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SHAC… «Des actions totalement contreproductives»

Le 3 août, le chalet de Daniel Vasella dans le Tyrol autrichien a été la proie des flammes. Keystone

Les actions du groupe de défense des animaux SHAC contre Novartis font sortir les philosophes du bois. Klaus Peter Rippe, directeur de la société «Ethik im Diskurs» et président de la Commission zurichoise sur les expériences sur les animaux, en appelle à une discussion publique.

Peut-on justifier le «mal» lorsque celui-ci s’exerce contre le «mal»? C’est, grossièrement dit, la question posée par les actes criminels imputés à l’organisation «SHAC», un mouvement qui mène une campagne contre un laboratoire d’expérimentation animale anglais avec lequel Novartis travaillerait.

Le patron de Novartis Daniel Vasella est l’objet d’attaques que lui-même qualifie de «terroristes». Novartis nie travailler avec Huntington. Le point sur les questions de dignité animale et de droit des animaux et des êtres humains avec le philosophe Klaus Peter Rippe.

swissinfo.ch: En tant que président de la commission zurichoise sur les essais animaux, aviez-vous déjà entendu parler du mouvement SHAC?

Klaus Peter Rippe: Nous connaissons mieux le mouvement PETA, «People for ethical treatment of animals», qui a fait un énorme travail pour dénoncer les méthodes de l’Institut Huntington, mais en respectant toujours les lois. SHAC a clairement décidé d’outrepasser les lois pour dénoncer ce qu’il considère comme une inégalité insupportable entre êtres humains et animaux.

swissinfo.ch: Cette volonté d’égalité absolue n’a-t-elle pas quelque chose de fascisant?

K.P. R.: Non, je ne le crois pas. Le mouvement récuse toute violence physique contre les humains. Mais il viole des tombes, brûle des chalets et menace les personnes…

La volonté d’égalité parfaite, où les animaux ont les mêmes droits que les êtres humains, est une utopie. C’est le désir d’un monde paradisiaque et en paix, mais qui ne résout pas la question éthique fondamentale des essais sur les animaux ou des essais médicaux en général: a-t-on le droit d’utiliser un animal ou une personne pour, potentiellement, en sauver des dizaines d’autres?

swissinfo.ch: Le laboratoire Huntington étant connu pour des pratiques douteuses, puisqu’il a même déjà été condamné, n’est-il pas, en quelque sorte, juste de lutter contre lui? Il y a quelques années, Roche a résilié sa collaboration avec cet institut suite à des menaces de SHAC. Cela semble marcher…

K.P. R.: La question de la violation du droit, lorsqu’il est considéré comme immoral, pour défendre une cause morale jugée supérieure existe depuis toujours. Elle s’est posée pour l’esclavage, entre autres.

Dans le cas présent, outre leur légitimité douteuse, on peut se demander si ces violations atteignent leur objectif. On ne parle pas des excès du laboratoire Huntington car il s’agit d’abord d’éloigner les menaces pesant sur des personnes visées par SHAC.

swissinfo.ch: Certaines pratiques sont interdites en Suisse. Qu’en est-il des entreprises suisses travaillant avec des instituts à l’étranger?

K.P. R.: L’Académie suisse des sciences médicales préconise de ne pas mener à l’étranger des tests sur animaux qui seraient prohibés en Suisse. Novartis est une entreprise internationale. On ne sait pas si ce sont des filiales étrangères qui travaillent avec le laboratoire Huntington.

swissinfo.ch: En Suisse, comment jugez-vous la situation?

K.P. R.: Le système des commissions cantonales sur les essais sur les animaux est un bon système. En Suisse, ces commissions ne sont pas composées de groupes de représentants qui votent les uns contre les autres, comme en Allemagne. Les autorités suivent nos recommandations dans 90 à 95% des cas.

swissinfo.ch: La Suisse a-t-elle une pratique restrictive en matière d’essais sur les animaux?

K.P. R.: Non, mais les commissions recommandent le plus souvent des adaptations par rapport aux demandes de tests, et, souvent, également, la diminution du nombre d’animaux concernés. Quant aux effets de la révision de la loi, qui vient d’entrer en vigueur, il faut encore attendre quelque temps avant de les juger.»

Ariane Gigon, Zurich, swissinfo.ch

Daniel Vasella. Fin juillet, à Coire, l’urne funéraire de la mère de Daniel Vasella, patron de Novartis, a été déterrée et emportée. Les mots «Drop HLS Now» étaient inscrits sur la pierre tombale. «HLS» est l’acronyme de Huntington Life Sciences.

SHAC. Daniel Vasella a mis en cause le mouvement SHAC, «Stop Huntington Animal Cruelty» (SHAC) qui se bat principalement contre l’Institut Huntington, un laboratoire anglais d’expériences sur les animaux déjà condamné par la justice anglaise, notamment pour corruption.

Incendie. Quelques jours plus tard, la maison de vacances de ce Daniel Vasella dans le Tyrol était incendiée.

Roche. Novartis affirme ne plus travailler avec le laboratoire Huntington depuis des années. Selon le «Tages-Anzeiger», l’entreprise Roche a également subi des menaces de mort il y a quelques années et avait stoppé toute collaboration avec Huntington.

Reproches. Le dimanche 9 août, Daniel Vasella s’est plaint dans la presse d’être délaissé par les autorités. «La question est toujours de savoir jusqu’à quel point une menace doit devenir grave avant d’être prise au sérieux. La tentation est grande d’en faire une bagatelle, de la lénifier ou de faire preuve de compréhension», a-t-il déclaré au «SonntagsBlick»

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