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Stöckli, le dernier fabricant suisse de skis

Stöckli vend 45 000 paires de skis par an. stoeckli.ch

Attenhofer, Authier, Schwendener ou Streule, autant de noms qui firent les belles heures de l’industrie suisse du ski. Aujourd’hui, il n’en reste plus qu’un: Stöckli.

Contrairement à ce qui s’est passé à l’étranger en effet, les marques helvétiques n’ont pas trouvé leurs sauveurs.

«Les stations de ski deviennent de plus en plus des lieux de rendez-vous», constate Sepp Odermatt, directeur commercial de Stöckli, le dernier fabricant suisse de skis.

Carving, Freeride ou Ski Cross: telles sont les nouvelles – ou moins nouvelles – manières de s’éclater sur deux lattes. Le «fun», c’est de tourner le plus serré possible à grande vitesse, de s’élancer hors des pistes ou d’en découdre avec un rival sur un parcours semé d’embûches.

Et le plus souvent, les adeptes de la glisse ont aux pieds des skis autrichiens, français, allemands ou américains.

Un skieur sur dix

En fait, seul un skieur suisse sur dix achète suisse, donc Stöckli. «Nous pourrions sans problèmes produire 100’000 ou 200’000 paires par année et les exporter», explique Sepp Odermatt.

Mais Stöckli s’en tient à sa stratégie: la qualité avant la quantité. L’entreprise installée à Malters (canton de Lucerne) ne fabrique que 45’000 paires de skis par année.

Près des deux tiers sont vendues en Suisse, dans les magasins de la marque – 8 en plaine et 23 dans les stations de montagne. Le solde de la production est exporté, principalement vers les Etats-Unis.

Les skis ne représentent qu’un tiers du chiffre d’affaires de Stöckli, qui vend également des vêtements, des chaussures et des fixations, ainsi que des mountain bikes.

Totalement autonome

«En tant que fabricant qui commercialise lui-même ses produits, nous avons un contrôle total sur nos marges, poursuit Sepp Odermatt. Mais encore une fois, notre créneau n’est pas la production de masse.»

De cette manière, Stöckli peut échapper aux diktats des grandes chaînes de distribution. Et même la concurrence salue cette philosophie.

Chef de file des slalomeurs et des géantistes suisses à l’époque dorée de Bernhard Russi, Walter Tresch travaille aujourd’hui comme conseiller pour la marque allemande Völkl.

«Stöckli vend des produits de niche et le fait dans ses propres magasins, ce qui lui permet de rester totalement autonome», commente cet ancien géant du cirque blanc.

L’incontournable Coupe du Monde

Le Cirque Blanc, précisément, fait partie intégrante de la stratégie de Stöckli. Depuis dix ans, l’engagement dans les épreuves de Coupe du Monde est devenu vital pour la marque.

A côté du slogan «la course, une passion à vivre», cette stratégie a également son prix. «Nous dépensons autant en marketing, publicité et relations publiques qu’en recherche et développement», avoue Sepp Odermatt.

Après les quatre victoires en Coupe du Monde d’Urs Kälin et de Didier Plaschy, ainsi que plusieurs médailles aux Championnats du Monde – toujours en slalom et en géant -, Stöckli vise maintenant une consécration dans l’épreuve-reine: la descente.

Les espoirs de la marque reposent sur les épaules du Grison Ambrosi Hoffmann, quatrième aux Mondiaux de St-Moritz cette année, à quelques centièmes de seconde du podium.

Des faiblesses structurelles

A vrai dire, la marque Völkl pourrait, elle aussi, être tenue pour suisse. Ce sont en effet des investisseurs helvétiques qui l’ont sauvée de la déroute il y a quelques années.

«Malgré cela, nous restons allemands, explique Walter Tresch. Car Völkl est positionné sur le marché comme un produit de qualité «made in Germany.»

