Des perspectives suisses en 10 langues

Histoire et archives à Berne

Le professeur Christoph Graf. swissinfo.ch

Les Archives fédérales, créées lors de la République helvétique de 1798, constituent la mémoire de l'Etat.

Christoph Graf en est le directeur. Egalement professeur d’histoire à l’université de Berne, il évoque l’importance de la recherche historique.

Le bâtiment des Archives fédérales se trouve dans un quartier résidentiel de la ville de Berne. Le sous-sol de cette austère bâtisse abrite, sur quatre niveaux, les 50 kilomètres linéaires de documents constituant la mémoire de la Suisse depuis 1798.

En historien passionné, Christoph Graf veille sur ce trésor depuis sa nomination au poste de directeur des Archives fédérales en 1991: «J’ai toujours été intéressé par la société et je me suis rendu compte très jeune qu’on ne peut pas résoudre ses problèmes sans en connaître son histoire», explique-t-il.

Selon lui, cette science s’est beaucoup développée «au niveau quantitatif grâce à la multiplication des ressources à disposition, et au niveau qualitatif, grâce aux nombreuses interconnections entre les différentes branches de l’histoire en tant que science sociale».

L’histoire suisse revisitée

Pendant longtemps, la tendance a été à l’idéalisation du passé, comme Christoph Graf le précise: «Notre conscience historique était faite de mythes tels que les 700 ans de la Confédération célébrés en 1991. Mais depuis le rapport Bergier sur la Seconde Guerre mondiale, passablement de gens ont réalisé que notre passé était beaucoup plus complexe».

Dans ce contexte, les Archives fédérales ont joué un rôle décisif en mettant à disposition les fonds d’archives et l’infrastructure informatique. Mais également en apportant des conseils, ou en effectuant des analyses.

L’homme est-il capable de retenir les leçons de l’Histoire? «Il y un scepticisme justifié là autour, admet le professeur, mais je crois qu’il est capable de tirer des conclusions indirectes. Plus au niveau de son rapport à l’Histoire que de l’Histoire elle-même. Pour preuve, on a appris beaucoup des discussions sur la Deuxième Guerre mondiale».

Peut-être cette expérience sera-t-elle mise à profit dans le futur. Par exemple à propos des rapports ambigus entre la Suisse et l’Afrique du Sud, au temps de l’apartheid: «C’est une sorte de suite, à un niveau inférieur, aux débats sur le rôle de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale», relève Christoph Graf.

Perspectives

La connaissance du passé permet-elle d’émettre des prévisions? «L’historien n’est jamais un prophète. Il peut tout au plus imaginer certaines tendances sur la base de ses connaissances historiques».

Sur cette base, Christoph Graf imagine que le processus d’intégration de la Suisse en Europe continuera à nous préoccuper car «nous ne sommes pas encore suffisamment intégrés au niveau politique, malgré notre intense intégration économique».

Autre thème sensible, la globalisation. Le professeur Graf précise: «Pour moi, le grand défi sera la confrontation entre le Nord et le Sud, parce que nous, gens du Nord, vivons manifestement au détriment du Sud. Nous allons être confrontés à de sérieux problèmes».

L’historien ne joue pas un rôle politique, mais il détient une responsabilité politique au sens large du terme. C’est à lui de sensibiliser les décideurs et le grand public aux problèmes que pourrait poser notre passé récent.

Sciences humaines et sociales, parents pauvres?

Pour le professeur, il y a un réel danger de déclin pour la place scientifique suisse. «Il faut différencier les branches. Dans certains domaines, notre pays est à la pointe, alors que nous avons un retard considérable dans les sciences sociales – en particulier l’histoire – en comparaison à d’autres pays».

Tout en précisant qu’il est avant tout directeur des Archives fédérales, Christoph Graf estime qu’il y a de sérieux problèmes de relève. «La promotion des jeunes chercheurs a été négligée. Le danger existe que les sciences humaines et sociales soient de plus en plus marginalisées par rapport aux sciences exactes, pour lesquelles l’infrastructure coûte très cher».

swissinfo/Yves Pillard

Bio express:

– Christoph Graf naît en 1944.

– De 1963 à 1970, il étudie l’histoire et la philologie aux universités de Berne, Göttingen et Berlin.

– De 1972 à 1977, il est collaborateur scientifique occupé à différents travaux de recherche pour le Fonds national suisse (FNS)

– En 1983, il fait sa thèse d’habilitation sur le thème «police politique, entre démocratie et dictature».

– Depuis 1991, il est directeur des Archives fédérales suisses.

– Depuis 1991, il est professeur aux universités de Bâle et de Berne.

– De 1992 à 2000, il occupe le poste de vice-président de l’«International Council on Archives» et il est président de la CITRA (International Conference of the Round Table on Archives.

– Depuis 1995, Christoph Graf est vice-président de l’association nationale pour l’héritage audiovisuel.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision