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Le bénévolat, la passion des expatriés

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Le visage des immigrants a changé en Suisse avec la libre circulation des personnes. Dans les centres urbains, la majorité des nouveaux venus ont un haut niveau de formation. Surprise: nombre d’entre eux cherchent à s’engager bénévolement.

«On ne pouvait pas toujours dire non!» Hubert Kausch, responsable du bénévolat à la Croix-Rouge (CRS) cantonale zurichoise, revient ainsi sur l’idée de créer une offre spécifique de travail bénévole pour les «expats». Car les demandes de personnes fraîchement arrivées à Zurich, voulant s’engager socialement mais ne maîtrisant pas l’allemand, se multipliaient. Sans programme ad hoc, la CRS se désolait, mais ne pouvait faire autrement que de secouer négativement la tête.

L’idée est alors née de proposer à ces immigrés hautement qualifiés des actions de collectes de fonds. Un groupe a vu le jour fin 2011. En mai dernier, une loterie organisée à Zurich a permis de rapporter 5000 francs.

Entretemps, une quinzaine de personnes – la composition du groupe est très volatile – s’engage pour des actions de «fundraising», en collaboration avec l’école internationale de Winterthour, ou lors d’une course à pied par exemple. En 2013, la CRS zurichoise prévoit de permettre à des entreprises de participer à une course pédestre avec l’objectif de récolter des fonds.

Depuis l’entrée en vigueur des accords sur la libre circulation des personnes, le visage de l’immigration a changé en Suisse.

«A Bâle, la majorité des arrivants – 60% – sont hautement qualifiés et 40% font partie du groupe qui était autrefois majoritaire, celui des travailleurs peu ou pas qualifiés, explique Nicole von Jacobs, déléguée à l’intégration de Bâle-Ville.

Si le terme d’«expat» est, officiellement, réservé aux personnes bénéficiant d’un contrat de travail limité dans le temps dans une entreprise internationale, il s’est imposé pour tous les travailleurs étrangers hautement qualifiés.

Les «expats» classiques bénéficiaient aussi d’une prise en charge quasi totale de la part de leur employeur – logement, écolage des enfants, offre en loisirs.

Ces contrats coûtent cependant très cher et les entreprises internationales ne les octroient plus aussi généreusement que par le passé.

Emballage de cadeaux

Ce samedi de décembre, peu avant Noël, l’Irlandaise Hazel et le Néerlandais Arjen, tous les deux trentenaires, emballent des cadeaux dans un commerce de Winterthour. Les fonds sont destinés à un programme “santé et social” de la CRS zurichoise. Hazel ne sait pas l’allemand, Arjen se débrouille bien.

Les gens font-ils des remarques sur l’anglais d’Hazel? «Non, pas vraiment, répond la jeune femme, un sourire indéfectible sur le visage. Et avec Arjen, nous sommes de toute façon couverts.» La collecte a rapporté quelques centaines de francs, précise Andrea Ramseier, coordinatrice de l’action pour la CRS zurichoise.

«C’est un succès, ajoute-t-elle, car le commerce [qui ne veut pas être nommé, ndlr] était très heureux de notre service et les clients ont en général pris le temps de lire nos posters.» La Croix-Rouge genevoise organise également, depuis des années, une action bénévole d’emballage des cadeaux dans les librairies Payot.

La Croix-Rouge, une «marque»

Pour Hazel et Arjen, comme pour beaucoup d’expats, la Croix-Rouge est une adresse toute naturelle. «Nous sommes vraiment une marque internationale et, souvent, les expats ont déjà travaillé avec la Croix-Rouge dans leur pays d’origine», note Andrea Ramseier. A Amsterdam, Arjen a ainsi participé à des rencontres avec des personnes âgées organisées par cette organisation.

La tradition du bénévolat et, plus généralement, de la charité, est particulièrement forte dans les pays anglo-saxons. Hazel, qui est peintre, était déjà bénévole en Irlande, avant de suivre son mari à Zurich. Elle travaillait dans un hôpital pour enfants. «Le bénévolat est une grande opportunité pour rencontrer des gens», affirme-t-elle.

Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), 1,5 million de personnes en Suisse, soit un habitant sur quatre, exercent au moins une activité non rémunérée dans le cadre d’organisations ou d’institutions.

