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Quand le climat détourne les oiseaux migrateurs

Le milan royal: les ornithologues en ont observé mille cet hiver, en Suisse. Bernard Lugrin/www.vogelwarte.ch

Pour quelque cinquante millions d'oiseaux, les migrations passent par la Suisse ce printemps. Certains retournent plus au Nord, d'autres viennent nicher.

Mais en raison du réchauffement climatique, tous les migrateurs n’ont pas bougé cet hiver.

La migration des oiseaux est un éternel recommencement. A peine achevée, elle reprend. Mais de la mi-février à la mi-mai, puis de la fin juin à la mi-novembre, elle atteint des sommets.

Chaque année, 100 millions d’oiseaux se retrouvent dans le ciel helvétique en automne, et 50 millions au printemps. L’estimation émane de la Station ornithologique suisse, aidée par les radars militaires.

Cette décrue printanière, le chef de la centrale ornithologique romande l’explique facilement.

«Les jeunes sont au départ en automne. Mais beaucoup périssent en chemin. La première année est toujours critique. S’ajoutent à cela les pertes à tous les âges durant l’hivernage», souligne Bertrand Posse.

Sensibles au réchauffement

Cet hiver, comme chaque année, de nombreux oiseaux nicheurs de Suisse ont gagné le sud de l’Europe, voire l’Afrique du Sud pour certaines hirondelles.

Tous sont sensibles au réchauffement climatique. Mais les ornithologues parlent pour l’heure de tendance plutôt que de réactions scientifiquement avérées.

Les migrateurs vers les pays du sud de l’Europe et la Méditerranée par exemple tendent à repousser leur départ ou à rester en Suisse durant l’hiver. C’est le cas du pigeon ramier, du rouge-queue noir, de la fauvette à tête noire ou des bergeronnettes.

Quant aux migrateurs vers l’Afrique, ils tendent étonnamment à regagner l’Europe plus tôt pour nicher, avant de repartir en avance.

Le cas du serin cini est emblématique de l’impact du réchauffement climatique. Totalement absent d’Europe centrale il y a deux cent ans, ce petit oiseau jaune passe parfois l’hiver en Suisse et niche dorénavant en Scandinavie.

En Suisse, les ornithologues ont également observé mille milans royaux, cet hiver. Ce migrateur semble lui aussi de plus en plus à l’aise dans notre saison froide.

Mais dans son cas, l’impact du réchauffement du climat serait secondaire. Ces dernières années, des privés ont organisé des nourrissages, explique Hans Schmied, spécialiste à la Station ornithologique suisse.

Et du côté de l’Espagne où le milan royal migre, les déchets des abattoirs ne lui sont plus offerts. S’ajoute à cela la pression de la chasse et les modifications du milieu.

«Ce sont surtout les jeunes qui partent en Espagne, explique Hans Schmied. Les plus âgés tendent à rester. Peut-être est-ce là l’effet d’expériences défavorables».

Dépendants du climat

Reste que le climat justifie la migration des oiseaux. Pas le froid en lui-même, mais plutôt son impact sur les quantités de nourriture.

De l’insectivore au prédateur de celui-ci, en passant par le granivore, chacun voit son stock de pitance diminuer durant la mauvaise saison. D’où la solution sans doute programmée génétiquement d’aller voir au Sud.

La migration est un même besoin en Europe du Nord. Et beaucoup d’individus, surtout les oiseaux d’eau qui fuient le gel, hivernent en Suisse.

Cette année, les canards et autres grèbes se sont fait plus rares en raison du niveau élevé de nos lacs. Par contre, les ornithologues ont observé une population record d’oies cendrées.

La quantité de nette rousse – petit canard à bec rouge et tête rousse pour le mâle – a elle aussi battu tous les records. La qualité en amélioration des eaux de nos lacs a attiré 14’000 individus, soit la moitié de la population d’Europe de l’ouest.

Parmi les espèces rares ayant choisi la Suisse cette année, on compte la grue cendrée – exceptionnelle – la cigogne noire – troisième cas recensé – ou le phalarope à bec large – premier hivernage en Suisse.

Ainsi qu’un fou de bassan faisant honneur à son nom puisqu’on le rencontre d’ordinaire sur les côtes atlantiques.

swissinfo, Pierre-François Besson

– Dans le ciel suisse, les migrations mobilisent 100 millions d’oiseaux en automne et 50 millions au printemps.

-Les ornithologues décèlent l’influence du réchauffement climatique sur les migrations.

– Les quantités variables de nourriture expliquent le phénomène migratoire.

– La Suisse a accueilli plusieurs espèces rares cet hiver, dont la cigogne noire, le phalarope à bec large et le fou de bassan.

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