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Rien ne va plus pour beaucoup de joueurs

Avec l'ouverture des nouveaux casinos, d'aucuns craignent une augmentation importante des malades du jeu.

«J’ai commencé à jouer dans les casinos par hasard, lors d’un voyage en Allemagne avec quelques amis. Et puis, pendant trois ans, j’ai vécu l’enfer. Je me rendais à n’importe quelle occasion dans les maisons de jeu. Je pouvais y passer 14 à 15 heures en une seule journée.»

30 000 à 40 000 malades

Marco est l’une des nombreuses victimes du jeu. Selon une étude de l’université de Genève, 30 000 à 40 000 personnes souffrent, en Suisse, de cette dépendance. Et avec l’ouverture de casinos, dès ce jeudi, ce chiffre risque de prendre l’ascenseur.

Marco a réussi à s’en sortir. Il fréquente depuis deux ans un centre de thérapie pour personnes dépendantes du jeu, à Bâle. Mais son vice a détruit sa vie privée et professionnelle. Au total, il estime avoir «grillé» 350 000 francs.

Dans les prochaines années, ces centres d’assistance et de thérapie devraient jouer un rôle croissant.

Casinos impliqués dans la prévention

En effet, la loi contraint les casinos à adopter différentes mesures de prévention pour endiguer les conséquences sociales prévisibles de la libéralisation actuelle.

Parmi ces mesures, l’obligation de collaborer étroitement avec les associations spécialisées dans ce domaine. «Une bonne initiative», estime Peter Küllmer.

Mais le responsable du centre d’assistance de Münchenstein, près de Bâle, ajoute que les coordonnées des centres d’assistance devraient être signalées clairement dans les maisons de jeu.

Les casinos sont également tenus d’intervenir dès qu’ils repèrent une personne victime de la manie du jeu. Ce qui implique que le personnel doit être formé.

Cette mesure ne sera pas forcément efficace, lance Marco. «Contrairement aux personnes dépendantes de l’alcool ou des stupéfiants, ceux qui souffrent de la dépendance au jeu ne se reconnaissent pas facilement», affirme Marco.

Généralement, «ils arrivent au casino bien habillés. Et cela, même s’ils sont déjà endettés jusqu’au cou»

En cas de doute, le personnel doit donc discuter avec le joueur. Pour vérifier, entre autres, sa situation financière. La maison de jeu peut même, in fine, imposer une interdiction d’entrée.

Toutes les classes sociales touchées

La manie du jeu n’épargne aucune classe sociale, affirme Peter Küllmer sur la base de sa longue expérience. Les voies qui mènent à cette «drogue» sont multiples.

«On s’enfonce dans la manie du jeu pour s’offrir un plaisir, mais aussi pour se libérer de ses frustrations ou du stress, raconte Marco. Parfois, après avoir conclu une bonne affaire au travail, je m’accordais une soirée au casino, comme une sorte de récompense.»

Pour sortir de cette impasse, le joueur doit tout d’abord reconnaître l’existence de son problème. Il doit aussi vaincre son sentiment de honte et ne plus se réfugier dans le mensonge.

Augmentation des suicides

L’aide qui est ensuite proposée est essentiellement basée sur la discussion entre joueurs et anciens joueurs. Et pour être efficace, une thérapie doit être accompagnée de la mise sous tutelle de la personne. L’initiative doit venir du joueur lui-même.

La libéralisation actuelle du marché des jeux risque d’avoir des conséquences catastrophiques pour des milliers de joueurs et leurs familles.

Au Québec, neuf ans après la réouverture des casinos, un rapport met en évidence une augmentation dramatique des cas de suicide et de dépression.

Selon Peter Küllmer, l’appauvrissement de certains joueurs conduira certainement aussi à des actes criminels et au recours à des activités illégales pour financer la manie du jeu.

La Confédération dépassée

Face à de tels scénarios, les mesures d’intervention prévues jusqu’à présent par la Confédération ne semblent pas suffisantes.

Dans un premier temps, la prévention est confiée aux casinos eux-mêmes. Un peu comme si l’on demandait à l’industrie du tabac d’adopter des mesures contre la consommation de cigarettes.

«Cela peut en effet sembler paradoxal», admet Bernhard Meili, responsable du secteur prévention à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Mais, dit-il, «la Commission fédérale des maisons de jeu est chargée de surveiller cette activité des casinos.»

Et la Confédération pourrait introduire à son tour des mesures. Reste à savoir si elles n’arriveront pas trop tard, comme le craint Peter Küllmer: «pour le moment, les autorités se réjouissent surtout de l’augmentation de leurs rentrées fiscales. Mais personne ne semble se soucier des coûts provoqués par la fièvre du jeu.»

swissinfo/Armando Mombelli

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