Les hommes sont plus engagés dans ce bénévolat organisé que les femmes (28% contre 20%).

Le travail bénévole au profit d’organisations et d’associations varie beaucoup d’une région à l’autre. La part des bénévoles est ainsi plus élevée en Suisse alémanique qu’en Suisse romande et que dans les régions italophones du pays.

Le pourcentage des bénévoles est plus élevé dans les communes rurales et les communes de moins de 1000 habitants que dans les régions urbaines et les communes de relativement grande taille.

Selon la Croix-Rouge zurichoise, les expats anglophones ont parfois de la peine à se faire accepter dans les sociétés de villages fonctionnant selon des codes traditionnels.

Outre le bénévolat organisé, l’OFS recense le bénévolat dit informel, qui recouvre l’aide au voisinage, la garde d’enfants et les services et les soins à des membres de la parenté ou à des connaissances qui ne vivent pas dans le même ménage.

21% de la population résidante de 15 ans ou plus, soit quelque 1,3 million de personnes, rend bénévolement de tels services à des tiers.

Les femmes s’impliquent davantage dans ce type d’activités que les hommes (26% contre 15%).

L’importance du dialecte

Le bénévolat comme moyen d’intégration: c’est aussi une des découvertes faites à Bâle dans le cadre d’un projet sur les expats à haut niveau de formation. Une plateforme d’échanges pour bénévoles est en préparation au sein de l’initiative BaselConnect.

Lieneke, une Hollandaise ayant suivi son mari à Bâle, est parmi les chevilles ouvrières du projet. Mais elle n’a pas attendu pour se mettre au travail – bénévolement.

«Nous sommes arrivés il y a 11 mois, dit-elle dans un allemand déjà excellent. J’ai immédiatement fait des offres car je considère que le bénévolat est un excellent moyen de s’intégrer. Au début, on m’a pourtant opposé une fin de non-recevoir car je ne sais pas le dialecte. Or, à Bâle, il faut vraiment savoir le suisse-allemand…»

C’est peut-être aussi la raison pour laquelle, au début, les associations de bénévoles bâloises ont vu les nouveaux bénévoles «d’un mauvais œil», selon une collaboratrice des services d’intégration. Mais, ajoute-t-elle, ils sont aujourd’hui bien acceptés.

«Accepter de ne pas tout comprendre»

Finalement, Lieneke a pu offrir ses services à la Fondation Ronald-McDonald qui permet aux parents de rester auprès de leurs enfants malades à l’hôpital, puis à la Fondation Melchior, qui soutient des personnes avec des maladies psychiatriques. Elle a fini par obtenir un emploi dans la fondation.

«Si on se montre intéressé, si on ne complique pas tout et si on accepte de ne pas tout comprendre, on reçoit beaucoup de choses, estime Lieneke. Les gens sont très intéressés par notre travail de bénévoles et ils sont très heureux que les étrangers s’engagent socialement.»

Pas de «jours sociaux» en Suisse

La ville de Zurich, qui a également un site internet consacré au bénévolat, est elle aussi confrontée à une avalanche de demandes de candidats bénévoles. «Des entreprises nous contactent pour savoir si nous avons des travaux à proposer pour de grandes groupes d’anglophones», à l’image des « social days » anglo-saxons organisés dans la cuisine d’un home par exemple, expliquent les services sociaux de la ville. Un groupe de travail interdépartemental planche sur ces nouvelles questions.

Dans le commerce de Winterthour où les bénévoles de la Croix-Rouge emballent cadeau sur cadeau, une jeune femme roumaine, Elena, vient se présenter à Hubert Kausch pour participer au programme de bénévolat. «Tous mes amis skient, moi pas, et j’aimerais bien faire quelque chose d’utile!» explique-t-elle.

«Les bénévoles étrangers ont une très forte volonté à s’engager, conclut Hubert Kausch. Ils sont guidés par leur principe moral de redonner à la société ce qu’ils en ont reçu, et, ce qui est un avantage pour nous, ils sont aussi indépendants et savent s’organiser. Jeunes, très actifs dans leur profession, ils ont d’excellents contacts et thématisent la Croix-Rouge à merveille. Le bénévolat est aussi, j’en suis sûr, une contribution à leur intégration en Suisse.»

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