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Du renouveau dans l’aide au développement

Michel Carton veut renforcer les partenariat avec des pays comme le Mali. Keystone Archive

Avec un nouveau directeur, l’Institut d’étude du développement (IUED) de Genève va multiplier les collaborations en Suisse et dans le monde.

Michel Carton veut également revivifier l’idée même de développement, un concept passablement malmené ces derniers temps. Interview.

L’Institut africain de Genève. C’est sous ce nom et en 1961 qu’est né l’actuel Institut universitaire d’études du développement.

Presque un demi-siècle plus tard, ce centre poursuit les mêmes objectifs: l’enseignement et la recherche sur le développement et l’accueil d’étudiants venus des pays du Sud.

Mais avec l’arrivée d’un nouveau directeur – Michel Carton – l’IUED va également ouvrir de nouvelles pistes à Genève, en Suisse et dans le monde.

swissinfo: sur quoi comptez-vous mettre l’accent ces prochaines années?

Michel Carton: Le développement ne peut plus simplement être une perspective à long terme. Elle doit tenir compte de réalités à très court terme, comme les guerres qui se sont généralisées dans le monde.

Nous voulons renouveler cette identité, tout en gardant nos valeurs, nos visions que nous avions dès le départ. Car le monde est toujours inéquitable.

La pauvreté est toujours en train de se développer. Le fossé Nord-Sud existe toujours, même si la pauvreté existe aussi dans les pays riches et la richesse dans les pays pauvres.

Nous devons réfléchir à de nouvelles perspectives, tout en gardant notre identité de départ.

Comme institution, nous avons une autonomie institutionnelle, fonctionnelle et structurelle qui doit se maintenir.

Mais nous voulons développer les partenariats avec d’autres institutions. A Genève, nous allons resserrer les liens avec l’Institut universitaire de hautes études internationales (IUHEI) et certaines facultés de l’Université de Genève.

Dans le reste de la Suisse, nous allons travailler avec l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), l’Université de Fribourg, l’Institut d’ethnologie de Neuchâtel et l’institut tropical de Bâle.

Nous allons également nous rapprocher de l’Institut d’études sociales de La Haye, une école et une ville qui ressemble à plus d’un titre à l’IUED et à Genève.

Enfin, nous voulons nous rapprocher encore plus du Sud. Nous ne pouvons en effet reconstruire nos savoirs et nos analyses du développement en vase clos. Nous allons donc renforcer nos partenariats avec des pays comme le Mali, le Vietnam ou le Pérou.

Sur cette base, nous allons construire – avec nos partenaires – un pôle d’excellence sur les relations internationales et le développement. Un objectif qui s’inscrit dans la politique définie par le secrétaire d’Etat à la science, Charles Kleiber.

swissinfo: Le concept même de développement est en crise, aussi bien au sein des principaux organismes dédiés à ce thème (Banque mondiale, Fond monétaire international) que vu de l’extérieur avec les critiques de la mouvance altermondialiste. Comment vous situez-vous dans cette réflexion?

M.C.: Il y a 40 ans, nous étions qualifiés de tiers-mondistes. L’altermondialisme est peut-être la forme renouvelée de ce concept passé de mode.

Je crois que les questions de développement peuvent se nourrir de ces visions politiques, voire idéologiques. Mais nous développons d’abord une réflexion scientifique sur les phénomènes mondiaux.

Or, le développement qui, il y a 30 ans, signifiait largement croissance économique et développement des infrastructures soulève aujourd’hui de nombreux problème.

Raisonner uniquement en ces termes n’est donc plus suffisant. Il faut également tenir compte des dimensions environnementales sociales, sanitaires et éducatives. Dans beaucoup de pays, nous assistons, par exemple, à un phénomène de déscolarisation.

Le développement est donc effectivement en crise. Mais, contrairement aux années 90, de nouvelles perspectives émergent. D’ailleurs, nos étudiants, comme nos partenaires veulent reconstruire la notion de développement comme une utopie ou – au moins – un espoir.

swissinfo: Dans le même temps, certains pays du Sud passent rapidement du statut de Tiers-monde à celui de poids lourds de l’économie mondiale. Cette réalité ne risque-t-elle pas de faire de l’ombre à la réflexion sur d’autres formes de développement?

M.C.: C’est effectivement un risque. Mais je crois que nos instruments d’analyse en particulier dans le domaine de l’écologie globale restent valides.

Et ce pour mettre en garde des pays comme la Chine ou l’Inde face aux excès des modèles anciens de développement basés sur une croissance à tout prix.

Interview swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

– Les prochaines conférences de l’IUED:

– 7 janvier: où va l’Argentine ?

– 14-15 janvier: ONG : quelle légitimité ?

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