Pour l’ancien champion, resté fidèle au monde de la glisse depuis trente ans, ce sont surtout des causes structurelles qui ont sonné le glas de l’industrie suisse du ski à partir des années 80.

«Avec quelques milliers de paires par an, les fabricants suisses ne pouvaient simplement plus régater», note Walter Tresch.

En fait, la crise qui a frappé les fabricants de skis avant le boom du snowboard et du carving n’a épargné personne. «Les plus grandes marques étaient encore dirigées par la génération des pionniers. Ils se sont accrochés à leurs conceptions traditionnelles et ils ont raté le train de la modernisation», se souvient Tresch.

Et contrairement à leurs concurrents français ou autrichiens, les producteurs suisses n’ont eu ni banques ni investisseurs étrangers pour voler à leur secours. Le cas de Völkl étant ici l’exception qui confirme la règle.

L’exemple de Streule

En Suisse, Hanspeter Streule est un exemple d’entrepreneur familial autrefois actif dans la production de skis. «A la meilleure époque, nous fabriquions jusqu’à 11 000 paires par année», se souvient-il.

En 1985, il a repris l’entreprise installée à Schlieren, dans la banlieue zurichoise, des mains de son père et il l’a peu à peu développée, en fabriquant également des casques et des bâtons.

Puis sont venus deux hivers pratiquement sans neige, en 1989 et 1990. «A ce moment, nous aurions dû consentir de gros investissements», raconte Hanspeter Streule.

Mais à l’époque, aucun de ses deux fils n’a voulu se lancer dans l’aventure. Et en 1994, Hanspeter Streule a décidé de saisir une offre intéressante pour ses surfaces et ses machines. Il a donc vendu l’entreprise.

«Je n’étais pas forcé de le faire, mais j’ai choisi d’arrêter», insiste Hanspeter Streule. La fabrique n’était pas dans les chiffres rouges et tout le personnel a trouvé à se recaser.

Tout le contraire de la faillite particulièrement sévère de la marque Authier, disparue après avoir brillé très haut au firmament du ski de compétition.

Croissance trop rapide



Autre histoire douloureuse: celle de Schwendener. Une entreprise qui, selon Hanspeter Streule, a grandi trop vite. Avec une production annuelle de 60 000 à 70 000 paires de skis, la marque était devenue beaucoup trop dépendante du marché de l’exportation.

Quant à Attenhofer, l’entreprise a finalement disparu faute d’avoir pu régler correctement un problème de succession.

Hanspeter Streule peut malgré tout regarder son présent et envisager son avenir avec sérénité. Aujourd’hui en effet, l’ancien fabriquant de skis dirige avec succès le département export et commerce de la marque Stöckli.

swissinfo, Renat Künzi
(traduction et adaptation, Marc-André Miserez)

Dans le monde du ski, Stöckli est un petit fabriquant «de niche», qui vend ses produits dans ses propres magasins.
La marque est aujourd’hui la dernière de Suisse, après la disparition d’Attenhofer, Authier, Schwendener et Streule.
Ces quatre entreprises helvétiques n’ont pas survécu à la crise de la branche et à l’arrivée du snowboard et du carving.
A l’étranger, la plupart des grandes marques de skis ont été sauvées par de gros investisseurs.

– Aujourd’hui, il se vend chaque année près de 5 millions de paires de skis dans le monde.

– Les plus gros fabricants sont l’américain Atomic (840’000 paires), les français Rossignol (830’000) et Salomon (825’000), l’austro-américain Head (560’000) l’autrichien Fischer (500’000) et l’allemand Völkl (450’000).

– Avec 45 000 paires produites annuellement, le suisse Stöckli est un petit fabricant, qui vise le haut de gamme.

– Stöckli réalise un chiffre d’affaires de 40 millions de francs par année, à raison d’un tiers pour les skis et de deux tiers pour les vêtements, chaussures, fixations et mountain bikes.

– Très présent en Coupe du Monde de ski alpin, Stöckli y dépense chaque année près d’un million de francs.

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