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Les Suisses déminent seuls le Tadjikistan

Les démineurs sur le terrain... (Ian Hamel)

La Fondation suisse de déminage (FSD) est la seule organisation spécialisée présente au Tadjikistan, le pays le plus pauvre d'Asie centrale, voisin de l'Afghanistan.

Pour médiatiser son action, entreprise depuis 2002, la FSD a invité Christa Rigozzi trois jours dans la capitale Douchanbe. Miss Suisse 2006 est en effet bien connue dans les trois régions linguistiques de son pays.

Comment faire parler du Tadjikistan, cette ancienne république soviétique, dépourvue de matières premières, et inconnue du grand public ? Et à partir de là, obtenir que la communauté internationale se penche davantage sur ce pays montagneux, vaste comme quatre fois la Suisse, que la guerre civile et les conflits environnants, ont parsemé de mines.

La Fondation suisse de déminage (FSD), fondée en 1997 à Lausanne, basée aujourd’hui à Genève, a eu l’idée d’inviter la Tessinoise Christa Rigozzi, Miss Suisse 2006, dans le pays le plus misérable d’Asie centrale (le PIB par habitant n’y dépasse pas 350 dollars). A son retour, la jeune femme, qui maîtrise l’italien, le français et l’allemand, témoignera dans toutes les régions linguistiques de Suisse

25 millions de m2 contaminés

«Quand la FSD m’a contactée pour que je participe à ce voyage, j’ai un peu hésité pour des raisons de sécurité, sachant que le Tadjikistan est proche de l’Afghanistan. Et puis j’ai accepté», explique la blonde étudiante en communication à l’université de Fribourg. La Fondation a également invité Jean-Philippe Rapp, journaliste et producteur, directeur du Festival international Médias Nord Sud.

La FSD, active dans de nombreux pays comme le Laos, le Soudan ou le Liban, est la seule ONG, spécialisée dans le déminage, présente au Tadjikistan. L’année dernière, elle a pu déminer 1,3 million de m2, éliminant 1087 mines et 51 résidus d’engins non explosés. Le problème, c’est que selon le Tadjikistan Mine Action Centre, il y aurait 25 millions de m2 contaminés par les engins de mort.

Mutilé à la frontière afghane

A ce rythme, il faudra plus d’une dizaine d’années avant que ce pays, à 93 % montagneux, soit «libéré» des mines qui tuent ou mutilent des paysans dans leurs champs ou des enfants partis ramasser du bois. «Notre budget est cette année de 1,9 millions de dollars. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), notre principal soutien, nous laisse espérer une augmentation de 80 % l’année prochaine», souligne Benedikt Truninger, directeur adjoint de la FSD.

Au centre orthopédique de Douchanbe, tenu par le Croissant Rouge tadjik et le CICR, Hossein est venu pour un contrôle de sa prothèse. Il a perdu sa jambe droite en 1994. Militaire, il patrouillait à la frontière avec l’Afghanistan. Après une explosion, Hossein se retrouve à terre. Il tente de se relever pour porter secours à d’autres soldats. Il n’y parvient pas. «Je me suis alors aperçu que j’avais perdu une jambe. Mes cinq autres camarades étaient morts. Nous avions sauté sur des mines», raconte cet homme encore jeune.

Depuis, Hossein, ancien conducteur de tracteur, père de cinq enfants, n’a plus retrouvé de travail. «Ces mines sont une horreur absolue. Elles sont davantage posées pour mutiler que pour tuer. La victime doit être assistée tout le reste de sa vie par sa famille», dénonce le journaliste Jean-Philippe Rapp.

Aveugle après une explosion

Les mines ont d’abord été posées par les Soviétiques, engagées dans le bourbier afghan. Puis à la frontière avec l’Ouzbékistan, un autre voisin, également ancienne république soviétique, qui entretient d’exécrables relations avec le Tadjikistan. Enfin, pendant la guerre civile, qui a fait plus de 100’000 morts entre 1992 et 1997, anciens communistes et islamistes ont parsemé le centre du pays de dizaines de milliers d’engins explosifs.

Mehrali, un jeune Tadjik de 20 ans, démineur à la FSD, a été très gravement blessé l’année dernière par l’explosion d’une mine dans la région de Gharm, au nord du pays. Il y a notamment perdu la vue. Christa Rigozzi souhaite faire appel à la générosité des Suisses afin qu’ils aident Mehrali à acquérir un petit appartement à Douchanbe. Dans la capitale, il pourra au moins recevoir des soins réguliers. Actuellement, l’ancien démineur vit isolé dans le Pamir, la région la plus escarpée et la plus démunie du Tadjikistan.

«Il est essentiel que nous aidions ce pays à se stabiliser et à se développer. N’est-il pas sur la route entre l’Europe et la Chine ? Si nous ne faisons rien, les populations nous tournerons un jour le dos», prévient Matthias Anderegg, de l’agence consulaire suisse à Douchanbe, responsable du «Disaster reduction program» en Asie centrale.

swissinfo, Ian Hamel de retour de Douchanbe

Arrivée au Tadjikistan en 2002, en partenariat avec l’OSCE.

Création d’un centre de chiens détecteurs de mines en 2006, entraînés par des maîtres-chiens tadjiks.

La Fondation salarie 128 personnes dans le pays. A cela s’ajoutent quatre experts expatriés.

Le budget de 1,9 millions de dollars est notamment financé par l’OSCE (300’000 dollars), l’Allemagne (300’000), le Canada, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis.

En 2006, les habitants de Chorcharog, dans la vallée de Rasht, ont pu planter un verger, bénéficiant à 180 personnes, dans une région déminée.

Indépendance proclamée en 1991. Emomali Rakhmonov, ancien président du Parlement, président de la République depuis 1994.

Guerre civile entre 1992 et 1997 entre anciens communistes et islamistes. Plus de 100’000 morts.

6,5 millions d’habitants, majoritairement musulmans sunnites. 64 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

15e producteur mondial de coton. Cultures de céréales, de tomates, d’oignons et de pastèques.

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