.

Pour le directeur de l’ASIN, les deux sont de toute façon liés. Le message du gouvernement est que «les gens peuvent venir, travailler et commettre des délits», juge Hans Fehr.

Ueli Maurer, président de l’UDC, estime quant à lui qu’une des raisons principales de refuser Schengen/Dublin est «la peur de l’adhésion à l’UE».

Le gouvernement se met en quatre


Les membres du gouvernement se sont mis à quatre pour lancer la campagne en vue de la votation. Aux côtés de la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey, ses collègues des Finances Hans-Rudolf Merz, de l’Economie Joseph Deiss et de Justice et Police Christoph Blocher étaient de la partie.

Ainsi, les quatre partis gouvernementaux étaient représentés, y compris l’UDC, à laquelle appartient le dernier nommé.

«Nous sommes ici pour montrer que nous sommes unis derrière Schengen/Dublin», a dit Joseph Deiss. «Nous reprocher de vouloir aboutir ainsi à une adhésion de l’Union Européenne serait injuste» a renchéri Micheline Calmy-Rey.

Quant à l’argument de l’abandon des contrôles aux frontières, Hans-Rudolf Merz l’a contré en rappelant qu’il n’était pas question d’adhésion à l’union douanière de l’UE. Et que seule cette adhésion ouvrirait complètement nos frontières à l’Europe.

L’économie sort les grands moyens

Dans les milieux économiques, on a beaucoup à gagner à l’adhésion de la Suisse à Schengen/Dublin. Selon le quotidien zuirichois Tages Anzeiger, l’association faîtière economiesuisse aurait déboursé près de quatre millions de francs pour soutenir la campagne.

Dans l’autre camp, l’UDC affirme avoir «à peine deux millions» à disposition. Un déséquilibre qui fait hurler Ueli Maurer, puisque selon lui, il est impossible de faire une campagne sérieuse à moins de quatre millions.

swissinfo, Christian Raaflaub
(Traduction et adaptation, Marc-André Miserez)

Différents comités militent pour ou contre Schengen/Dublin.
Les partisans des accords disposent d’un budget de campagne de plus de 4 millions de francs.
Les opposants de leur côté disposent d’à peine deux millions.

– L’accord de Schengen règle et facilite la libre circulation des personnes. Il prévoit une collaboration entre les Etats dans les domaines de la justice et de la police, notamment pour la lutte contre le crime organisé et les trafics d’armes et de drogue.

– L’accord de Dublin prévoit également une collaboration entre Etats, dans le domaine de l’asile. Il s’agit notamment d’éviter qu’un requérant débouté dans un pays puisse présenter une demande dans un autre pays.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision