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Peines plus indulgentes que prévu pour les «cogneurs»

Le verdict a été communiqué à Munich après un procès de huit mois. Keystone

Les trois jeunes Zurichois jugés depuis mars à Munich pour avoir sauvagement agressé cinq personnes ont été condamnés à des peines allant d’un peu moins de 3 ans à 7 ans de prison. En Allemagne, le maximum est de 10 ans pour les mineurs.

Les trois jeunes Zurichois qui avaient grièvement blessé, lors d’agressions gratuites, cinq personnes dans l’ambiance estivale d’une fin de mois de juin, en 2009, ont écopé de peines de prison de 2 ans et 10 mois à 7 ans. Ils ont tous aujourd’hui 18 ans révolus.

Le verdict a été rendu public lundi en début d’après-midi à Munich, après huit mois de procès à huis clos. Le juge Reinhold Baier, dont les médias alémaniques avaient expliqué, ces derniers jours, qu’il infligeait souvent de très lourdes peines, n’est pas allé aussi loin que la procureure Verena Käbisch.

Le principal accusé, Mike, écope de 7 ans, contre les 9 ans requis; Benjamin de 4 ans et 10 mois (l’accusation demandait 7 ans) et Ivan de deux ans et 10 mois, contre 6 requis par la procureure. Après près de 17 mois de détention préventive, ce dernier pourrait bientôt demander une libération de peine.

«Lourd, mais pas sévère»

Nicolas Queloz, professeur de droit pénal et de criminologie à l’Université de Fribourg, ne qualifie pas ce verdict de «sévère». «Par rapport au droit suisse, qui prévoit une peine maximale de réclusion de quatre ans pour les mineurs de plus de 16 ans, le verdict est certes lourd, mais je ne le qualifierai pas de sévère, explique-t-il, puisqu’il est relativement indulgent, par raport aux peines prononcées dans ces cas-là en Bavière».

Le professeur attend néanmoins les considérants du verdict pour se prononcer sur le fond. Dans un communiqué, la Cour indique «ne pas suivre l’accusation quant au motif de tentative d’assassinat qu’auraient perpétré deux des trois jeunes dans le Nussbaumpark». C’est là que les jeunes avaient frappé leurs premières victimes, trois Macédoniens jouant aux échecs, en en frappant un à la tête, par derrière.

En revanche, lorsqu’ils s’en sont pris à un homme d’affaires qui porte encore les séquelles de son agression, deux des trois jeunes «ont agi de telle manière que la mort de leur victime pouvait en résulter» et cela «avec des motivations très faibles», écrit la Cour.

Dédommagements

Les juges indiquent encore avoir tenu compte des aveux de deux des trois accusés en fin de procès, de même que des accords de dédommagements conclus avec les victimes. On ne sait rien des montants convenus.

«L’âge des jeunes et le fait qu’ils aient été loin de leur famille durant la détention préventive» ont aussi été pris en compte pour amoindrir la peine, ajoute la Cour. En revanche, les précédentes infractions perpétrées par les trois jeunes en Suisse, dans le canton de Zurich, ont été un facteur aggravant.

Chances de réinsertion?

Selon Nicolas Queloz, «les chances de réinsertion des jeunes condamnés dépendent de l’établissement pénal dans lequel ils sont placés. Certains établissements sont connus pour avoir des programmes éducatifs, et même des places d’apprentissage. Mais dans les grands établissements avec de nombreux prisonniers, la sécurité est plus une question primordiale et l’enfermement des condamnés prend le pas.»

Si l’Allemagne connaît une peine maximale de 10 ans pour les mineurs, elle est de 4 ans en Suisse depuis début 2007, pour les jeunes à partir de 16 ans. La peine maximale n’a été prononcée qu’une seule fois, dans le cas d’un assassinat au couteau à Lausanne.

«La Suisse et l’Allemagne ne sont pas particulièrement sévères, estime Nicolas Queloz. La France en revanche, depuis une dizaine d’années, a tendance à ‘intégrer’ peu à peu la justice des mineurs dans la justice des adultes. Il y a un vrai virage répressif.»

En Suisse, contrairement à une partie de l’opinion publique, la plupart des spécialistes sont opposés au nouveau tour de vis dans les peines. C’est le cas du professeur Queloz.

«Prononcer une peine est indispensable, affirme-t-il. Mais je ne suis en aucun cas pour une loi du talion. Et un jeune peut toujours avoir la chance de trouver un accompagnant, un enseignant ou autre, qui provoque un déclic.»

Rôle des accompagnants

Après un nouveau cas d’agression par des jeunes en voyage à Rome, récemment, la question se pose de la pérennité de ces déplacements collectifs à supposé but pédagogique.

«De manière générale, on peut parier, avance Nicolas Queloz, que ce genre de voyage à l’étranger risque de fortement diminuer. Le sentiment d’impunité, parce que les jeunes sont à l’étranger, allié à l’alcool et à la dynamique de groupe, sont des ingrédients propres à alléger les barrières de l’autocontrôle…»

A Munich, plusieurs questions restent ouvertes. On ne sait pas encore si la procureure fera appel. Les avocats ont indiqué être satisfaits du verdict.

Une fois celui-ci entré en vigueur, les lieux d’emprisonnement seront fixés. Il n’est pas exclu, en vertu d’un accord d’entraide judiciaire entre la Suisse et l’Allemagne, que les jeunes condamnés en purgent une partie de leur peine en Suisse.

Elèves de l’école de perfectionnement de Küsnacht (10e année), Mike, Benjamin et Ivan, 16 ans en juin 2009, devaient répondre de tentative d’assassinat (double pour Mike) et de blessures corporelles graves pour avoir agressé au total cinq personnes lors d’un voyage de fin d’année organisé à Munich.

Le procès a commencé devant la 1re chambre du tribunal des mineurs du «Landgericht» de Munich le 8 mars dernier, à huis clos, comme il est d’usage en Allemagne pour la justice des mineurs.

Plus de 40 témoins et experts ont été entendus. La justice allemande a demandé à la justice suisse d’interroger certaines personnes – mineures également – par vidéoconférence.

Les trois accusés ont commencé par se murer dans le silence. Suite à un changement d’avocat, Benjamin a avoué et manifesté ses regrets, suivi de Mike.

La procureure avait requis 9 ans de prison (sur un maximum de 10 ans) contre Mike, impliqué dans les cinq agressions, et avait retenu l’accusation de tentative de meurtre. Le juge lui inflige 7 ans de prison pour blessures corporelles graves dans quatre cas et tentative d’assassinat dans un cas.

L’accusation réclamait 7 ans contre Benjamin, condamné finalement à 4 ans et 10 mois de prison pour tentative d’assassinat avec blessures corporelles graves.

Ivan, contre qui la procureure avait requis 6 ans de prison, a écopé de 2 ans et 10 mois pour violences corporelles graves.

En voyage de fin d’année à Munich, Mike, Benjamin et Ivan sortent ce mardi 30 juin 2009.

Mike ne retrouve plus son portemonnaie et s’énerve.

Avec les deux autres, il tabasse trois hommes, dont deux perdent connaissance.

Puis un voyageur de commerce rentrant à son hôtel est frappé au visage, dont la moitié est «déplacée vers la droite», selon les médecins.

Ils frappent encore un étudiant avant de s’enfuir et de rentrer dans leur logement regarder un film, jusqu’à l’arrivée de la police.

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