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La fusion nucléaire élit domicile en France

Les installations futures d’ITER prendront place sur un site déjà dévolu depuis des décennies à la recherche nucléaire. (photomontage: ITER) ITER

Les scientifiques suisses se réjouissent du choix de Cadarache (sud-est de la France), pour accueillir ITER, le réacteur expérimental de fusion thermonucléaire.

A Lausanne comme à Villigen et à Bâle, on travaille sur cette forme d’énergie depuis des décennies. Et le programme européen de fusion est dirigé par un professeur de l’EPFL.

Initialement, la décision aurait dû tomber il y a 18 mois. Mais l’attribution d’un projet soutenu par pratiquement tous les pays industrialisés du monde et qui va générer dix milliards d’euros d’investissements en trente ans n’est pas une affaire simple.

Après le renoncement de l’Espagne et du Canada, ne restaient en lice que l’Europe, fédérée autour de la candidature française et soutenue par la Russie et la Chine, et le Japon, soutenu par les Etats-Unis et la Corée. Et c’est la première qui l’a emporté, au cours d’une réunion tenue mardi à Moscou.

Les Nippons, qui se seront battus jusqu’à la dernière minute, obtiennent, il est vrai, de larges compensations. Ils fourniront 20% du personnel et recevront 20% des contrats industriels liés à la construction d’ITER. De plus l’Europe aurait accepté de financer un programme de recherche parallèle au Japon même.

La Suisse fait plus que de la figuration

Situé à proximité d’Aix-en-Provence, à 70 kilomètres au nord de Marseille, Cadarache se trouve pratiquement «devant notre porte», comme l’a souligné avec satisfaction Jean-Pierre Ruder responsable au Secrétariat d’Etat à l’éducation et la recherche. Ce qui facilitera la participation des scientifiques suisses au projet. Dans le domaine de la fusion, ceux-ci disposent en effet d’une expérience déjà vieille de plusieurs décennies.

Au Centre de recherche en physique des plasmas (CRPP) de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), à l’Institut Paul Scherrer de Villigen, en Argovie, et à l’Institut de physique de l’Université de Bâle, pas moins d’une centaine de chercheurs ont travaillé ces dix dernières années sur des projets de fusion, partiellement liés à ITER.

Spécialités suisses pour le futur réacteur: les tubes à micro-ondes qui serviront à chauffer le plasma et leurs équipements auxiliaires, les instruments de mesure, les câbles supraconducteurs et les nouveaux matériaux capables d’endurer un bombardement constant de neutrons.

Sans oublier que le directeur du CRPP, le professeur Minh Quang Tran, a été nommé il y a deux ans président de l’ EFDA (Accord européen pour le développement de la fusion thermonucléaire), ce qui constitue une belle reconnaissance du savoir-faire de l’EPFL dans ce domaine.

Et puis, pour la petite histoire, si les chambres à vide cylindriques qui servent de réacteur de fusion sont une invention russe, le lancement du projet ITER est une retombée directe du sommet historique entre Ronald Reagan et Mikaïl Gorbatchev, tenu à Genève en 1985.

L’énergie du XXIIe siècle

Cela dit, ITER ne sera qu’un réacteur expérimental. La fusion pourra certes ainsi sortir des laboratoires, mais l’exploitation industrielle de cette filière pour produire du courant n’est pas pour demain, tant les défis technologiques restent nombreux.

«Le premier réacteur pourrait donner de l’électricité au réseau dans une cinquantaine d’années, juge prudemment Kurt Appert, vice-directeur du CRPP. Et dans 100 ans, on peut imaginer que 10 à 20% de l’énergie consommée dans le monde serait produite par la fusion».

La perspective d’une énergie propre et inépuisable est donc encore lointaine. Bien trop lointaine pour les mouvement écologistes, Greenpeace en tête, qui dénoncent en ITER un projet «coûteux, incertain et dangereux».

Dangereux notamment parce que Cadarache est située dans une des zones de France où le risque sismique est le plus élevé. Ses promoteurs ne le nient pas, mais promettent de construire des bâtiments capables de résister à un séisme de magnitude 6,5. Comme il ne s’en est encore jamais produit dans cette région.

swissinfo, Marc-André Miserez

Energie «propre», la fusion n’en produit pas moins des déchets «sales».
Les parois du réacteur subissent en effet un bombardement incessant de protons qui en altèrent la structure et les rendent radioactives.
Elles seront donc à remplacer tous les cinq à six ans.
Un des gros défis et de trouver des matériaux qui soumis à ce traitement perdront leur radioactivité au bout de 100 à 200 ans, au lieu des dizaines de milliers d’années nécessaires pour que les déchets des centrales à fission actuelles redeviennent inoffensifs.
Par contre, le risque d’explosion ou de réaction en chaîne est nul dans un réacteur à fusion. En cas de fuite, la réaction s’arrête d’elle-même.

– La fusion thermonucléaire est l’énergie de base de l’univers. C’est elle qui entretient le feu des étoiles.
– Dans les centrales nucléaires classiques, on «casse» de très gros atomes, alors qu’une centrale à fusion fait fusionner des atomes très légers.
– Pour fusionner, les atomes doivent être chauffés à près de 100 millions de degrés. A cette température, la matière se présente comme une sorte de «soupe» de particules élémentaires, nommée plasma.
– Pour éviter que la chaleur du plasma ne vaporise les parois du réacteur, on le confine dans un puissant champ magnétique.
– Le combustible de la fusion se trouve en surabondance à la surface terrestre. Il s’agit du deutérium et du tritium, deux isotopes de l’hydrogène.
– Pour produire la quantité d’électricité consommée annuellement en Suisse, il faut brûler l’équivalent de 30 supertankers de pétrole, d’un train de charbon de 3000 kilomètres de long, de 1000 tonnes d’uranium, ou… de quelques centaines de kilos de deutérium et de tritium.

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