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«La montagne nous concerne tous»

Pour Bruno Messerli, l'avenir des montagnes concerne l'humanité entière. swissinfo.ch

Professeur émérite de l'Université de Berne, Bruno Messerli est depuis des années un des avocats les plus célèbres de la montagne.

Et ce grand amoureux des sommets ne comprend toujours pas pourquoi la Suisse n’a pas signé la Convention alpine.

A 71 ans, Bruno Messerli s’est vu décerner, il y a deux mois, le Prix Vautrin Lud. Remis dans le cadre du Festival de la Géographie organisé en France, cette récompense équivaut à une sorte de Nobel de la géographie.

Parallèlement, le professeur bernois a reçu la Médaille des Fondateurs remise par la Royal Geographical Society britannique. Une décoration qui avant lui avait honoré des explorateurs aussi célèbres que Stanley ou Livingstone.

swissinfo: Bruno Messerli, vous êtes déçu du manque d’écho qu’a eu cette Année de la montagne en Suisse. Pourquoi?

Bruno Messerli: Peut-être que l’on a davantage insisté sur les montagnes des pays en développement que sur les problèmes des Alpes.

Mais si l’on est parvenu à faire comprendre à quel point les ressources des montagnes sont précieuses, alors, l’exercice est réussi.

Pour moi, l’objectif de cette année était de sensibiliser le public et les responsables au fait que les montagnes ont une importance pour l’humanité entière, et que nous avons besoin d’une politique de la montagne.

Les problèmes qui vont se poser à l’avenir ne pourront plus être résolus sur des bases uniquement nationales.

Que voulez-vous dire par là?

B. M.: On ne peut pas protéger ses montagnes tout seul dans son coin. Les mesures de protection passent aussi par une meilleure utilisation des ressources.

Les montagnes doivent pouvoir nourrir leurs habitants. Il faut donc que la chose reste économiquement intéressante.

Et c’est là le grand défi: d’une part, il faut ménager les ressources disponibles, et de l’autre, il faut que les habitants des montagnes comprennent cette nécessité et en tirent les conséquences pratiques.

Je pense que cet appel a été entendu. Et dans ce sens, l’Année de la montagne a été un succès.

La tâche est énorme. La Suisse vous semble-t-elle prête à y faire face, alors qu’elle n’a même pas signé la Convention alpine?

B. M.: Cette question me travaille beaucoup. La Suisse a joué un rôle central dans cette Année de la montagne, et particulièrement lors de la conférence de clôture à Bichkek, au Kirghizstan. De plus, sans la Suisse, les montagnes auraient été oubliées de l’Agenda 21.

A ce propos, je trouve dommage que lors du vote d’adhésion à l’ONU, on n’ait pas suffisamment expliqué aux Suisses comment un si petit pays peut jouer un aussi grand rôle dans la communauté internationale.

Et la Convention alpine?

B. M.: Lorsque des collègues de l’Himalaya ou des Andes me demandent de leur envoyer de la documentation sur la Convention alpine, il m’est extrêmement pénible de devoir leur répondre que je peux bien leur envoyer des documents, mais que mon propre pays n’a pas compris l’enjeu. Pourtant, les expériences acquises en zone de montagne concernent tout le monde. Ici, je trouve l’attitude de la Suisse carrément choquante.

Les pays alpins pourraient livrer des modèles applicables au monde entier. Et c’est précisément la Suisse qui bloque le processus.

Pourquoi donc sommes-nous incapables de comprendre que notre tâche va bien au-delà de la défense de petits intérêts particuliers, qui par ailleurs ne sont même pas légitimes?

En parlant de la sorte, vous quittez le terrain de la géographie des montagnes pour entrer dans celui de la politique…

B. M.: Lorsque l’on parcourt les montagnes du monde – comme je l’ai fait tout au long de ma vie -, on commence à voir où sont réellement les problèmes.

Selon moi, si le développement se poursuit de manière aussi incontrôlée, l’humanité a beaucoup à y perdre. Alors il faut maintenant prendre son courage à deux mains et amener ces questions dans l’arène politique.

Et vous savez, je trouve fascinant d’essayer de donner des bases scientifiques au débat politique.

swissinfo/propos recueillis par Urs Maurer

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