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Dans certains cas, on peut se passer du préservatif

Keystone

Sous certaines conditions, une personne infectée par le VIH et bénéficiant d'une thérapie antirétrovirale efficace ne transmet pas le virus lors de rapports sexuels.

La Commission fédérale du sida (CFS) souligne toutefois que cette nouvelle ne change rien pour la majorité de la population et que le préservatif reste le moyen de protection le plus efficace.

Ayant pris connaissance de ces faits, la CFS a longuement délibéré avant de prendre position, a indiqué mercredi la Fédération des médecins suisses (FMH). L’une des études prises en considération a été réalisée en Espagne: elle a porté sur 393 couples hétérosexuels sérodiscordants (où un seul des partenaires est contaminé) observés pendant 14 ans.

Trois conditions doivent être remplies pour que le virus ne soit pas transmis par voie sexuelle. Premièrement, la thérapie doit avoir supprimé les virus dans le sang depuis au moins six mois, de sorte que ceux-ci ne puissent plus être décelés.

Deuxièmement, la thérapie antirétrovirale doit être systématiquement suivie par le patient et contrôlée régulièrement par un médecin. Enfin, le patient ne doit pas être atteint d’une autre infection sexuellement transmissible.

Lorsque ces trois conditions sont complètement remplies, et seulement alors, et lorsque le médecin traitant a donné son feu vert, un couple au sein duquel un des deux partenaires est infecté par le VIH et l’autre pas peut décider de renoncer aux mesures de protection lors de rapports sexuels. La décision de renoncer ou non à toute mesure de protection incombe au partenaire séronégatif.

Faux signal?

La publication de cette nouvelle n’est-elle pas prématurée et ne risque-t-elle pas de donner un faux signal à la population, comme l’ont jugé certains experts français, allemands et américains ?

Interrogé par swissinfo à ce sujet, le professeur Pietro Vernazza, président de la CFS estime qu’«après dix ans de traitement et aucune contamination, quelqu’un devait dire la vérité». Une vérité que le spécialiste juge préférable à une mauvaise information.

«Les études, menées depuis des années sur des patients, permettent de dégager une tendance. Et celle-ci indique la plausibilité de l’absence de risque, poursuit le professeur. Il n’aurait pas été juste de cacher cette information aux personnes concernées.»

Pietro Vernazza compare la situation actuelle à celle de 1986, lorsque l’on a annoncé que le VIH ne pouvait pas se transmettre par un baiser. «A l’époque, on ne pouvait pas absolument le prouver, par manque de données statistiques. Mais depuis 20 ans, l’affirmation n’a fait que gagner en plausibilité, même s’il n’est pas exclu de voir un jour une contamination par un baiser».

Nouvelle importante

La nouvelle n’en est pas moins importante pour les quelques milliers de personnes concernées en Suisse qui vivent une relation stable et sérodiscordante, écrit la FMH. Les trois conditions réunies, elles doivent savoir qu’elles ne mettent pas en danger leur partenaire.

Cette nouvelle donne de l’espoir aux couples sérodiscordants qui souhaitent un enfant, a expliqué Bernard Hirschel, membre de la CFS et responsable de l’unité VIH-SIDA des Hôpitaux universitaires de Genève.

Il existe certes d’autres méthodes de procréation pour les couples concernés, a-t-il rappelé, mais elles comportent des risques réels comme la prise de médicaments chez la mère séronégative ou une grossesse multiple, dangereuse pour les bébés.

Les personnes qui ne vivent pas dans une relation stable doivent avant tout se protéger elles-mêmes, rappelle la FMH: une personne non infectée par le virus ne doit jamais renoncer à se protéger lors d’une rencontre sexuelle.

Conséquences juridiques

Cette nouvelle a aussi des conséquences juridiques. Les tribunaux devront tenir compte de cette nouvelle donne lorsqu’ils évalueront le caractère répréhensible d’une contamination au VIH.

Du point de vue de la CFS, un contact sexuel non protégé entre une personne séropositive remplissant les trois conditions et une personne séronégative ne répond aucunement aux critères d’une tentative de propagation d’une maladie dangereuse au sens du code pénal suisse, ni à ceux d’une tentative de lésion corporelle grave.

Ne pas baisser la garde

L’Office fédéral de la santé publique souligne de son côté que rien ne change dans la prévention VIH pour la population en général et les groupes-cibles. Seule l’observation des règles du sexe à moindre risque (pas de pénétration sans préservatif, pas de sperme ou de sang dans la bouche) protège la santé lors de rencontres sexuelles occasionnelles ou de nouvelles relations de couple.

swissinfo et les agences

En 2006, 762 personnes ont été contrôlées positives au virus VIH, contre 723 en 2005.

Depuis 1985 et jusqu’au 30 septembre 2007, le nombre de séropositifs décelés est de 29’914.

Jusqu’ici, 5’698 personnes sont mortes du sida.

Dans le monde, le virus a déjà tué plus de 25 millions de personnes depuis le début des années 80.

L’été dernier, Pfizer a mis sur le marché le Selzentry (ou Celsentri selon les pays), un antirétroviral de la nouvelle génération, qui empêche le VIH de pénétrer dans les cellules cibles, à prendre sous forme de tablettes.

Mercredi, le géant pharmaceutique américain a annoncé qu’il accorde gratuitement la licence de son produit à IPM, un partenariat à but non lucratif qui travaille au développement de microbicides pour les femmes des pays en voie de développement. En clair, il s’agit de faire du Selzentry un gel vaginal qui empêche la transmission du virus par voie sexuelle.

Jack Watters, vice-président de Pfizer, se dit optimiste sur le potentiel de ce médicament, mais ajoute qu’il reste «beaucoup de chemin à faire».

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