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Des araignées venues de loin envahissent l’Europe

Scytodes thoracica, une espèce tropicale et subtropicale qui se sent comme chez elle en Europe. Jørgen Lissner

Des chercheurs suisses ont montré qu'un nombre toujours plus grand d'araignées prennent leurs aises en Europe. De quoi donner des frayeurs aux arachnophobes.

L’intensification du commerce mondial ces 150 dernières années a favorisé l’introduction de nouvelles espèces, dont les individus sont de plus grande taille que les araignées indigènes.

Dans la série des films qui exploitent le thème de l’invasion animale, l’araignée n’a rien à envier à d’autres espèces. Mais si «L’Invasion des araignées géantes» (1975) et autres «Arachnophobia» (1990) donnent dans la surenchère, ces fictions jouent aussi sur un phénomène bien réel, le déplacement des populations d’araignées.

D’après une étude de l’Institut de zoologie de l’Université de Berne co-dirigée par le professeur Wolfgang Nentwig, 87 nouvelles espèces d’araignées sont arrivées clandestinement en Europe durant les 150 dernières années.

«Une partie de cette invasion est constituée d’espèces qui se réapprorient des zones qu’elles avaient quittées lors du dernier Age glaciaire», explique Wolfgang Nentwig à swissinfo. «Il s’agit d’un processus très lent. Ces animaux se déplacent tout au plus d’un kilomètre par année.»

L’intensification du commerce mondial ces dernières années a néanmoins joué un rôle dans l’arrivée de ces immigrants indésirables, raccourcissant considérablement le temps nécessaire à leur migration.

«Ce sont les araignées les plus grosses et les plus résistantes qui survivent aux voyages», indique Wolfgang Nentwig. Il précise que les spécimens les plus grands ne dépassent toutefois pas quelques millimètres.

Directement d’Asie

Les dockers ont été les premiers à se retrouver nez à nez avec les arthropodes. L’araignée-banane en particulier, qui provient d’Amérique du Sud. Agressive et réputée pour ses mauvaises morsures, elle tire son nom du fruit avec lequel elle est réputée voyager.

«Ces araignées étaient récoltées en même temps que les régimes de banane dans lesquels elles vivent, avec d’ailleurs d’autres animaux tels que des reptiles ou des insectes, souligne Wolfgang Nentwig. Mais des changements dans la façon de transporter et de conserver ces fruits sont intervenus et désormais, cela n’arrive plus.»

La plupart des espèces importées en Europe viennent en fait d’Asie, où les conditions climatiques au centre du continent sont comparables à celles que l’on trouve en Europe. Une migration encore facilitée par le fait que les vols entre les deux zones sont fréquents et relativement courts.

Seules trois espèces arrivent d’Amérique du Sud, quatre d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Pour Wolfgang Nentwig, plusieurs autres espèces pourraient cependant être en route vers l’Europe.

«Le réchauffement climatique va certainement accélérer le processus, explique le professeur de zoologie. L’évolution du climat en Europe crée en effet des conditions de vie de plus en plus propices aux araignées subtropicales.»

Dans les villes

A noter que les chercheurs de l’Université de Berne ont opté pour des pronostics prudents dans la mesure où les araignées ne sont plus un domaine de recherche majeur. Wolfgang Nentwig reconnaît néanmoins qu’au moins une nouvelle espèce arrivera en Europe chaque année.

Et la probabilité que les citadins soient rapidement confrontés à ces nouvelles arrivées n’est pas négligeable puisqu’il s’agit en général d’espèces qui préfèrent vivre dans des environnements urbains.

De là à devoir regarder dans ses souliers ou sur le siège des toilettes afin de vérifier qu’aucune veuve noire d’Australie ne s’y trouve, le risque est minime. «Celle-ci n’arrivera pas en Europe!» assure Wolfgang Nentwig en souriant.

swissinfo, Scott Capper
(Traduction de l’anglais: Carole Wälti)

Selon Wolfgang Nentwig, seules 4 à 5 espèces d’araignées représentent réellement une menace pour les être humains, bien que presque toutes les araignées aient du venin. La seule espèce dangereuse présente en Europe est une sous-espèce de veuve noire, qu’on trouve sur le pourtour de la Méditerranée.

La plupart des araignées sont trop petites pour percer la peau humaine avec leurs crocs. La mortalité liée à des morsures d’araignées a considérablement diminué.

Les araignées géantes présentes dans les régions tropicales n’ont que très peu de chances d’arriver un jour en Europe. Selon Wolfgang Nentwig, elles ont en effet besoin d’un climat stable, ainsi que de températures et d’un niveau d’humidité adéquats.

L’arachnophobie est une peur anormale des araignées. Cette peur s’étend parfois à d’autres arachnides comme les scorpions. Elle fait partie des phobies les plus fréquentes.

Les gens atteints par cette phobie ont tendance à se sentir mal à l’aise dans tous les endroits susceptibles d’abriter des araignées, voire des signes visibles de leur présence, comme des toiles.

A la vue d’une araignée, les arachnophobes sont saisis d’une crise de panique.

L’Europe centrale et du nord n’abrite cependant aucune espèce d’araignée mortelle. La raison pour laquelle l’arachnophobie y est plus répandue qu’ailleurs suggère donc que cette phobie est d’origine culturelle. Selon Wolfgang Nentwig, il s’agit là uniquement d’une hypothèse, aucune preuve n’ayant été apportée.

Dans de nombreuses cultures non européennes, les araignées ne sont pas craintes. Elles figurent même au menu traditionnel dans certains pays.

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