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Les surplus de patates iront au bétail

Les grandes patates n'ont plus la cote en Suisse. RDB

2011 pourrait bien être une année record pour les patates. Mais les paysans doivent déchanter: la grande distribution fait pression sur les prix et l’industrie de transformation ne veut rien savoir des pommes de terres inhabituellement grosses, qui feront la joie du bétail.

La «charlotte» fait entre 60 et 120 millimètres. Mais voilà que ce grand classique, ce fleuron de l’assiette helvétique, n’a plus le droit de mesurer beaucoup plus que 60 millimètre, et en tout cas plus du tout 120 millimètres.

Autrement, elle est trop grande pour les rayons des grands distributeurs comme pour les casseroles des consommateurs, qui exigent des calibres de plus en plus petits. En revanche, les pommes de terre industrielles transformées en frites ou en chips ont encore le droit d’être un peu plus grosses.

Un vrai temps à pommes de terre

Et pourtant, un printemps sec puis un été mouillé suivi d’un automne chaud ont fait en sorte que les tubercules ont fait merveille aussi bien en nombre qu’en taille.

Rüdi Fischer, président de l’Union suisse des producteurs de pommes de terre (USPPT), est loin de crier au record et se borne à parler d’une récolte au-dessus de la moyenne, comme ce fut déjà le cas en 2009. Certaines régions enregistrent des surplus de 20% et plus, tandis que dans d’autres régions, la récolte est au-dessous de la moyenne.

«Charlotte» sur le retour

«Cette année, la récolte est certes très importante, mais le marché est très tendu. Nous ressentons particulièrement les effets de la lutte pour les parts de marché», indique Rüdi Fischer. Cela concerne en particulier des classiques comme la «charlotte», dont la consommation diminue.

Par contre, la production industrielle de frites ou de chips pose moins de problèmes. «Pour ces produits, toute la récolte peut être écoulée en gros. McDonald’s achète à lui seul presque la totalité de la récolte de la variété ‘Innovator’», ajoute le président de l’USPPT.

Mais pour faire face aux excédents de rendement, les achats ont dû être limités à 35 tonnes dans certaines régions, alors que les agriculteurs pouvaient en livrer jusqu’à 50. Aujourd’hui, contrairement à la situation d’il y a deux ans, la Confédération n’apporte plus d’aide financière pour compenser la surproduction.

Pour le bétail

Pour répondre à la pression du marché, l’Union des producteurs a introduit un système de dénaturation de la marchandise excédentaire qui permet au paysan de recevoir 19 francs pour cent kilos. Les pommes de terre sont destinées à l’affouragement du bétail.

«Les vaches mangent volontiers des pommes de terre, alors qu’il faut les passer à la vapeur avant de les donner aux porcs», indique Rüdi Fischer. Il estime que plusieurs dizaines de milliers de tonnes de pommes de terre finiront dans les mangeoires des étables cette année.

«Ce sont les paysans les plus stupides qui ont les plus grosses pommes de terre», dit le dicton. Et pourtant, cette année, c’est la météo plutôt que l’intelligence des producteurs qui est à l’origine des excédents.

«Pour le paysan, c’est très mauvais d’avoir de grosses pommes de terre, poursuit Rüdi Fischer. C’est justement en cas d’excédents que l’industrie de la transformation peut se permettre de refuser sans pitié les pommes de terre qui sortent de la norme.»

Les paysans se sont ainsi vu reprocher d’avoir laissé leur production devenir trop grosse, «mais avec les hautes température de la fin de cet été, c’est allé très vite et, en l’espace d’un week-end seulement, les tubercules ont déjà beaucoup grossi».

Petit tubercule et gros coûts de production

C’est ainsi qu’en raison de la pression sur les et de la dénaturation de la production, les paysans ne vont pas pouvoir transformer leur belle récolte en monnaie sonnante et trébuchante.

Il y a encore une autre raison à cela: «La pomme de terre est la culture la plus exigeante en capital», selon Rüdi Fischer. Cela commence avec les semences, puisqu’il faut compter environ 3500 francs pour un hectare (10 ‘000 m2). Puis il y a les produits phytosanitaires et les engrais, qui atteignent 2000 francs par hectares. Et la machine coûte à elle seule plus de 100’000 francs.

«Un hectare de pommes de terre coûte dans les 9000 francs avant même de pouvoir toucher un franc. Et encore, sans compter le travail», précise Rüdi Fischer. Officiellement, les cultivateurs perçoivent 48 francs pour 100 kilos de «charlottes» et 42 pour la variété industrielle «agria».

«Mais c’est seulement le prix brut, car il faut encore compter des frais pour le tri, pour la consigne des grandes caisses de stockage, pour la compensation de la perte de poids pendant le stockage, les déchets pendant la récolte (5-10%), sans oublier la cotisation à l’Union des producteurs.»

A l’arrivée, le paysan réalise 38 à 40 francs pour 100 kilos de «charlotte» et 34 à 37  l’«agria».

Mais le président de l’USPPT ne veut pas se plaindre. Il a plutôt l’intention d’augmenter la consommation de pommes de terre en Suisse, notamment avec des campagnes de publicité.

Les habitants de Suisse mangent chaque année près de 300‘000 tonnes de pommes de terre. La moitié en tant que telle, l’autre moitié sous la forme de produits transformés, tels que les frites ou les chips.

Cela représente une consommation annuelle de 46 kilos par personne et place la Suisse en queue de peloton européen. En tête, on trouve la Lettonie (147 kg), la Pologne (126 kg), l’Irlande (123 kg), la Lituanie (116 kg) et l’Estonie (107 kg). La Bulgarie ferme la marche avec 38 kg par habitant (chiffres de 2006).

L’Union suisse des producteurs de pommes de terre veut accroître la consommation de patates produites en Suisse. Lors d’une  très bonne année, à l’instar de 2011, l’autosuffisance est parfaitement envisageable. Des pommes de terre sont cependant importées en nombre, notamment en début d’année. Au total, 15’000 à 20’000 tonnes sont importées chaque année.

Cinq entreprises transforment des pommes de terre en Suisse. Elles en font principalement des pommes frites et des chips. La quantité de patates transformées a tendance à augmenter. Les mini pommes de terre ont notamment gagné des parts de marché. A l’inverse, la demande pour les patates non transformées de type «charlotte» régresse.

(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)

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