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Tisser patiemment les liens de la vie en commun

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Lugano, neuvième ville suisse, réunit quelque 130 nationalités. Au Tessin, la communauté macédonienne n'est pas la plus nombreuse mais compte un groupe de femmes très actives. Rencontre avec sa responsable, Maja Risteska.

L’histoire de cette femme de 42 ans est certainement très différente de l’idée classique – et donc un peu stéréotypée – de la migrante qui fuit son pays à cause de la guerre, de la faim ou de la pauvreté.

Professeure de langue et d’histoire de la littérature, elle est arrivée en 2001 au Tessin dans un but précis: les autorités de son pays l’avaient chargée d’enseigner la langue et la culture macédoniennes aux expatriés.

Pas de drame donc, pas de fuite, pas de recherche d’un pays plus sûr, mais une mission: apporter dans sa valise ce que ses compatriotes n’avaient pu emmener avec eux. Qu’a-t-elle mis dans sa valise?

«Des biens précieux comme l’histoire et la culture. Mon but, répond Maja Risteska, est de les aider à entretenir un lien avec leur pays d’origine à travers l’enseignement de la langue. Et, ainsi, de contribuer à tisser les liens de la vie en commun.»

Le bourgeon de la culture

«Maintenir un lien avec son pays d’origine, la terre où l’on est né et où l’on a grandi, c’est aussi important pour l’intégration. Quand un individu connaît ses racines, quand il sait d’où il vient, observe Maja Risteska, il s’ouvrira plus facilement aux autres. Ceci vaut pour tout le monde, mais surtout pour les deuxième et troisième générations.»

Des racines, justement. A la racine du mot culture, il y a l’idée de culture de l’esprit. Cultiver signifie labourer la terre, se salir les mains, construire des ponts, se mesurer et se rencontrer, creuser dans le sol, toucher ses propres racines. Les nôtres et celles des autres.

Maja, qui est aussi médiatrice culturelle, travaille surtout au Tessin, mais enseigne aussi à Zurich et Lucerne. «C’est une occasion de découvrir la réalité et la mentalité de la Suisse alémanique, où il y a beaucoup d’activités en faveur de l’intégration.»

Les Macédoniens? Des gens pacifiques

Les Macédoniens du Tessin, qui sont installés surtout dans la région de Locarno, n’ont pas de problèmes particuliers pour s’intégrer. Au début, comme pour tout le monde, il y a l’obstacle de la langue, l’insertion dans la société d’accueil, dans le monde du travail et à l’école.

«Toutes ces difficultés se surmontent avec le temps, explique Maja. Les Macédoniens ont une bonne capacité d’adaptation et sont de gros travailleurs. C’est un peuple joyeux, tranquille, pacifique. Ils sont très discrets, aiment rester entre eux, mais sont aussi ouverts au contact.»

Les Macédoniens installés en Suisse proviennent principalement des régions rurales proches de la Bulgarie. «Ce lien avec la terre, observe Maja, fait d’eux des gens très concrets, très réalistes. Mais chacun arrive avec son histoire personnelle, il est donc difficile de généraliser.»

Le rôle des femmes

Au sein de la famille macédonienne, la femme joue un rôle central. C’est pourquoi, dans la dynamique de l’intégration, l’implication du monde féminin est très importante. Les femmes, parfois en équilibre instable entre le désir d’émancipation et le respect des traditions, réussissent presque toujours à trouver des points de convergence.

«Les femmes que je rencontre, explique Maja Risteska, représentent les trois générations. Les grands-mères sont encore très liées à leur terre d’origine. Les mères, bien insérées dans le monde du travail, acceptent le mode de vie tessinois et saisissent toutes les occasions, surtout en matière de formation. Pour ce qui est des filles, on verra, car elles sont encore petites.»

Très rationnelles et très fortes, les femmes macédoniennes sont, disons, très dévouées à leur famille. «Les Macédoniennes peuvent tout accepter, tout endurer, mais quand il s’agit de la famille et des enfants, elles sont aux avant-postes. C’est aussi pourquoi elles sont très attentives à l’école, où les enfants sont souvent confrontés à d’autres valeurs.»

Avec pragmatisme, elles cherchent à apprendre le plus possible de la société d’accueil pour garantir à la famille la sérénité, la sécurité, la tranquillité et l’équilibre.

De Skopje au quartier de Besso

Skopje, la capitale de la Macédoine, est une métropole très semblable aux villes européennes. Maja Risteska habite à Besso, l’un des quartiers de Lugano comptant un taux élevé de population étrangère. Lugano, du reste, est un carrefour de quelque 130 nationalités.

«Je ne peux pas nier qu’il y ait des problèmes à Besso. Le trafic de drogue fait peur, confirme l’enseignante. Et quand on a un enfant adolescent, la peur augmente. On ne se sent jamais en sécurité. Et la sécurité n’est pas seulement une nécessité, mais aussi une valeur pour tous, indépendamment de leur origine.»

«Pourtant, je dois dire que la ville de Lugano fait beaucoup pour favoriser l’intégration. Et cela ne se limite pas à l’organisation de manifestations ou des parcours de formation, mais aussi a des propositions et des projets concrets. J’ai toujours réussi à trouver des gens qui m’écoutent et qui m’aident.»

Arrivée avec sa valise pleine de biens précieux, Maja Risteska a bien l’intention de les garder. «S’ouvrir au monde ne signifie pas oublier d’où l’on vient. Se serait se perdre.»

swissinfo, Françoise Gehring, Lugano
(Traduction de l’italien: Isabelle Eichenberger)

SSR SRG Idée Suisse organise du 7 au 13 avril une semaine consacrée à l’intégration. Sous le titre «Wir anderen – nous autres – noi altri – nus auters», la SSR propose à ses auditeurs et téléspectateurs une vaste palette de sujets, dans les registres de l’information, de la documentation et de la fiction. swissinfo participe également à cette semaine spéciale, dans ses neuf langues.

Fin 2007, Lugano comptait 52’993 habitants, dont 19’864 étrangers, soit 37,4%. La communauté la plus nombreuse est constituée par les Italiens (10’887), suivis des ex-Yougoslaves (4271).

A Lugano vivent environ 400 Macédoniens, mais ils sont 1200 à Locarno. En Suisse, ils représentent 16% de la communauté ex-yougoslave.

Diverses initiatives sont organisées à Lugano pour favoriser l’intégration. En 2004, la Commission fédérale des étrangers y a organisé la manifestation nationale intitulée «La Suisse plurielle».

Créé en 2004, le groupe des femmes macédoniennes fait partie de l’Organisation des femmes macédoniennes en Suisse (fondée en 2004 à Triengen).

Ses objectifs visent à favoriser l’intégration des femmes dans la société suisse au moyen de diverses activités culturelles et humanitaires; approfondir les contacts des Macédoniennes entre elles et avec les autres femmes de Suisse; combattre la violence, les mauvais traitements, le commerce des femmes et protéger l’égalité; instaurer des relations à long terme avec des institutions suisses et étrangères.

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